Un nouveau système de production d’ammoniac développé par une équipe de chercheurs pourrait réduire jusqu’à 63 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux méthodes actuellement labellisées « à faibles émissions ». Cette proposition repose sur une intégration industrielle inédite : placer côte à côte une usine de production d’ammoniac dite « bleue » avec une installation « verte », afin d’exploiter mutuellement leurs sous-produits.
Un levier d’optimisation par la mutualisation des ressources
L’ammoniac est un produit chimique largement utilisé dans l’agriculture comme engrais azoté, mais également dans certains procédés industriels liés aux plastiques et aux textiles. Sa fabrication, principalement basée sur le procédé Haber-Bosch, repose sur l’utilisation de méthane et génère une part significative des émissions du secteur chimique mondial. L’innovation consiste ici à coupler les technologies de captage du dioxyde de carbone (CO₂) des installations « bleues » à l’électrolyse de l’eau utilisée dans les installations « vertes », permettant une récupération efficace de l’oxygène résiduel.
Dans une usine verte, l’électrolyse de l’eau libère une grande quantité d’oxygène qui est habituellement évacuée dans l’atmosphère. Les usines bleues, elles, requièrent de l’oxygène pur pour leur procédé de reformage autotermique. Le regroupement des deux types d’unités permet donc une économie d’échelle, limitant les pertes et réduisant la dépendance à des infrastructures complémentaires de production d’oxygène.
Des implications économiques pour la filière industrielle
Le coût élevé de l’ammoniac bas-carbone reste un frein à sa généralisation. La mutualisation des ressources entre les deux types d’installations pourrait améliorer la viabilité économique de cette alternative, en particulier dans les régions ne disposant pas d’un accès bon marché à une électricité décarbonée. Le modèle proposé entend ainsi constituer une phase de transition vers un marché dominé par l’ammoniac vert, encore peu déployé à l’échelle industrielle.
Le développement de ce type de structure hybride pourrait aussi répondre à une demande croissante en ammoniac, qui s’étend désormais au secteur du transport maritime, en tant que carburant alternatif. Des tests sont en cours sur des camions, barges et drones, et l’Organisation maritime internationale étudie actuellement des normes susceptibles d’encourager son usage dans le fret maritime.
Des freins à lever avant une mise en œuvre commerciale
Malgré un potentiel technique et économique validé par modélisation, aucune installation industrielle de ce type n’a encore été construite. Les chercheurs reconnaissent qu’une première mise en œuvre soulèverait inévitablement des défis opérationnels liés au démarrage et à la coordination des deux unités. Le dépôt d’un brevet pour cette configuration a cependant été effectué, et l’étude laisse entrevoir un modèle économiquement plus attractif que les installations autonomes existantes.
L’ampleur des émissions du secteur de l’ammoniac en fait une cible prioritaire pour des projets de transformation industrielle à grande échelle. Selon des experts indépendants, cette approche intégrée, en améliorant l’efficacité et réduisant les coûts, pourrait représenter une étape significative vers la modernisation du secteur tout en rendant les investissements plus accessibles.