Résoudre le problème des déchets nucléaires : c’est le rêve de start-up qui développent de petits réacteurs innovants. Loin encore toutefois d’avoir les autorisations pour fonctionner à grande échelle.
Le nucléaire de demain: la fin des déchets?
« On utilise comme combustible des déchets pour en faire de l’énergie », résume Jean-Luc Alexandre, cofondateur de Naarea.
L’entreprise française travaille sur un projet de petit réacteur modulaire (SMR) de toute petite puissance à sels fondus (XSMR). L’originalité de ce projet, c’est donc de nourrir le réacteur de déchets nucléaires. Puis ans un deuxième temps, de thorium, un élément radioactif dont l’utilisation comme combustible est étudiée depuis des décennies.
Le thorium a l’avantage de ne pas pouvoir être utilisé pour des usages militaires et d’être très abondant. C’est un sous-produit de l’exploitation des terres rares. « Il y en a des quantités phénoménales sur Terre », souligne Jean-Luc Alexandre.
Transmutex produit de l’énergie sans déchets haute activité et vie longue
Une autre jeune entreprise suisse, Transmutex, utilise pour son petit réacteur une autre technologie (un « accélérateur de particules » produisant des neutrons) qui doit « permettre de détruire beaucoup de déchets » nucléaires avec également une utilisation du thorium, explique son directeur général, Franklin Servan-Schreiber.
Les deux projets promettent de produire eux-mêmes beaucoup moins de déchets. Surtout, aucun de haute activité et vie longue. Ce sont ceux-ci qui posent actuellement des problèmes de gestion pour des dizaines de milliers d’années, sans solution de consensus.
« Le réacteur produit des déchets qui durent moins de 300 ans, c’est moins qu’une bouteille de plastique ou un mégot de cigarette dans l’océan », dit Franklin Servan-Schreiber.
Initiatives soutenues par le gouvernement français
Ce type d’initiatives fut activement discutée au salon du nucléaire WNE qui se tenait près de Paris jusqu’à jeudi 2 décembre 2021. Elles sont aussi soutenues par la France, qui doit débourser 1 milliard d’euros dans le cadre de son plan d’investissement à 2030 pour « faire émerger en France des réacteurs nucléaires de petite taille, innovants et avec une meilleure gestion des déchets ».
Face au défi de la crise climatique, les porteurs de ces projets veulent promouvoir de nouveaux usages pour le nucléaire et son énergie sans émission de carbone (CO2), au plus près des utilisateurs : aciéries, usines de dessalement d’eau, propulsion de gros navires…
Le calendrier est très ambitieux Naarea vise un premier réacteur de série « d’ici à cinq ans ».
« Démontrer la sûreté »
Ces perspectives ne font toutefois pas l’unanimité. « Ce n’est pas une solution claire », estime Nicolas Nace, de Greenpeace. Il rappelle que ces technologies étaient pour certaines déjà évoquées il y a des dizaines d’années.
« On est vraiment dans l’opération de séduction et de verdissement du nucléaire pour minimiser cette question des déchets », juge-t-il.
Aux États-Unis, l’association de scientifiques « Union of Concerned Scientists » a publié en mars 2021 un rapport extrêmement critique sur les projets de réacteurs avancés. Elle estime que certains posent même plus de risques que ceux de la flotte actuelle. Par exemple, des risques de corrosion ou d’émission de gaz radioactifs dangereux dans les réacteurs à sels fondus.
L’association dénonçait aussi des « calendriers très serrés, incohérents avec l’expérience récente sur de nouveaux réacteurs ».
Processus longs
En effet, les processus d’autorisation sont longs dans le domaine du nucléaire. Ce qui pourrait remettre en cause la capacité de certains projets innovants à arriver sur le marché suffisamment tôt pour contribuer efficacement à la lutte contre le changement climatique.
« Quel que soit le réacteur, il faut que celui qui en fait la promotion soit capable de démontrer qu’il est sûr. Plus la technologie est proche de ce qui est exploité aujourd’hui au niveau mondial et plus on a de connaissance scientifique. », souligne Julien Collet, directeur général adjoint de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
« Et évidemment plus la technologie est innovante, nouvelle, plus elle va nécessiter d’acquérir des connaissances scientifiques, technologiques, nouvelles pour démontrer la sûreté du réacteur », poursuit-il. Et l’accumulation de ces savoirs peut « prendre du temps ».
« Le frein ne sera pas du côté technologique, il sera du côté réglementation et autorités », reconnaît Jean-Luc Alexandre. Mais les start-up espèrent que la volonté politique permettra de bousculer le calendrier : « On pense que le monde va changer et qu’on va se rendre compte qu’on est en guerre contre le changement climatique », espère Franklin Servan-Schreiber.