Le Mozambique a accordé une concession exclusive de 30 ans à un consortium public pour opérer l’ensemble des infrastructures gazières critiques entre Beira, Inhassoro et la ligne de transport Rompco. Ce montage juridique repose sur un véhicule dédié réunissant les principales entreprises publiques du pays, dont l’Entreprise Nationale des Hydrocarbures (ENH), Caminhos de Ferro de Moçambique (CFM), Electricidade de Moçambique (EDM) et Hidroeléctrica de Cahora Bassa (HCB).
Une chaîne gazière intégrée au service de la région
L’infrastructure principale s’articule autour d’une unité flottante de stockage et de regazéification (FSRU) implantée au large de Beira et d’Inhassoro. Elle est connectée au gazoduc Rompco, long de 865 km, qui alimente déjà près de 90 % de la demande gazière sud-africaine depuis les champs de Pande et Temane. Le terminal terrestre et ses capacités de stockage s’insèrent dans un plan d’investissement estimé à 290 MUSD visant à moderniser le port de Beira.
L’opération transforme le Mozambique d’un simple pays de transit en acteur régional structurant du gaz naturel. Elle intègre une chaîne complète LNG–pipeline, capable d’acheminer du gaz regazéifié issu des projets offshore de Rovuma, avec une synergie immédiate avec les installations de Sasol à Inhassoro.
Un levier géopolitique accru pour Maputo
Pour l’Afrique du Sud, la capacité d’injecter du LNG via Rompco offre une alternative à la baisse de production des gisements historiques, dans un contexte de transition énergétique accélérée. Le corridor Beira–Rompco devient un pilier de sa stratégie de sécurisation rapide des approvisionnements gaziers.
Pour Maputo, la mainmise étatique sur les capacités de regazéification et le transport permet de contrôler l’allocation des flux et les négociations commerciales. Ce repositionnement stratégique renforce l’influence du pays dans les arbitrages énergétiques régionaux, tout en réduisant sa dépendance aux zones à risque du nord.
Risques juridiques et gouvernance publique
Le cadre juridique de la concession, couvrant toutes les étapes de la chaîne midstream, offre une visibilité contractuelle favorable aux bailleurs. Toutefois, l’exclusivité accordée au SPV limite l’accès concurrentiel aux infrastructures et soulève des interrogations sur les conditions d’accès de tiers.
Les entreprises publiques impliquées concentrent une part importante des actifs stratégiques du pays, tout en affichant une fragilité financière chronique. L’agrégation de ces entités dans une structure unique accentue le risque de création d’un véhicule à passif élevé, susceptible d’exposer l’État à de nouvelles obligations quasi-souveraines.
Une réponse à l’épuisement des ressources existantes
Le Mozambique anticipe le déclin programmé des champs de Pande et Temane, actuellement à la base du réseau Rompco. En adaptant l’infrastructure au LNG importé et regazéifié, le pays garantit la continuité d’approvisionnement vers l’Afrique du Sud tout en créant une offre pour sa propre demande industrielle.
Cette transformation aura des implications contractuelles pour les futurs accords de vente de gaz. Les prix devraient s’aligner sur les indices LNG internationaux, marquant une rupture avec les coûts historiquement bas du gaz domestique.
Perspectives industrielles et arbitrages économiques
Le gouvernement mozambicain affirme vouloir réserver une part du gaz regazéifié à l’usage domestique, notamment pour l’alimentation des centrales électriques et le développement d’unités industrielles. À Inhassoro, Sasol a déjà mis en service une installation de production locale de gaz de pétrole liquéfié (LPG), contribuant à réduire les importations énergétiques.
L’arbitrage entre exportations génératrices de devises et sécurité énergétique nationale reste un point d’attention majeur. Le choix entre vente internationale et soutien aux usages industriels locaux pourrait devenir un indicateur clé de la stabilité du cadre énergétique du pays.
Effets régionaux et exposition sécuritaire
La centralisation du corridor autour de Beira et Inhassoro, zones relativement stables, marque un éloignement délibéré des infrastructures des régions affectées par l’insurrection de Cabo Delgado. Toutefois, le risque sécuritaire reste présent à l’échelle nationale, et les investisseurs restent sensibles à toute dégradation de la situation dans les zones périphériques.
La participation d’acteurs publics comme HCB, exportateur majeur d’électricité, crée une interconnexion stratégique entre gaz et électricité, renforçant l’intégration régionale tout en ajoutant des dimensions de complexité dans la gestion des revenus croisés.