Ce nouvel organisme, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), rassemble désormais l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Il constitue l’unique entité responsable de la sûreté atomique sur le territoire national, succédant à l’ASN, ancien « gendarme » nucléaire, et à l’IRSN, auparavant chargé de l’expertise. Cette fusion, mise en place à l’initiative de l’exécutif, a été officiellement justifiée par un besoin de décisions plus directes et plus cohérentes. Elle suscite néanmoins des interrogations concernant la préservation de l’indépendance de l’expertise technique et la garantie d’une information transparente pour le public.
Réorganisation et cadre d’expertise
L’ASN assurait autrefois la surveillance et la réglementation du secteur nucléaire, tandis que l’IRSN se concentrait sur l’évaluation des risques et la conduite d’études scientifiques. Plusieurs observateurs ont exprimé la crainte que la réunion de ces deux missions n’entraîne une confusion entre l’instruction d’un dossier et l’expertise nécessaire à son évaluation. Au sein de l’ASNR, certains s’inquiètent de la frontière à maintenir entre celui qui décide et celui qui produit des avis techniques. Les représentants de l’ASNR indiquent, pour leur part, que la nouvelle structure prévoit un fonctionnement garantissant la distinction entre ces deux volets.
L’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opecst), instance chargée d’éclairer les élus sur des sujets complexes, a auditionné Pierre-Marie Abadie, président de l’ASNR. Selon lui, la fusion n’implique aucun recul en matière de transparence et d’indépendance, dans la mesure où les processus internes sont pensés pour éviter tout conflit d’intérêts. Les avis techniques seraient rendus publics, dans la plupart des cas, en même temps que les décisions pour lesquelles ils ont été sollicités. Le président de l’ASNR évoque également la possibilité de publier des expertises plus tôt, si cela répond à un impératif d’information.
Principes de saisine et d’auto-saisine
Jusqu’à présent, l’expertise émanait d’une « commande » passée par l’organisme décisionnaire à l’organisme d’analyse. Le nouveau règlement intérieur, selon les propos de Pierre-Marie Abadie, remplace cette notion de « commande » par une « saisine », renforçant l’idée d’un acte formel et transparent. Le texte accorde également un pouvoir d’auto-saisine aux experts, ce qui leur permet d’investiguer un sujet sans attendre de demande hiérarchique. Cette modalité est perçue comme une mesure destinée à préserver un haut niveau d’indépendance scientifique au sein de la nouvelle autorité.
Le dirigeant de l’ASNR insiste sur la volonté d’organiser des échanges rigoureux entre l’expertise et l’instruction, tout en évitant un cloisonnement excessif. Il évoque la suppression de formulations trop restrictives dans la version initiale du règlement, afin de permettre une flexibilité dans la façon de conduire les analyses. Les groupes de travail internes sont tenus de documenter chaque étape de l’évaluation, assurant ainsi une traçabilité claire de leurs conclusions. Les équipes concernées peuvent donc proposer elles-mêmes d’approfondir des points jugés cruciaux, afin que rien ne soit laissé sans examen.
Réactions des parlementaires
Plusieurs membres de l’Opecst ont fait part de leur satisfaction quant aux améliorations apportées au texte final. Certains pointent toutefois la nécessité de surveiller de près la mise en pratique des mesures annoncées, en particulier la dissociation entre les fonctions d’expertise et la prise de décision. Les parlementaires insistent sur le fait que la fusion ne doit pas miner la capacité des experts à exprimer leurs réserves ou à formuler des alertes s’ils l’estiment nécessaire. Ils considèrent également que la publication simultanée des avis techniques et des décisions sera un bon indicateur de la volonté de transparence.
La France Insoumise (LFI), par la voix d’un député opposé à la réforme, continue de juger insuffisantes les garanties offertes par la nouvelle autorité sur la question de l’indépendance. Cette formation politique est attentive à l’équilibre instauré entre l’expertise scientifique et les décisions administratives. Le recours à l’auto-saisine et la publication systématique des études menées figurent parmi les points de vigilance soulevés au cours des échanges. D’autres élus se déclarent également soucieux de conserver des possibilités de contre-expertise extérieure, afin de maintenir une pluralité d’analyses dans le domaine nucléaire.
Transparence, publications et suite des débats
Plusieurs observateurs estiment que l’information du public demeure un enjeu crucial. Les publications doivent inclure le détail des procédures d’évaluation, afin de clarifier comment les conclusions ont été validées et selon quels critères. Le président de l’ASNR confirme qu’une large partie des rapports, qu’ils concernent des inspections ou des études spécifiques, restera disponible en ligne. Cette accessibilité vise à instaurer un climat de confiance entre les opérateurs, l’administration et les parties prenantes extérieures.
Des élus écologistes soulignent pour leur part que la fusion est récente et doit encore faire ses preuves dans la durée. Certains réclament déjà l’évaluation régulière des conséquences concrètes de cette réorganisation, par la réalisation de bilans transmis aux commissions compétentes. D’autres jugent qu’il est nécessaire de poursuivre le dialogue avec le personnel de l’ancienne IRSN, afin de répondre à leurs inquiétudes sur la préservation d’une approche strictement scientifique. Ce processus, selon eux, requerra un suivi constant et une attention portée à chaque étape de la chaîne décisionnelle.
Plusieurs parlementaires considèrent que le texte définitif du règlement intérieur a progressé sur des points sensibles, en particulier la séparation entre l’instruction et l’expertise. Le fait de mieux définir les rôles des uns et des autres, et de rendre possible l’auto-saisine, est présenté comme un pas vers une indépendance technique accrue. Certains craignent cependant que la proximité au sein d’une même entité n’influence la portée des avis rendus à long terme. Cette inquiétude alimente l’idée d’un contrôle renforcé, auquel élus et observateurs entendent rester attentifs.
Certains jugent enfin que l’ASNR doit démontrer, au fil de ses premières décisions, la solidité de son modèle en matière de transparence, de rigueur et d’objectivité. Plusieurs retours d’expérience sont attendus, afin de déterminer si la séparation entre expertise et pouvoir décisionnel demeure effective dans toutes les situations. Des parlementaires de divers horizons ont déjà annoncé leur volonté de procéder à des auditions complémentaires, pour s’assurer que les engagements inscrits dans les textes seront fidèlement mis en œuvre. Cette diversité de positions souligne l’importance du débat autour de la sûreté nucléaire et incite chacun à évaluer les effets réels de la fusion sur les principes fondamentaux de surveillance.