La centrale nucléaire Fukushima revient sur le devant de la scène ce 11 mars 2021, 10 ans après la catastrophe. À 11h46, le Japon s’est arrêté en hommage aux 22.000 victimes, commémorant des évènements aux conséquences encore bien présentes. Suite à l’accident, le Japon a voulu se débarrasser définitivement du nucléaire.
Or, le gouvernement actuel est conscient que le pays ne pourra pas décarboner son économie sans l’énergie atomique. En outre, toute la filière nucléaire doit donner, depuis la catastrophe, des gages de sécurité et de contrôle de ses installations. EDF et d’autres s’engagent également dans la poursuite de cet objectif.
Centrale Nucléaire Fukushima : le Japon se rappelle
Le 11 mars 2011, le Japon est frappé par un tsunami provoqué par un tremblement de terre de magnitude 9. Les vagues de plus de 15 mètres inondent la centrale nucléaire Fukushima Daiichi, seulement résistante à des séismes de magnitude 7, selon l’IAEA. Les systèmes de refroidissement s’enrayent et ne parviennent pas à prévenir la fusion des cœurs entraînant l’explosion des réacteurs à eau bouillante de la centrale.
Plus de 160.000 habitants fuient alors que les radiations se répandant dans l’air et l’eau. Ces déplacements dans la confusion font 2000 nouvelles victimes. Le Premier ministre japonais de l’époque, Naoto Kan, craint même de devoir évacuer les 14 millions d’habitants de Tokyo.
Le Japon marqué pour le reste de son histoire
Le gouvernement japonais devra dépenser 300 milliards USD$ pour reconstruire la région de Tohoku, dévastée par le tsunami. La zone contaminée autour de la centrale nucléaire de Fukushima reste interdite à cause des niveaux de rayonnement élevés. Son démantèlement pose encore beaucoup de questions et devrait durer des décennies.
Depuis l’accident nucléaire de Fukushima, les réacteurs nucléaires sont refroidis avec une eau qui ressort chargée de composants radioactifs. Les eaux contaminées sont ensuite stockées sur le site par la compagnie d’électricité tokyoïte Tepco et ses partenaires, comme Orano. L’eau contaminée , dont le volume atteint déjà un million de mètres cubes, devrait amener les réservoirs à saturation dès 2022.
« Fukushima est marqué pour le reste de son histoire par l’énergie nucléaire » déclare Kiyoshi Kurokawa, responsable de l’enquête sur l’accident nucléaire de fukushima.
En conséquence de l’accident, l’opinion publique rejette massivement cette source énergétique. Les décideurs sont alors confrontés à un dilemme majeur.
Hiroshima, Nagasaki, Daigo Fukuryu, puis Fukushima
Les perspectives d’évolution de l’opinion publique quant au nucléaire restent faibles. En effet, la douloureuse relation que le pays entretient avec l’atome est ancrée dans l’histoire du pays. Les bombardements de Hiroshima et Nagasaki, puis la contamination de Daigo Fukuryu par des retombées radioactives, constituent des traumatismes historiques durables.
Quelle alternative à la centrale nucléaire Fukushima ?
Le tsunami et l’explosion de la centrale nucléaire Fukushima Daiichi ont engendré des dégâts persistants. Ceux-ci ont convaincu le gouvernement d’alors que les risques de l’énergie nucléaire dépassent de loin ses avantages. Immédiatement après la catastrophe nucléaire de Fukushima, le Japon arrête ses 54 réacteurs, dont environ un tiers ont été définitivement mis au rebut.
Le pays décide de se détourner du nucléaire au profit des énergies renouvelables (EnR). La préfecture de Fukushima devient un lieu d’expérimentation pour la transition énergétique, le gouvernement s’associant aux communautés locales et entreprises. En 2012, la préfecture vise 100% d’électricité d’origine renouvelable d’ici à 2040, atteignant 35 % de son mix énergétique en 2019.
100% d’EnR, une utopie
Malgré les efforts déployés, il semble peu probable que les EnR puissent remplacer le nucléaire dans l’approvisionnement énergétique du pays. En effet, le Japon manque de terres plates pour les panneaux solaires et la profondeur des océans augmente le coût de l’éolien offshore. Selon le ministre de l’Économie, M. Kajiyama, le Japon pourra difficilement couvrir plus de 60% des besoins à partir d’EnR.
Au premier semestre 2020, les EnR fournissaient 23% de l’électricité du pays. Le Japon est donc loin derrière l’Allemagne aussi débarassé du nucléaire, dont le mix énergétique est composé à 46% d’EnR.
10 ans plus tard, l’heure du retour de la centrale nucléaire Fukushima ?
Le premier ministre conservateur, Yoshihide Suga, a promis aux japonais la neutralité carbone d’ici à 2050. Or les 70% de combustibles fossiles du mix énergétique du pays, pour l’essentiel importés, font de cet objectif une utopie. Pour M. Suga, comme pour son prédécesseur Shinzo Abe, la transition énergétique du Japon passe donc par le retour du nucléaire.
Le programme nucléaire japonais redémarre donc doucement, avec par exemple la remise en service prochaine des réacteurs Takahama. Malgré une ancienneté de 40 ans, l’autorité de régulation a prolongé leur utilisation de 20 ans.
Mais les délais que le Japon s’est fixés pour atteindre ses objectifs de décarbonation semblent déjà trop courts. Pour réduire ses émissions de seulement 26% d’ici 2030, le Japon devrait redémarrer tous ses réacteurs et en construire davantage. Sans cela, seuls 18 seront en service en 2050, même en prolongeant la durée de vie des réacteurs existants
53% des Japonais sont opposés au redémarrage des réacteurs
Le soutien de la société envers une exploitation généralisée du nucléaire reste incertain. C’est pourquoi de nombreuses autorités japonaises hésitent à approuver la remise en service de réacteurs. Certains tribunaux ont également approuvé des demandes de fermeture temporaire de réacteurs en fonctionnement.
Il faut dire que si les manifestations de masse contre le nucléaire observées après le 11 mars 2021 se sont estompées, la méfiance persiste. Une enquête de Asahi révèle en février que 53% des Japonais sont opposés au redémarrage des réacteurs, contre 32% en faveur. À Fukushima, seulement 16% ont soutenu le redémarrage des unités.
Au niveau politique, l’opposition est également vent debout contre le retour du nucléaire. Les critiques pointent le coût, l’insécurité et les problèmes de stockage des déchets nucléaires comme autant de facteurs rédhibitoires.
« Ceux qui parlent de l’énergie atomique sont des gens du » village nucléaire « , qui veulent protéger leurs intérêts », déclare l’ancien Premier Ministre Naoto Kan.
L’ONU affirme que l’impact des radiations est minime
Le dernier rapport de l’UNSCEAR affirme pourtant que la fusion des réacteurs n’a pas nuit à la santé de la population locale. D’après l’organisation onusienne, il n’y aurait aucune preuve crédible d’anomalies congénitales excessives ou d’accouchements prématurés liés aux rejets radioactifs. Elle dément par ailleurs le lien entre l’accident et la hausse des cancers de la thyroïde chez les enfants exposés.
L’UNSCEAR a également évalué les informations sur les transferts de matières radioactives rejetées dans les milieux terrestre, d’eau douce et marin. Il considère ainsi que l’impact sur la faune et la flore restait faible. Son rapport précise néanmoins que des effets néfastes sur certaines espèces ont été observés dans des zones de rayonnement accru.
EDF, expert en sûreté nucléaire
L’énergie nucléaire produit 10% de l’électricité mondiale, contre 18% au milieu des années 90. La construction de nouvelles centrales nucléaires est loin derrière le rythme des fermetures, selon l’IEA.
Le nucléaire reste néanmoins une solution non-négligeable pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux. La filière tente donc de rebondir en apportant des gages de radioprotection et de sûreté nucléaire. Le secteur français est particulièrement dynamique dans ce domaine, comme en attestent les nombreux projets pilotés par EDF.
Projet METIS ou canaliser les connaissances sur les risques séismiques
Le projet METIS du groupe EDF vise à consolider les connaissances scientifiques sur le risque sismique qui menace les centrales. Le projet est dirigé par un consortium international composé de 13 partenaires européens et trois organisations américaines et japonaises. Doté d’un budget 5 millions EUR€, il cherche à améliorer et standardiser les évaluations de sûreté sismique des centrales.
Les résultats de ce projet permettront une meilleure appréhension des risques dans le contexte européen. METIS contribuera alors à optimiser l’utilisation des réacteurs existants et futurs, encourageant à terme la compétitivité de l’industrie nucléaire.
Le réacteur numérique, vers des centrales nucléaires augmentées
EDF pilote également une association de huit organisations qui concentre les compétences pour développer le réacteur numérique.
Ce réacteur est, selon Benoît Levesque du service R&D d’EDF, une « réplique numérique et fonctionnelle d’une centrale nucléaire ».
Il permettra aux opérateurs de s’entraîner en réalité virtuelle à effectuer les tâches de maintenance ou d’exploitation d’un réacteur nucléaire. Les ingénieurs pourront en même temps étudier le comportement et l’environnement des réacteurs. À terme, ces études permettront de préparer la population à un maximum d’éventualités. C’est une avancée essentielle pour une catastrophe « d’origine profondément humaine » selon Kiyoshi Kurokawa.