Santos a accordé deux semaines supplémentaires au consortium mené par Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC) pour finaliser son examen approfondi en vue d’une acquisition record de 18,7 milliards de dollars américains. Cette extension, annoncée lundi depuis le siège social d’Adélaïde, intervient alors que le consortium a substantiellement complété sa due diligence initiale de six semaines et confirme n’avoir découvert aucun élément susceptible de remettre en cause son offre de 5,76 dollars par action. Le prix proposé représente une prime de 28% par rapport au cours de clôture précédant l’annonce initiale en juin, valorisant l’entreprise à 36,4 milliards de dollars australiens en incluant la dette.
Des risques réglementaires sans précédent
L’acquisition fait face à des obstacles réglementaires majeurs qui pourraient compromettre sa finalisation. Le Foreign Investment Review Board (FIRB) australien devra examiner minutieusement cette transaction impliquant des infrastructures énergétiques critiques, notamment les terminaux de gaz naturel liquéfié de Gladstone et Darwin, ainsi que les installations de production du bassin de Cooper qui alimentent près de 100% du marché domestique en Australie-Occidentale. Le Trésorier Jim Chalmers, qui prendra la décision finale sur recommandation du FIRB, a qualifié cette évaluation de « décision importante » sans révéler sa position. L’analyste Saul Kavonic de MST Marquee considère l’approbation du FIRB comme « un risque majeur pour la transaction », rappelant le précédent de 2001 lorsque le Trésorier Peter Costello avait bloqué l’acquisition de Woodside par Shell pour des raisons d’intérêt national.
Le gouvernement d’Australie-Méridionale dispose également d’un pouvoir de veto grâce à une législation récente exigeant son consentement pour tout changement de propriété de licences dans le secteur des ressources. Le ministre de l’Énergie Tom Koutsantonis a averti que l’État utilisera cette législation si la transaction ne bénéficie pas aux intérêts sud-australiens. Des approbations supplémentaires seront nécessaires en Papouasie-Nouvelle-Guinée et aux États-Unis où Santos détient des actifs significatifs.
Une performance financière contrastée
Les résultats financiers récents de Santos révèlent des défis opérationnels importants malgré des projets de croissance prometteurs. L’entreprise a enregistré une baisse de 16% de son profit sous-jacent en 2024, accompagnée d’une réduction drastique de 41% de son dividende, reflétant les pressions du marché énergétique mondial. La production annuelle s’est établie à 87,1 millions de barils équivalent pétrole, maintenant Santos comme le deuxième producteur gazier australien avec une capitalisation boursière d’environ 25 milliards de dollars australiens. L’écart significatif entre le prix offert de 8,89 dollars australiens et le cours actuel d’environ 7,80 dollars reflète le scepticisme du marché quant à la probabilité de finalisation de la transaction.
La transaction nécessitera l’approbation de 75% des actionnaires de Santos lors d’un vote par scheme of arrangement. Le conseil d’administration a indiqué son intention de recommander unanimement l’offre en l’absence d’une proposition supérieure et sous réserve qu’un expert indépendant confirme que la transaction est équitable et raisonnable.
Des projets stratégiques en phase finale
Santos avance rapidement sur deux projets majeurs qui transformeront son profil de production. Le projet Barossa de gaz naturel liquéfié, complété à 97%, devrait démarrer sa production au troisième trimestre 2025, ajoutant 1,8 million de tonnes par an à la capacité LNG de l’entreprise. Simultanément, le projet pétrolier Pikka en Alaska, achevé à 90%, prévoit de produire 80 000 barils par jour à partir de mi-2026. Ces deux développements devraient augmenter la production totale de Santos de 30% d’ici 2027, offrant des flux de trésorerie stables à long terme. Le projet Moomba de capture et stockage du carbone, récemment mis en service, positionne Santos comme un acteur clé dans la transition énergétique avec une capacité de stocker 1,7 million de tonnes de CO2 annuellement.
Le consortium XRG, créé en novembre 2024 avec un mandat d’investissement de 80 milliards de dollars, vise à construire un portefeuille gazier mondial de 20 à 25 millions de tonnes par an d’ici 2035. ADNOC dispose d’un budget d’investissement de 150 milliards de dollars pour la période 2023-2027, démontrant sa capacité financière à mener des acquisitions transformatrices.
La sécurité énergétique nationale en question
L’acquisition soulève des préoccupations fondamentales sur la sécurité énergétique australienne. Santos opère trois installations gazières majeures en Australie-Occidentale qui approvisionnent la quasi-totalité du marché domestique, incluant les secteurs miniers et industriels critiques. Les tensions existantes entre l’approvisionnement domestique et les exportations de gaz naturel liquéfié pourraient s’intensifier sous contrôle étranger, particulièrement avec les prévisions de pénuries sur la côte est australienne à partir de 2029. L’Australian Competition and Consumer Commission a averti que sans nouvelles sources d’approvisionnement, des déficits significatifs menacent la stabilité énergétique nationale.
Cette transaction intervient après plusieurs tentatives infructueuses de consolidation dans le secteur. Santos avait rejeté une offre de 10,8 milliards de dollars de Harbour Energy en 2018 et abandonné des discussions de fusion avec Woodside Energy en 2023-2024 qui auraient créé une entité valorisée à 80 milliards de dollars australiens. Le consortium XRG avait précédemment approché Santos avec deux offres confidentielles en mars 2025 à 5,04 et 5,42 dollars par action avant de présenter l’offre actuelle. Les analystes estiment qu’une offre concurrente est peu probable, seul ADNOC semblant disposé à payer une telle prime pour réaliser ses ambitions gazières mondiales dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes au Moyen-Orient.