Le groupe britannique Shell a annoncé l’abandon définitif de son projet d’usine de biocarburants à Rotterdam, dont la construction avait démarré en 2022. L’entreprise a indiqué que l’achèvement du site ne présentait plus les conditions de compétitivité nécessaires, après une réévaluation interne des coûts et des perspectives de marché.
Un arbitrage entre rentabilité et engagement industriel
La présidente de la division « Downstream, Renewables and Energy Solutions » de Shell, Machteld de Haan, a déclaré que les investissements doivent répondre « aux attentes des clients et des actionnaires », soulignant une logique d’optimisation de portefeuille. La suspension des travaux avait été décidée dès juillet 2024. L’usine devait devenir l’une des plus grandes installations de biocarburants d’Europe, avec une capacité annuelle de 820 000 tonnes.
Le SAF, un marché émergent mais encore fragile
Parmi les produits visés figurait le carburant d’aviation durable (CAD ou SAF), conçu à partir d’huiles usagées, d’algues ou de résidus de bois. Ce carburant peut être mélangé jusqu’à 50% au kérosène dans les avions existants. Malgré l’intérêt du secteur aérien, la production industrielle de SAF reste limitée et son coût élevé continue de freiner son adoption. Sa viabilité commerciale n’a pas encore trouvé d’équilibre face aux filières fossiles classiques.
Une stratégie d’allocation du capital en tension
Shell avait déjà annoncé en décembre l’arrêt du développement de nouveaux projets d’éolien offshore. Ces décisions successives s’inscrivent dans une politique de réorientation vers les hydrocarbures, perçus comme plus rentables à court terme. Cette ligne stratégique, bien qu’alignée sur les intérêts actionnariaux, intervient alors que le groupe avait auparavant communiqué sur une transition progressive vers les énergies alternatives.
Des choix industriels qui soulèvent des contradictions
La décision d’abandonner un projet pourtant avancé alimente les interrogations autour de la cohérence des engagements énergétiques de Shell. Le groupe continue d’afficher son intérêt pour les molécules bas carbone, mais réduit simultanément ses investissements dans ce domaine. Ce recentrage remet en question les arbitrages internes entre exigences de rendement et positionnement sur les marchés émergents de l’énergie.