Saudi Basic Industries Corporation (SABIC) a enregistré sa troisième perte trimestrielle consécutive au deuxième trimestre 2025, poussant le géant pétrochimique à intensifier sa restructuration face à un marché structurellement défié. La société a réduit ses prévisions d’investissement de 500 millions de dollars, fixant désormais une fourchette entre 3 et 3,5 milliards de dollars pour 2025, alors que la surcapacité mondiale atteint des niveaux records de 218 millions de tonnes.
Fermetures européennes et optimisation du portefeuille
La fermeture du cracker de Teesside au Royaume-Uni en juin a généré 3,78 milliards de riyals saoudiens en charges et provisions, illustrant l’ampleur des défis auxquels fait face l’industrie européenne. Salah al-Hareky, vice-président exécutif des finances de SABIC, a confirmé que la société explorait des opportunités de consolidation du marché via des sorties partielles ou complètes, particulièrement en Europe et aux États-Unis. Cette stratégie s’inscrit dans un contexte où les crackers européens fonctionnent à seulement 70-75% de leur capacité, bien en deçà des 80-90% attendus par l’industrie.
Le directeur général Abdulrahman al-Fageeh a souligné que l’industrie pétrochimique reste structurellement défie, incluant une surcapacité mondiale prolongée et une pression soutenue sur les marges. Un bureau de gestion de projet dédié a été établi sous supervision directe du conseil d’administration pour accélérer l’optimisation du portefeuille avec discipline et urgence.
Projets stratégiques maintenus malgré les défis
Malgré ces difficultés, SABIC maintient ses investissements stratégiques en Asie. Le projet MTBE (méthyl tert-butyl éther) de Jubail, d’une capacité d’un million de tonnes métriques par an, affiche un taux d’achèvement de 95%, avec une mise en service prévue au troisième trimestre 2025. Le complexe pétrochimique de Fujian en Chine progresse selon le calendrier et le budget alloués, démontrant l’engagement de SABIC dans la région Asie-Pacifique.
La société a également annoncé l’évaluation stratégique et l’introduction en bourse prévue de sa filiale National Industrial Gases, dans le cadre de sa stratégie d’optimisation du portefeuille. Cette initiative s’accompagne d’un engagement fort envers la durabilité, avec des objectifs ambitieux de neutralité carbone d’ici 2050 et une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
Performance financière sous pression
Les revenus du deuxième trimestre ont baissé de 0,4% par rapport à l’année précédente, s’établissant à 35,57 milliards de riyals saoudiens, malgré une augmentation des volumes de vente. Les volumes de vente pétrochimiques ont augmenté de 3% tandis que les prix moyens ont chuté de 3% sur une base trimestrielle. Cette divergence reflète les défis auxquels l’industrie est confrontée, avec une demande affaiblie par l’incertitude économique mondiale et une offre abondante.
La notation de crédit A+/A1 de SABIC reste parmi les meilleures du secteur chimique mondial, offrant une certaine résilience financière. La société a introduit 58 nouveaux produits pour ses clients au deuxième trimestre 2025, démontrant son engagement continu envers l’innovation centrée sur le client malgré les vents contraires du marché.
Impact de l’autosuffisance chinoise sur les exportations
Un facteur critique affectant SABIC et l’ensemble du secteur pétrochimique du Moyen-Orient est la progression rapide de la Chine vers l’autosuffisance. Les producteurs chinois pourraient couvrir 75% de la demande nationale en polyéthylène haute densité, 94% en polyéthylène linéaire basse densité et plus de 100% en polypropylène d’ici 2025. Cette transformation structurelle force les exportateurs traditionnels à repenser leurs stratégies de marché et à explorer de nouvelles destinations comme l’Afrique et l’Amérique latine.
La capacité d’éthylène de la Chine augmente de 6,5% par an et devrait atteindre 87 millions de tonnes métriques d’ici 2030, soit plus du triple de la capacité actuelle de l’Union européenne. Cette expansion massive, combinée à la construction d’installations en Asie du Sud-Est pour contourner les tarifs occidentaux, redessine fondamentalement les flux commerciaux mondiaux de produits pétrochimiques. Les producteurs du Moyen-Orient, historiquement dépendants des exportations vers l’Asie, doivent désormais naviguer dans un paysage commercial radicalement différent, où leur principal marché d’exportation devient progressivement autosuffisant et même exportateur net pour certains produits.