Désillusion pour les petits porteurs d’EDF qui espéraient obtenir un meilleur prix pour leurs actions: la justice a rejeté mardi leur recours, permettant à l’Autorité des marchés financiers (AMF) de relancer le jour même le processus de renationalisation totale de l’énergéticien.
Cette renationalisation, annoncée en juillet dernier par la Première ministre Elisabeth Borne et chiffrée à 9,7 milliards d’euros, est stratégique pour l’Etat actionnaire, qui détenait déjà, avant l’OPA, 84% du fleuron électrique national. Le but des pouvoirs publics: épargner à EDF les contraintes de la Bourse pour lui permettre de relancer plus vite le nucléaire en finançant la prolongation d’un parc vieillissant, au moment où le gaz russe fait défaut, et la construction dans les prochaines décennies d’au moins six nouveaux réacteurs.
« Par un arrêt rendu ce jour, la cour d’appel de Paris a rejeté le recours formé par des actionnaires minoritaires d’EDF contre la décision de l’Autorité des marchés financiers (AMF) du 22 novembre 2022 ayant déclaré conforme l’offre publique d’acquisition simplifiée de l’Etat sur les titres EDF », a fait savoir la cour dans un communiqué.
Tout comme l’AMF, les magistrats ont estimé « que la note d’information de l’Etat sur son projet d’offre et la note en réponse de la société EDF à ce projet avaient été établies dans le respect des principes d’égalité de traitement des actionnaires et de transparence du marché ».
Conséquence de cette décision : l’AMF a annoncé comme prévu, quelques heures après la décision de la cour, la réouverture du processus d’OPA. Celle-ci permet aux actionnaires qui possèdent encore des titres d’EDF de les vendre, du 4 au 17 mai, date de la clôture définitive de l’opération, à l’Etat français, qui détient déjà près de 96% du capital de la société. La cour a également fait valoir que l’expert indépendant « avait vérifié que le prix de l’offre proposé par l’Etat était équitable, après avoir évalué la société EDF selon une approche multicritères prévue par la réglementation de l’AMF ».
Elle bat ainsi en brèche le principal motif de contestation brandi par les actionnaires salariés et retraités d’EDF qui, depuis des mois, contestent par de multiples recours à savoir le prix de 12 euros par action fixé par l’Etat.
« Pire année »
Les plaignants réclamaient a minima 15 euros alors qu’à l’ouverture du capital de l’énergéticien, en 2005, l’action en valait 32, avec une remise de 20% pour les salariés à 25,60 euros. « Ces 12 euros sont profondément injustes, s’agissant d’une expropriation au plus mauvais moment de l’histoire d’EDF, mais aussi des hypothèses retenues par l’expert indépendant dans son évaluation », a réagi auprès de l’AFP Martine Faure, cheffe de file des actionnaires salariés d’EDF à l’origine du recours.
Se disant « déçue » par cette décision, elle a indiqué que le conseil de surveillance des Fonds communs de placement qu’elle préside se réunirait vendredi « pour décider de la suite à donner ». Les actionnaires qu’elle représente estiment que l’entreprise est sous-évaluée et que ses recettes ont été pénalisées par un mécanisme imposé par l’Etat (Arenh), l’obligeant à vendre son électricité nucléaire à bas prix à des industriels et à des fournisseurs alternatifs.
EDF a également fait face à de graves problèmes de corrosion dans ses réacteurs qui ont fait chuter sa production en 2022 et creusé ses pertes financières. « La décision de renationalisation a été prise dans la pire année qu’a connu EDF depuis sa création en 1946 », avait également souligné à l’audience de fin mars Florent Segalen, l’avocat des actionnaires salariés et retraités d’EDF.
Les plaignants estimaient par ailleurs que Jean-Bernard Lévy, alors PDG d’EDF, n’aurait pas dû prendre part au vote du conseil d’administration d’EDF qui a émis un avis favorable à l’OPA.
En cause: le cumul de ses fonctions de censeur au conseil d’administration de Société Générale, l’un des deux établissements désignés par l’Etat pour présenter l’offre, avec son statut de dirigeant du groupe nommé par l’exécutif. La cour a écarté ces griefs, estimant que la note produite par EDF, après avis favorable du conseil d’administration, « assurait une information complète du marché sur les conditions dans lesquelles » celui-ci « avait adopté son avis ».