L’OPEC+8, qui regroupe l’Arabie saoudite, la Russie, l’Irak, les Émirats arabes unis, le Koweït, le Kazakhstan, l’Algérie et Oman, rétablira en septembre le dernier volume de 547 000 barils par jour (b/j) des réductions volontaires introduites en novembre 2023. Ces coupes, totalisant 2,2 millions b/j, avaient été prolongées en décembre 2024 jusqu’à fin mars 2025, avec un retour progressif des volumes dès le 1er avril. L’accord inclut également une hausse graduelle du quota des Émirats arabes unis de 300 000 b/j sur la même période. La décision de septembre marquera l’achèvement complet de cette sortie progressive, tout en maintenant la possibilité de suspendre ou d’inverser l’ajustement si les conditions du marché le nécessitent.
Des fondamentaux solides malgré les craintes d’excédent
Depuis 2024, plusieurs prévisions faisaient état d’un excédent de pétrole sur le marché mondial. Toutefois, les données indiquent que les volumes supplémentaires remis par l’OPEC+8 ont été absorbés sans hausse notable des stocks dans les pays industrialisés. Les estimations préliminaires situent les stocks commerciaux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) autour de 100 millions de barils à mi-2025, contre 74 millions en dessous de la moyenne quinquennale fin 2024. Ces niveaux demeurent bas, témoignant de l’efficacité des ajustements passés.
La construction d’inventaires observée cette année provient surtout de pays non membres de l’OCDE et de cargaisons en mer, conséquence du contournement de la mer Rouge et des difficultés logistiques pour les pays sanctionnés. La Chine est un acteur majeur de cette accumulation selon les données de suivi maritime, mais l’absence de statistiques officielles rend la quantification précise difficile. Les motivations de ce stockage, qu’elles soient liées à la sécurité énergétique, à des arbitrages commerciaux ou à des considérations de réserve de valeur, ne sont pas clairement établies.
Le problème des “barils manquants” et la structure du marché
L’écart entre les bilans pétroliers mondiaux, qui montrent un surplus, et les variations réelles des stocks est souvent appelé le problème des « barils manquants ». Comme lors de précédents épisodes, cet écart pourrait résulter d’erreurs statistiques et être corrigé par des révisions ultérieures de la demande ou de l’offre. La structure actuelle du marché, en backwardation jusqu’en 2026, soutient cette hypothèse en incitant à vendre plutôt qu’à stocker, réduisant ainsi la probabilité d’accumulations massives invisibles.
Les prévisions d’excédent sont régulièrement repoussées à mesure que de nouvelles données apparaissent. La remise sur le marché des volumes coupés pourrait permettre à l’OPEC+ d’accroître sa flexibilité, en ajustant la production depuis un niveau plus élevé si les conditions se détériorent.
Cohésion interne et respect des quotas
La cohésion entre les membres reste un élément central de la stratégie OPEC+ depuis la crise de la COVID-19. Le principe de « responsabilité collective » implique un respect strict des quotas par tous les producteurs. Des mécanismes de compensation ont été introduits pour corriger les dépassements, tandis que le Comité ministériel conjoint de suivi (JMMC) surveille la conformité et encourage les plans correctifs.
Lors de la 39e réunion ministérielle OPEC et non-OPEC en juin, le secrétariat a reçu pour mission d’élaborer un mécanisme visant à déterminer la capacité de production maximale soutenable (Maximum Sustainable Capacity – MSC) de chaque membre, en vue de fixer les quotas 2027 sur une base proportionnelle. Cependant, certaines nations, comme le Kazakhstan, ont indiqué qu’elles ne compenseraient pas leurs dépassements, compliquant la prolongation des coupes volontaires.
Capacité excédentaire réelle et perspectives de marché
La reprise de la production a révélé que certains producteurs ne peuvent atteindre leurs quotas, tandis que d’autres opèrent déjà à pleine capacité. Cette situation réduit le volume additionnel réel par rapport aux annonces officielles. Les estimations récentes indiquent que la capacité excédentaire est plus limitée que prévu et concentrée principalement en Arabie saoudite. Cette révision pèse sur les anticipations à court et long terme, dans un contexte marqué par des tensions géopolitiques persistantes et des sanctions affectant l’offre mondiale.
La concentration de la capacité de réserve accroît la sensibilité du marché aux chocs imprévus. Les tensions au Moyen-Orient, les sanctions secondaires et les perturbations logistiques internationales contribuent à renforcer l’incertitude dans laquelle évolue l’OPEC+.
Politique de prix et situation budgétaire saoudienne
Contrairement à certaines hypothèses d’une stratégie de conquête de parts de marché, l’Arabie saoudite n’a pas baissé ses prix officiels de vente (Official Selling Prices – OSP) vers l’Asie et les a même relevés récemment. Les autorités saoudiennes réaffirment que le Royaume ne vise pas un prix de marché précis et peut absorber des baisses de revenus pétroliers grâce à ses réserves financières, son faible endettement et un accès favorable aux marchés de la dette.
Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une croissance accrue de l’économie saoudienne en 2025, portée par la performance du secteur non pétrolier et par la levée progressive des réductions de production. Cette dynamique limite la nécessité pour le pays de soutenir un prix du pétrole élevé pour équilibrer son budget annuel.
Un équilibre complexe entre flexibilité et discipline
Les décisions de l’OPEC+ traduisent un arbitrage constant entre gestion du marché, flexibilité et maintien de la cohésion interne. La sortie des coupes volontaires de novembre 2023 illustre cette approche, tout en laissant ouvertes toutes les options, y compris un retour en arrière ou un ajustement supplémentaire de 1,65 million b/j décidé en avril 2023 si la situation l’exige.
Dans un contexte de forte incertitude macroéconomique et géopolitique, la capacité de l’alliance à moduler rapidement la production constitue un outil central. Les dirigeants résument cette stratégie en affirmant que le groupe « n’est pas dans le secteur des paris », privilégiant des décisions fondées sur des données solides plutôt que sur des anticipations spéculatives.