Le RAB (Regulated Asset Base model) est la nouvelle solution présentée par le gouvernement britannique pour financer le développement du nucléaire. Au programme : faire participer les consommateurs, alors que le pays est frappé d’une crise énergétique sans précédent.
Le RAB dévoilé en temps de crise
Depuis janvier le Royaume-Uni subi de plein fouet les conséquences de la crise énergétique. Accablé par la pénurie internationale de gaz, l’insuffisance des renouvelables et le Brexit, le pays peine à satisfaire ses besoins. En moins d’un an, le prix de l’électricité a ainsi été rehaussé de 12% et pourrait atteindre 30% avant 2022.
Sept énergéticiens britanniques ont déjà fait faillite cette année et la crainte d’une crise économique s’installe. Face au danger, le Royaume-Uni semble suivre l’exemple français et privilégié la carte du nucléaire.
« Plus je regarde ça, plus je pense que le nucléaire doit faire partie de la solution ». Kwasi Kwarteng, secrétaire britannique pour l’énergie.
La question du financement
Le renforcement du parc nucléaire britannique n’est pas nouveau. En 2012 était lancé le projet Hinkley Point C qui prévoyait une extension de deux réacteurs sur une centrale préexistante. Une entreprise chère et incertaine qui connaît encore de nombreuses difficultés.
En cause, le modèle de financement qui faisait reposer l’intégralité des risques de la construction aux investisseurs. En 2016, EDF, partie prenante sur le projet faisait craindre des pertes records avec l’accumulation des déconvenues sur place. Face aux risques de retard de nombreux prestataires avait préféré se retirer du projet plutôt que d’assumer des coûts supplémentaires. Une situation instable qui a considérablement augmenté les coûts du projet et ralenti la nucléarisation du pays.
Tirant les leçons, le secrétaire britannique à l’énergie a annoncé la semaine dernière la définition d’un nouveau modèle de financement. De nouvelles modalités financières destinées à faciliter l’investissement privé vers la consolidation de l’autonomie énergétique britannique.
Un financement par les particuliers
Le Regulated Asset Base model (RAB) est la solution présentée par le gouvernement britannique la semaine dernière. Contrairement au système antérieur ou les investisseurs assumaient seuls les coûts d’installation, ici le risque est partagé avec les consommateurs. Un partage qui se matérialise par une hausse des factures d’électricité sous le contrôle d’un régulateur indépendant. Une hausse pour l’instant estimé à moins d’1£ par mois.
Cette augmentation présente plusieurs intérêts à long terme. Elle limite le recours à l’emprun, ce qui mécaniquement fait baisser le montant des intérêts. Elle permet d’écarter certains acteurs étrangers, notamment la Chine. Enfin, elle rassure les investisseurs et facilite l’accès vers des projets énergétiques stratégiques. L’apport des contribuables assurant une sécurité pour faire face à de potentiels retards de production.
À terme cette gestion, même si elle se traduit par une hausse des prix, s’avérerai rentable pour les consommateurs. Sur un projet équivalant à celui d’Hinkley Point, l’économie est estimé entre 30 et 80 milliards de livre sterling.
«Nous devons veiller à ce que le réseau électrique britannique soit renforcé par une énergie nucléaire fiable et abordable». Kwasi Kwarteng, secrétaire britannique pour l’énergie.
L’acceptabilité en question
Le RAB semble être une solution pertinente pour moderniser de manière rationnel le mix énergique britannique. Cependant l’opinion publique risque de ne pas être au rendez-vous. À l’heure où les prix de l’électricité connaissent une hausse fulgurante, l’annonce d’une augmentation supplémentaire risque d’attiser le mécontentement. D’autant plus que les retombés ne se feront sentir que dans plusieurs années.
Le gouvernement britannique peut néanmoins compter sur le soutien populaire pour l’énergie nucléaire. Malgré les scandales qui ont émaillé les retards d’Hinkley point, 78% des Britanniques s’estiment favorable à l’énergie nucléaire. Qui plus est le modèle de financement RAB a déjà fait ses preuves avec succès sur plusieurs projets d’infrastructure.
La réaction de l’opinion publique reste cependant incertaine après la chaotique expérience Hinkley Point. S’agissant de partager le fardeau avec les contribuables britanniques, le RAB pourrait fédérer l’opposition dans ce contexte de crise.
Une opportunité pour EDF
EDF est en bonne voie pour profiter de ce système de financement et renforcer son positionnement au Royaume-Uni, malgré le Brexit. Fort de son implication sur Hinkley Point, l’exploitant s’est dit prêt à participer au nouveau projet Sizewell C à Suffolk. Une entreprise similaire, mais selon les modalités de financement RAB et sans la Chine. Le premier ministre Boris Johnson ayant publiquement déclaré s’inquiéter de la participation chinoise.
EDF s’est déclaré prête à gérer cette entreprise sans l’aide de la Chine. Une aubaine pour l’exploitant Français.