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L’Ukraine cesse le transit de gaz russe mais pour quel impact?

L'annonce de l'arrêt du transit de gaz russe via l'Ukraine dans quelques mois; modifie la dynamique énergétique en Europe et redéfinit les stratégies d'approvisionnement et de diversification. Cet article analyse les conséquences économiques, géopolitiques et logistiques pour les différents acteurs.
Pipeline en Ukraine

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L’Ukraine a décidé de ne pas prolonger son contrat de transit de gaz avec Gazprom au-delà de 2024, marquant un tournant pour le marché énergétique européen. Depuis des décennies, l’Europe s’est appuyée sur les pipelines ukrainiens pour recevoir le gaz russe, et cette décision, prise en pleine guerre entre la Russie et l’Ukraine, perturbe l’équilibre énergétique du continent. Avec environ 14 milliards de mètres cubes de gaz russe transitant par l’Ukraine en 2023 contre 40 milliards prévus initialement, les acteurs européens et russes se préparent à des changements majeurs.

Conséquences sur le marché européen du gaz

La fin du transit de gaz russe par l’Ukraine aura un impact considérable sur les pays européens qui dépendent de ces approvisionnements. En 2023, la Slovaquie, l’Autriche et la Moldavie ont importé respectivement 3,2, 5,7 et 2 milliards de mètres cubes de gaz via l’Ukraine. Selon S&P Global, l’arrêt du transit à partir de 2025 nécessitera des travaux critiques pour optimiser le réseau gazier ukrainien, car les volumes de transit de gaz russe ont déjà considérablement diminué par rapport aux volumes contractuels.
Pour pallier ces interruptions, l’Europe doit diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz. Depuis 2022, des efforts sont en cours pour augmenter les importations de gaz naturel liquéfié (LNG). L’Allemagne, par exemple, a accéléré la construction de nouvelles installations de regazéification, avec une capacité totale de 41,54 millions de tonnes par an prévue d’ici 2026. Ces nouvelles capacités permettront de compenser partiellement la perte des volumes de gaz russe par pipelines.
Cependant, le passage au LNG entraîne également des coûts supplémentaires pour l’Europe. Le marché du LNG est soumis à des fluctuations de prix, et la concurrence pour ce gaz pourrait augmenter en raison de la demande croissante des pays asiatiques. De plus, les capacités de regazéification pourraient dépasser la demande de LNG à moyen terme, ce qui soulève des inquiétudes quant à la rentabilité de ces investissements.

Impact sur la sécurité énergétique et l’infrastructure européenne

La Commission européenne a averti que l’interruption du transit via l’Ukraine pourrait entraîner une augmentation des coûts de transport et compliquer davantage la diversification des sources énergétiques. Des discussions sont en cours pour renforcer les infrastructures et optimiser les routes d’approvisionnement alternatives, y compris l’utilisation de nouveaux corridors énergétiques tels que le corridor gazier vertical via la Grèce et la Turquie.
La situation de la Moldavie est particulièrement complexe. Bien qu’elle ait déjà diversifié ses approvisionnements avec du gaz venant de la Roumanie et de la Turquie via le Trans-Balkan Pipeline, le pays reste dépendant du gaz transitant par l’Ukraine pour répondre aux besoins de la région séparatiste de Transnistrie. Les ajustements d’approvisionnement seront nécessaires, ce qui pourrait impliquer des coûts supplémentaires et des investissements en infrastructure.

Réorientation de la stratégie russe vers l’Asie

Face à la perte de ses marchés européens, la Russie accélère ses efforts pour rediriger ses exportations de gaz vers l’Asie. Le pipeline « Force de Sibérie » est au cœur de cette nouvelle stratégie. Les exportations de gaz à destination de la Chine via ce pipeline devraient atteindre 38 milliards de mètres cubes par an dès l’année prochaine, avec une augmentation potentielle de 10 milliards de mètres cubes supplémentaires via le réseau du « Far East ».
Cependant, la diversification des exportations de gaz russe n’est pas simple. Le projet « Force de Sibérie 2 », qui pourrait fournir davantage de gaz à la Chine, ne sera pas achevé avant 2030, ce qui laisse à la Russie peu de temps pour compenser la perte de revenus européens. En parallèle, la Russie mise sur le développement de son secteur de LNG pour accroître ses exportations vers l’Asie et d’autres marchés. Toutefois, le secteur du LNG russe a été durement touché par les sanctions occidentales, ce qui a retardé des projets clés comme Arctic LNG 2.

Défis pour les pays européens et leur diversification

Les pays européens comme l’Italie et la Hongrie, qui ont historiquement importé du gaz russe via l’Ukraine, sont également confrontés à des défis. L’Italie, par exemple, a déjà diversifié ses approvisionnements et développé des infrastructures de regazéification. Cependant, pour compenser les pertes de gaz transitant par l’Ukraine, l’Italie devra acheminer environ 3,75 milliards de mètres cubes supplémentaires vers des pays comme la Slovaquie et l’Autriche.
En revanche, la Hongrie pourrait être plus exposée à une pénurie d’approvisionnement, car elle dépend encore fortement des flux de gaz russe. Sans une augmentation des approvisionnements via le pipeline TurkStream ou des capacités de regazéification supplémentaires via l’Italie, la Hongrie pourrait faire face à des difficultés importantes pour sécuriser ses besoins énergétiques.

Les alternatives régionales et le rôle incertain de l’Azerbaïdjan

Alors que l’Europe se prépare à l’arrêt du transit de gaz russe via l’Ukraine, des discussions sont en cours pour renforcer les liens énergétiques avec des pays comme l’Azerbaïdjan. Toutefois, selon les experts de Deutsche Welle, la capacité de l’Azerbaïdjan à fournir des volumes supplémentaires de gaz à l’Europe est limitée à court terme, en raison de ses besoins domestiques et de l’absence de nouvelles infrastructures pour augmenter les exportations.
En outre, la possibilité de transiter le gaz d’Azerbaïdjan via la Russie, la Turquie et la Moldavie est compliquée par des coûts de transit élevés et des enjeux géopolitiques complexes. Une coopération accrue entre les pays de l’Europe centrale et orientale et les opérateurs énergétiques régionaux sera cruciale pour sécuriser l’approvisionnement à long terme.

Implications économiques et logistiques pour l’Ukraine

Pour l’Ukraine, la fin du transit de gaz russe a des implications économiques significatives. En tant que principal corridor de transit, l’Ukraine bénéficiait de revenus importants liés au transport de gaz. Avec la fin de ce contrat, Kyiv devra réévaluer ses options énergétiques et ajuster ses infrastructures pour gérer ses propres besoins énergétiques. Selon Carnegie Endowment for International Peace, l’Ukraine devra probablement importer du gaz via des points d’entrée européens tels que l’Autriche, avec des coûts supplémentaires d’environ 30 à 40 dollars par 1 000 mètres cubes.
En 2022, l’Ukraine a également lancé des projets pour utiliser ses capacités de stockage de gaz en collaboration avec l’Union européenne, en espérant maintenir des revenus et sécuriser ses propres besoins énergétiques en période de crise.

Perspectives d’avenir et ajustements globaux

L’arrêt du transit de gaz russe via l’Ukraine redéfinit les équilibres du marché énergétique européen et mondial. L’Europe doit faire face à des défis importants en matière de diversification et de sécurité énergétique, tout en évitant des coûts exorbitants liés aux nouvelles infrastructures et aux approvisionnements alternatifs. De leur côté, la Russie et ses partenaires asiatiques doivent renforcer leurs capacités logistiques et s’adapter à des marchés de plus en plus fragmentés.
La collaboration accrue entre les acteurs européens et mondiaux, ainsi que l’innovation dans les infrastructures énergétiques, joueront un rôle déterminant pour naviguer dans ce nouvel ordre énergétique mondial. Les implications géopolitiques de ces ajustements se feront sentir à long terme, et les stratégies déployées aujourd’hui détermineront la résilience des systèmes énergétiques de demain.

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