L’IRA (Inflation Reduction Act) prévoit un investissement de plus de $369 milliards pour faire progresser les ambitions climatiques.
Un contentieux ancien avec la Chine
L’IRA séduit les industriels européens notamment par l’attribution de crédits d’impôt plus avantageux que ceux de l’Europe. Néanmoins, depuis sa mise en place, l’IRA soulève des contraintes concernant la conformité à la réglementation. Il s’agit d’abord des imprécisions liées aux diverses directives du gouvernement américain relatives aux crédits d’impôt prévus par l’IRA.
En novembre, le Département du Trésor des États-Unis donne des détails supplémentaires. Ainsi, il publie des orientations sur les exigences en vigueur en matière de salaire et d’apprentissage. Il s’agit ensuite des contraintes liées à l’UFLPA (Uyghur Forced Labor Prevention Act), entrée en vigueur en juin 2021 aux États-Unis.
L’UFLPA interdit l’importation des produits fabriqués dans la région chinoise du Xinjiang. Les États-Unis accusent la Chine de graves exactions envers les Ouïghours. Le texte américain impose des contraintes aux importateurs chinois.
En effet, les importateurs, notamment ceux de la région chinoise du Xinjiang ne doivent pas bénéficier d’avantages liés à leur implantation. Ainsi, ils doivent pouvoir prouver que leurs produits et matières premières ne proviennent pas d’entreprises utilisant les travaux forcés. En cas de manquement, les importateurs s’exposent à des amendes allant jusqu’à $250.000.
Cette mesure envenime un peu plus les relations, déjà conflictuelles, entre les États-Unis et la Chine. Toutefois, cette interdiction d’importations aux États-Unis de produits issus du travail forcé date de 1930. En effet, il s’agissait de la loi tarifaire Smoot-Hawley.
Le deux décembre 2020, le bureau du commerce, des douanes et de la protection des frontières aux États-Unis ordonnait aux postes frontières de bloquer les expéditions contenant du coton. Le WRO souhaitait, déjà, bloquer les produits en provenance du Xinjiang. Pékin réfutait alors ces accusations déclarant l’absence de travail forcé en Chine.
Entre contraintes et hésitations.
L’IRA induit des contraintes liées à l’UFLPA (Uyghur Forced Labor Prevention Act) et aux directives pour bénéficier des nombreux crédits d’impôt du programme. Ce dispositif devrait apporter des avantages considérables à l’industrie solaire américaine. Cependant l’industrie solaire attend les résultats de plusieurs questions politiques majeures.
L’un des enjeux concerne le contrôle douanier dans le cadre de l’application de l’UFLPA sur les importations d’équipements solaires. L’incertitude de la conformité à l’UFLPA compromet le soulagement de la chaîne d’approvisionnement solaire. Entrées en vigueur en juin dernier, les exigences pour démontrer la conformité s’avèrent rigoureuses, comparé à l’ordonnance de retenue de libération.
De plus, la traçabilité de l’approvisionnement en quartzite utilisé dans les équipements solaires apparaît plus difficile. Il existe également de nombreuses questions concernant la documentation requise pour démontrer la conformité à l’UFLPA. Malgré des attentes de libération à court terme, le CBP (protection des frontières) ne réalise pas de sorties majeures d’équipements solaires.
Un retard non négligeable s’accumule puisque le Withold Release Order (WRO) libérait les rétentions en automne dernier. Ce qui entraîne des hésitations sur la date exacte de l’allègement de la chaîne d’approvisionnement. L’autre aspect concerne les imprécisions des diverses directives du gouvernement américain relatives aux crédits d’impôt prévus par l’IRA.
L’industrie solaire attend des conseils du Département du Trésor des États-Unis. Ils concernent la qualification pour les divers crédits d’impôt et addition au sein de l’IRA. Mais sans détails supplémentaires de la part du gouvernement américain, l’évaluation des projets qualifiés se montre compliquée.
Le Département du Trésor recueille les commentaires du public sur divers aspects des crédits d’impôt de l’IRA. En novembre des orientations sur les exigences en vigueur en matière de salaire et d’apprentissage faisaient l’objet d’une publication. Ces précisions répondaient généralement aux attentes de l’industrie.
Un outil de séduction vers les industries
La normalisation de la demande et de l’offre axée sur l’IRA augmentera de 84% les installations à grande échelle en 2023. D’ici 2027, 150GWdc d’installations solaires utilitaires devraient voir le jour. Néanmoins, l’énergie solaire commerciale prend du retard dans les installations au cours du troisième trimestre.
L’énergie solaire commerciale augmentera de 17% en 2023 après une année de stagnation. Tout comme l’énergie solaire commerciale, l’énergie solaire communautaire prend également du retard. Ainsi, en 2023, sa croissance devrait rester stable et reprendre en 2024, alors que le nouveau marché solaire communautaire de Californie portera ses fruits.
L’IRA protège l’emploi aux États-Unis. Toutefois, l’Europe risque de perdre les investissements des industriels européens. Déjà affaiblie face à la guerre en Ukraine, l’Europe propose différentes alternatives.
Malgré un retard dû à la conformité à l’UFLPA et aux directives relatives à la sélection des projets, les industriels européens se tournent vers les États-Unis. En Europe, de plus en plus d’industriels annoncent qu’ils envisagent d’investir aux Etats-Unis. Ces dernières semaines, en Allemagne, les constructeurs automobiles Volkswagen et BMW voulaient y accroître leur capacité de production.
Ainsi, le suédois Northvolt, pourrait finalement y ouvrir la gigafactory de batteries qu’il devait installer initialement en Suède. En Belgique, le chimiste Solvay décide de participer à un projet géant de batteries outre-Atlantique. Le français Saint-Gobain va s’agrandir en Californie.
L’IRA associé à l’embargo technologique contre la Chine accroît le différentiel avec les États-Unis. L’Europe semble oubliée dans cette concurrence économique. Préoccupée par la guerre en Ukraine, l’Europe pourrait perdre des investissements stratégiques que des pays souhaitaient réaliser en Europe.
La riposte européenne
La présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, qualifie les mesures de l’IRA de concurrence déloyale de la part des États-Unis. L’Europe veut ainsi réagir et proposer la mise en place d’un plan européen. Le plan européen permettra un assouplissement de l’encadrement des aides d’États aux entreprises pour les inciter à continuer d’investir en Europe.
Il soutiendra également le renforcement du plan RePowerEU afin de développer les énergies renouvelables et permettre d’affranchir l’Europe des hydrocarbures russes. La présidente défend également un fonds de souveraineté européen afin de développer une politique industrielle commune. Il permettra d’investir dans des projets de recherche et d’innovation comme l’hydrogène, les semi-conducteurs ou l’informatique quantique.
Cependant le solaire européen ne montre aucun signe de ralentissement. La prévision moyenne pour 2023 relève 53,6 GW d’énergie solaire supplémentaire dans l’Union européenne. En effet, le rapport d’étape annuel de SolarPower Europe sur l’énergie solaire révèle que l’Union installait 41,4GW d’énergie solaire en 2022.
Il s’agit d’une hausse de 47% comparée aux 28,1GW en 2021. De plus, l’Allemagne reste le pays de l’Union européenne ayant le plus d’installations par an (7,9GW ajoutés en 2022). Suivi de l’Espagne (7,5GW), de la Pologne (4,9GW), des Pays-Bas (4,0GW) et de la France (2,7 GW).
Sur une année, le parc total de production d’énergie solaire de l’Union augmente de 25% pour atteindre 208,9GW, contre 167,5GW en 2021. L’embargo technologique par les États-Unis vise principalement à ralentir le développement technologique et militaire de la Chine. Il vise également à maintenir le leadership technologique américain.
Ainsi, la logique de bloc sur laquelle le leadership des États-Unis repose s’efface progressivement. Les États-Unis perdent progressivement le soutien de leurs alliés en se désengageant du multilatéralisme. Dans ce contexte, il paraît urgent de calmer les tensions entre les États-Unis et la Chine.