Centrales Nucleares Almaraz-Trillo (CNAT) a annoncé avoir adressé au ministère espagnol de la Transition écologique et du Défi démographique une demande de modification de l’autorisation d’exploitation des réacteurs I et II de la centrale nucléaire d’Almaraz. Cette démarche, validée lors d’une assemblée extraordinaire du conseil d’administration et des actionnaires, vise à prolonger l’activité des deux unités jusqu’en juin 2030, au lieu de leur fermeture initialement prévue en 2027.
Une stratégie en décalage avec la feuille de route de 2019
La centrale d’Almaraz, située dans la province de Cáceres, fait partie des sept réacteurs actuellement en service en Espagne, lesquels fournissent environ 20% de l’électricité nationale. Le calendrier de fermeture établi en 2019 prévoyait un arrêt progressif du parc entre 2027 et 2035. Les unités I et II d’Almaraz, mises en service respectivement en 1983 et 1984, font partie des quatre réacteurs devant être mis à l’arrêt d’ici la fin de la décennie.
La demande officielle intervient dans un contexte de remise en question croissante de cette stratégie. En février, un manifeste signé par 32 entreprises du secteur, dont Framatome, GE Vernova et Westinghouse, appelait à rouvrir les discussions autour de l’accord de 2019. Le document mettait en avant l’évolution du contexte industriel et géopolitique, et soulignait le rôle de l’énergie nucléaire dans la stabilité du système électrique.
Pressions industrielles et cadre réglementaire
Selon CNAT, la centrale d’Almaraz continue de répondre aux exigences définies dans la Revue de Sûreté Périodique validée par le Conseil de sécurité nucléaire (Consejo de Seguridad Nuclear, CSN) en 2020. L’entreprise indique qu’un investissement annuel de EUR50 millions ($58 millions) est consacré à la modernisation des installations. Elle précise également que la centrale emploie actuellement environ 4 000 personnes et alimente plus de 4 millions de foyers.
L’argument central des acteurs du secteur repose sur la compétitivité industrielle. Le manifeste de février soulignait que le retrait anticipé du nucléaire risquait d’affaiblir la résilience du mix énergétique espagnol. Il appelait également à une révision du cadre fiscal applicable, jugé excessif pour garantir la viabilité économique des centrales.
Soutien politique en progression
Le même mois, le Congrès des députés espagnol a adopté une proposition du Parti populaire en faveur d’un renversement du plan de sortie du nucléaire. La motion a été votée par 171 voix contre 164, avec 14 abstentions. Bien que non contraignante, cette décision a renforcé les appels à un ajustement de la stratégie énergétique.
Les actionnaires de CNAT – Iberdrola (53%), Endesa (36%) et Naturgy (11%) – n’ont pas commenté publiquement la demande d’extension. La centrale d’Almaraz partage des caractéristiques techniques similaires avec la centrale américaine de North Anna, qui a récemment obtenu une autorisation d’exploitation prolongée à 80 ans.