La Green Hydrogen Catapult représente une initiative inédite de plusieurs entreprises privées afin d’augmenter par 50, la production d’hydrogène. Le groupe compte ainsi diminuer les coûts de production à 2 dollars par kilogramme dans les 6 prochaines années. Pour les promoteurs du projet, il s’agit d’une première étape vers la création d’une véritable « société hydrogène ». Néanmoins, cette ambition ne prend pas en compte les difficultés liées au déploiement massif de l’hydrogène décarboné.
Green Hydrogen Catapult : symbole de l’engouement pour l’hydrogène
« L’énergie miracle » de la transition énergétique
Depuis quelques années, nous assistons à un engouement sans précédent pour l’hydrogène souvent qualifié d’énergie miracle de la transition énergétique. D’après l’Hydrogen Council, ce sont ainsi près de 30 projets majeurs d’investissement qui ont été annoncés depuis 2017. Il est vrai que cette molécule bénéficie d’un certain nombre d’atouts pour contribuer aux objectifs de l’accord de Paris.
L’Hydrogène pourrait, par exemple, favoriser la décarbonation des secteurs à coût d’abattement élevé comme les transports maritimes et aériens. De plus, la molécule sert déjà de matières premières dans la production de produits chimiques, ce qui favorise son développement. Enfin, les caractéristiques de l’hydrogène lui donnent un avantage sur les batteries en matière de transport de longue-distance.
La course à l’hydrogène
Conscients des avantages potentiels de cette énergie, plus de 18 gouvernements ont annoncé des plans ambitieux pour son développement. L’Union Européenne a ainsi dévoilé, en juillet dernier, « sa stratégie hydrogène pour une Europe neutre en carbone ». Ce plan prévoit entre 25 et 50 milliards de dollars d’investissement dans l’hydrogène issu des énergies renouvelables d’ici à 2030. Si l’on prend l’ensemble de la chaîne de valeur, on estime que la facture pourrait même atteindre les 550 milliards.
Dans ce contexte, le projet Green Hydrogen Catapult fait figure de pendant industriel aux annonces gouvernementales. Formée par 7 leaders mondiaux des énergies renouvelables, cette initiative vise à multiplier par 50 la production d’hydrogène. D’ici 2026, le groupe ambitionne ainsi de déployer près de 25 gigawattheure (GW) de capacité renouvelable pour l’électrolyse. Pour donner un ordre d’idée, la capacité européenne ne représente aujourd’hui que 60 mégawattheure (MW).
La réduction du coût comme objectif principal
Des objectifs ambitieux en matière de baisse des coûts
En souhaitant multiplier par 50 la production d’hydrogène, le projet Green Hydrogen Catapult peut constituer un véritable tournant énergétique. En effet, une hausse aussi forte de la production pourrait engendrer des économies d’échelle et ainsi faire baisser les coûts. Aujourd’hui, ces derniers se situent entre 2,5 et 5,5 dollars par Kg. Pour être compétitif, on estime que le coût de production de l’hydrogène doit passer sous la barre des 2 dollars.
Grâce au développement de synergies, les promoteurs du projet ambitionnent d’atteindre ce niveau de coût dès 2026. Cette ambition est d’autant plus importante que l’objectif concerne seulement l’hydrogène issu d’électrolyse. Ce point est essentiel car aujourd’hui l’électrolyse coûte beaucoup plus cher que l’hydrogène issu du gaz naturel.
Les vecteurs de réduction des coûts
Pour les membres du projet, la réduction de ces coûts dépendra de quatre grands facteurs. Le premier concerne l’évolution des coûts des énergies renouvelables (ENR) censées alimenter les électrolyseurs. Pour l’heure, la tendance est à une baisse constante des coûts du fait de la relative maturation des technologies ENR. De même, les membres du projet peuvent compter sur une diminution constante du coût des électrolyseurs ces dernières années.
Ils peuvent également s’appuyer sur un coût plutôt faible du capital dans un contexte de taux bas. En revanche, la difficulté se situera principalement dans la réduction du coût lié à l’intermittence des ENR. Un faible facteur de charge pourrait en effet entraîner des surcoûts pour les électrolyseurs. Dès lors, les experts estiment qu’il sera difficile d’atteindre les objectifs de coût fixés d’ici à 2026.
Les limites du projet
La question de la demande d’hydrogène
Afin de réduire les coûts, les membres de la Green Hydrogen Catapult devront compter sur une augmentation de la demande. En effet, l’objectif de multiplier la production ne pourra se réaliser sans une hausse importante de la consommation. Or, à l’heure actuelle, on peut douter qu’une telle demande se manifestera dans les prochaines années.
Le problème réside notamment dans les habitudes de consommation qui agissent bien souvent comme des forces d’inertie au changement. De même, dans les transports, la demande d’hydrogène risque de se trouver entravée par le manque d’infrastructures de distribution. En conséquence, il faudra sans doute plusieurs décennies avant de voir la demande prendre réellement son envol.
La question de la disponibilité de l’électricité bas-carbone
La disponibilité de l’électricité bas-carbone pourrait constituer également un obstacle de poids aux ambitions des défenseurs de l’hydrogène. Effectivement, la production est extrêmement gourmande en électricité afin que cette molécule se transforme en gaz. En cela, le développement de l’hydrogène va exiger des quantités considérables d’électricité bas-carbone.
Selon l’agence Bloomberg, l’Europe devra ainsi doubler sa production d’électricité pour atteindre ses objectifs en matière de production d’hydrogène. Cela imposera notamment un déploiement massif des énergies renouvelables créant des compétitions d’usage avec la consommation finale d’électricité et entraînera des besoins d’investissements colossaux dans la modernisation des réseaux électriques.
Par conséquent, des obstacles importants se dressent encore devant la création d’un système énergétique fondé sur l’hydrogène. Certes, en permettant une diminution des coûts, le projet Green Hydrogen Catapult pourrait favoriser le développement de cette molécule. Néanmoins, les enjeux de la demande et de la disponibilité de l’électricité bas-carbone constitueront des freins considérables à l’avenir. Aujourd’hui, la question se pose donc quant à la pertinence d’un tel choix énergétique.