Equinix, l’un des principaux opérateurs mondiaux de centres de données, a conclu un accord de réservation de capacité avec Stellaria, jeune entreprise française spécialisée dans les réacteurs à sels fondus. Le contrat porte sur environ 500 MWe de puissance électrique dédiée, disponible à l’horizon 2035, pour alimenter des clusters de calcul intensifs utilisés dans les applications d’intelligence artificielle.
Une nouvelle génération de nucléaire dédiée au numérique
Stellaria développe le réacteur Stellarium, un modèle à sels fondus à spectre rapide de type AMR (Advanced Modular Reactor), conçu pour produire environ 110 MWe par module. Issu d’une collaboration entre le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Schneider Electric et soutenu par Technip Energies et Orano, le projet bénéficie du programme France 2030. L’accord avec Equinix marque le premier engagement commercial public de Stellaria avec un client non-énergéticien.
Le réacteur Stellarium est destiné à fournir une énergie bas carbone et pilotable à des installations industrielles fortement consommatrices d’électricité, comme les data centers, la chimie ou la métallurgie. Stellaria revendique une architecture compacte, enterrée et adaptée aux environnements urbains ou à forte contrainte foncière.
Equinix : vers un portefeuille énergétique propriétaire
Avec plus de 270 centres de données dans le monde, Equinix renforce sa stratégie d’indépendance énergétique en multipliant les partenariats dans le nucléaire avancé. Outre Stellaria en Europe, l’entreprise a déjà signé des accords similaires avec Oklo, Radiant et ULC-Energy aux États-Unis et au Royaume-Uni. L’objectif est de construire un portefeuille de plus de 1 GW de capacités fermes et bas carbone dédiées à ses infrastructures numériques.
Selon Equinix, les énergies renouvelables seules ne permettent pas de garantir une continuité d’alimentation adaptée aux exigences des charges IA, qui nécessitent une alimentation 24/7 et sans interruption. Le recours à des réacteurs modulaires installés au plus près des sites critiques permettrait de surmonter les limitations actuelles du réseau électrique.
Cadre réglementaire et risques industriels
Le calendrier prévu pour la mise en service commerciale du premier réacteur Stellarium oscille entre 2033 et 2035, sous réserve de l’obtention des autorisations nécessaires de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Le concept MSR (Molten Salt Reactor) reste à ce jour non homologué en Europe, et devra passer par des phases de démonstration, de validation des matériaux et d’essais à long terme pour garantir sa conformité.
Parmi les principales contraintes techniques figurent la gestion de la corrosion à haute température, la stabilité chimique des sels fondus et les procédés de retraitement du combustible liquide. Sur le plan juridique, les responsabilités liées à l’exploitation du réacteur, au traitement des déchets et à la propriété du combustible devront être clarifiées.
Vers une intégration croissante entre numérique et énergie
Le contrat entre Equinix et Stellaria s’inscrit dans une tendance émergente de contractualisation directe entre grands utilisateurs numériques et producteurs d’électricité nucléaire avancée. Ces accords contournent les marchés de gros traditionnels et permettent aux hyperscalers de sécuriser une énergie stable à long terme, tout en répondant à la pression croissante des régulateurs sur la performance environnementale des infrastructures numériques.
La France, via le plan France 2030, tente de se positionner comme hub européen de la convergence entre IA et nucléaire. En soutenant Stellaria, elle cherche à ancrer sur son territoire des projets à forte intensité capitalistique et à haut niveau technologique, qui pourraient structurer durablement les chaînes de valeur industrielles.