EDF a officiellement déposé une demande auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour autoriser la première divergence de l’EPR (European Pressurized Reactor) de Flamanville, une étape déterminante pour le démarrage de ce réacteur de nouvelle génération. L’entreprise a achevé en mai 2024 le chargement de 60 000 crayons de combustible nucléaire dans la cuve du réacteur, un processus qui s’est poursuivi avec des essais à froid jusqu’en juillet, suivis d’essais à chaud où la pression du réacteur a été portée à 155 bars et la température à 303 degrés.
Ces tests s’inscrivent dans la dernière ligne droite d’un projet entamé il y a dix-sept ans et qui a connu une série de problèmes techniques, tels que des fissures dans le béton de la dalle et des défauts de soudure dans l’enceinte de confinement. Ces difficultés techniques ont non seulement retardé la mise en service du réacteur de douze ans par rapport au calendrier initial de 2012, mais ont également quadruplé le budget, passant de 3,3 milliards d’euros à 13,2 milliards d’euros. La Cour des Comptes, en 2020, avait estimé que le coût total du projet, y compris les surcoûts de financement, pourrait atteindre 19 milliards d’euros.
Défis techniques et financiers : Une gestion sous pression
L’EPR de Flamanville, situé dans le département de la Manche, est prévu pour être le quatrième réacteur de ce type installé dans le monde et le plus puissant de France avec une capacité de 1 600 MW. Ce projet de longue haleine a soulevé de nombreux défis de gestion et de supervision. EDF affirme qu’aucune évolution de planning n’est prévue à ce jour pour le raccordement au réseau électrique, également appelé « couplage », et vise une production des premiers électrons d’ici le 21 septembre 2024.
Lorsque le réacteur atteindra sa pleine capacité, il pourra alimenter environ trois millions de foyers français. EDF espère atteindre cette pleine production avant la fin de l’année, bien que le réacteur soit déjà prévu pour fonctionner à 25% de sa capacité lors de sa mise en service initiale. Le démarrage de l’EPR de Flamanville revêt une importance stratégique alors que la France cherche à revitaliser sa filière nucléaire. Le gouvernement a commandé six nouveaux réacteurs EPR2, avec huit supplémentaires en option, un signe fort de sa volonté de soutenir cette technologie malgré les retards et les surcoûts observés.
Symbolique et implication pour la filière nucléaire
Ce projet de Flamanville arrive à un moment clé pour la politique énergétique française. Les derniers réacteurs nucléaires mis en service en France étaient ceux de Chooz en 2000 et de Civaux en 2002. Le démarrage de l’EPR de Flamanville, bien qu’initié bien avant la décision récente du gouvernement de relancer le nucléaire, prend une dimension hautement symbolique pour l’avenir de la filière. EDF a l’opportunité de démontrer que les difficultés techniques rencontrées sur ce projet peuvent être surmontées et d’établir un précédent positif pour les futurs EPR2.
L’ASN, quant à elle, joue un rôle clé en garantissant que le réacteur respecte toutes les normes de sécurité avant de donner son aval pour la mise en service. Cette vigilance est d’autant plus cruciale compte tenu des antécédents du projet. Pour EDF, l’enjeu est de taille : il s’agit de restaurer la confiance dans sa capacité à gérer des projets de cette envergure tout en respectant les contraintes de sûreté et de coûts.
Impact sur la stratégie énergétique et industrielle
L’entrée en service de l’EPR de Flamanville aura des implications notables pour l’industrie nucléaire française et pour EDF, qui reste entièrement détenue par l’État. La capacité à respecter les délais et les coûts pour ce réacteur influencera la perception de la faisabilité des futurs projets nucléaires, en particulier dans un marché énergétique européen en pleine mutation. L’évolution de ce projet pourrait également servir de référence pour d’autres nations envisageant de moderniser ou de renforcer leurs capacités nucléaires.
Les professionnels du secteur surveillent de près les développements autour de l’EPR de Flamanville. Sa mise en service pourrait soit renforcer la position de la technologie EPR sur la scène internationale, soit, en cas de nouveaux retards ou de difficultés, soulever des questions sur la viabilité économique de ces réacteurs de nouvelle génération. Le déroulement des prochains mois sera donc déterminant pour EDF et la filière nucléaire française.