Le Royaume-Uni a officiellement retiré son soutien financier à un projet gazier de TotalEnergies au Mozambique, dont le redémarrage est envisagé pour 2029 après plus de quatre années de suspension. Ce désengagement, annoncé par le ministre du Commerce Peter Kyle, portait sur un financement potentiel pouvant atteindre $1,15bn. Il intervient alors que les autorités britanniques jugent le projet trop risqué dans son contexte actuel.
Le projet Mozambique LNG, développé dans la province du Cabo Delgado, est l’un des investissements les plus ambitieux de TotalEnergies sur le continent africain. La société française détient une participation de 26,5 % dans cette infrastructure, qui vise à exporter du gaz naturel liquéfié (GNL) vers les marchés internationaux. Toutefois, les violences jihadistes ayant éclaté dans la région depuis 2017 ont profondément affecté l’avancement des travaux, notamment après l’attaque de la ville de Palma en 2021.
Retard, surcoût et compensation exigée
Initialement estimé à $20bn, le projet fait désormais l’objet d’une demande de compensation adressée par TotalEnergies au gouvernement mozambicain pour un surcoût évalué à $4,5bn. Le groupe français souhaite également une extension de sa concession de dix années supplémentaires, en plus d’un rattrapage des quatre ans et demi d’interruption. Le gouvernement de Maputo procède actuellement à un audit des pertes enregistrées avant de se prononcer sur cette requête.
La levée de la clause de force majeure, annoncée récemment, marque une volonté de reprendre la construction du site malgré l’instabilité sécuritaire persistante. Cette clause juridique avait été invoquée par plusieurs entreprises, dont TotalEnergies, pour suspendre légalement leurs obligations contractuelles après les attaques de 2021.
Procédures judiciaires en cours en France
Parallèlement, le groupe français est confronté à deux procédures judiciaires en France. L’une porte sur une information judiciaire pour homicide involontaire, déposée par des proches de victimes de l’attaque de Palma, reprochant à l’entreprise de ne pas avoir assuré la sécurité de ses sous-traitants. Une autre plainte, portée par l’ONG allemande European Center for Constitutional and Human Rights, vise TotalEnergies pour complicité présumée de crimes de guerre, torture et disparitions forcées.
Des témoignages recueillis par la presse internationale font état d’exactions commises par des soldats mozambicains chargés de la sécurité du site. Ces éléments alimentent les soupçons autour du rôle indirect que TotalEnergies aurait pu jouer dans la détérioration du climat sécuritaire.
Des implications bancaires en suspens
La décision du Royaume-Uni pourrait avoir des répercussions sur le financement privé du projet. Des ONG ont interpellé les banques françaises Crédit Agricole et Société Générale, encore impliquées dans le soutien financier au projet mozambicain. À ce jour, ces institutions n’ont pas annoncé de retrait.
Dans un contexte de reprise progressive des projets d’extraction dans la région, ExxonMobil a également levé sa clause de force majeure sur un site adjacent, avec un démarrage de production envisagé pour 2030. Selon un rapport de 2024, les projets de TotalEnergies, ExxonMobil et ENI pourraient faire du Mozambique l’un des dix principaux producteurs mondiaux de gaz d’ici 2040, représentant 20 % de la production africaine.