La Chine a réceptionné fin août et début septembre des cargaisons en provenance d’Arctic LNG 2, pour environ 150 000 m³ chacune, au terminal de Beihai (Guangxi). Le terminal, opéré par PipeChina, dispose d’une capacité annuelle proche de 6 Mt mais fonctionne souvent à des taux d’utilisation inférieurs aux grands hubs côtiers. Dans le même temps, les présidences chinoise et russe ont annoncé une hausse des débits via Power of Siberia 1 à 44 Gm³/an, et un relèvement du futur « Far Eastern Route » de 10 à 12 Gm³/an. Un mémorandum juridiquement contraignant a par ailleurs été évoqué pour la construction de Power of Siberia 2 (PoS 2) visant jusqu’à 50 Gm³/an via la Mongolie.
Sanctions américaines et exposition des acteurs chinois
Le projet Arctic LNG 2 est visé par l’Office of Foreign Assets Control (OFAC — Bureau de contrôle des avoirs étrangers) au titre des sanctions Ukraine/Russie. Les critères de « transaction significative » incluent taille, fréquence, degré d’intention, lien avec des entités sanctionnées et usage de pratiques trompeuses. La qualification d’opérations ponctuelles comme « significatives » demeure incertaine, ce qui cadre la prise de risque calculée des acheteurs. Une désignation secondaire toucherait potentiellement le terminal récepteur et, par extension, la capacité à accueillir d’autres cargaisons, sans remettre en cause les terminaux des provinces à forte demande si ceux-ci ne sont pas ciblés.
Logistique arctique et limites saisonnières
Au-delà des cargaisons déjà en route ou en stockage transbordé à Kamchatka, les contraintes hivernales sur la Route maritime du Nord réduisent la fenêtre d’acheminement. Les méthaniers non « ice-class » allongent les trajets ou subissent des retards à proximité de la banquise. L’impact hivernal sur l’équilibre LNG de la Chine reste donc borné, d’autant que la demande spot est atone et que le coût de transport interne depuis le Guangxi vers les centres de charge du Sud pénalise la compétitivité relative. Les terminaux des provinces à forte consommation conservent un avantage d’arbitrage pour les pointes climatiques.
Architecture contractuelle et prix: un levier de négociation
Power of Siberia 2, combiné aux hausses de PoS 1 et de la liaison orientale, renforcera les volumes fermes land-based. Si la structure tarifaire reprend l’indexation de PoS 1, le prix frontière pourrait s’inscrire autour de 5–6 $/MMBtu, voire 6–7 $/MMBtu à coût domestique russe, avant transport interne. À ces niveaux, les livraisons en Chine du Nord-Est demeurent compétitives face à certaines offres LNG long terme. Le schéma de règlement annoncé — 50 % en roubles et 50 % en yuans — réduit l’exposition au dollar et ajoute une dimension de couverture de change et de compliance.
Portefeuilles LNG chinois: flexibilité et reventes
Les acheteurs chinois ont signé massivement des Sales and Purchase Agreements (SPA — contrats de vente à long terme) depuis 2021, totalisant environ 120–130 Mt/an pour 2025–2035, dont une part flexible en origine et destination. Une fraction notable des volumes adossés aux États-Unis demeure reroutable compte tenu des clauses de destination et des frictions commerciales. En 2035, en combinant production nationale projetée à environ 310 Gm³, pipelines existants et PoS 2, les approvisionnements potentiels couvrent une demande située, selon les scénarios, entre 560 Gm³ (base) et 620 Gm³ (haut). Le besoin d’additionnels LNG ferme dépendra donc de la matérialisation des gazoducs et de la trajectoire de la demande.
Concentration d’origine et seuils de dépendance
Si PoS 2 est mis en service selon un calendrier de l’ordre de cinq ans après accords définitifs, les flux russes pourraient approcher 56 Gm³/an par gazoduc au début-milieu des années 2030, hors LNG russe. En intégrant des achats LNG russes estimés à l’horizon 2035, la part des importations russes dans le mix d’importation pourrait avoisiner 40 % selon les hypothèses hautes. La flexibilité contractuelle (plages de débit, take-or-pay ajusté) restera déterminante pour limiter les effets d’éviction sur le LNG long terme et préserver l’optionalité portefeuille. Pour les acteurs exposés à la revente et aux spreads régionaux, ces paramètres conditionnent l’arbitrage entre sécurité d’approvisionnement, coût livré et valorisation des options de réexpédition.