L’ammoniac bas-carbone face aux défis techniques et financiers du maritime

Selon l’Oxford Institute for Energy Studies, l’adoption de l’ammoniac bas-carbone dans le transport maritime se heurte à des barrières économiques, réglementaires et sécuritaires, malgré la pression internationale croissante pour réduire les émissions de la flotte mondiale.

Partager:

Abonnez-vous pour un accès illimité à toute l'actualité du secteur de l'énergie.

Plus de 150 articles et analyses multisectorielles chaque semaine.

À moins de 3/semaine*

*Engagement annuel

L’industrie du transport maritime se trouve à un moment charnière. La majorité de la flotte mondiale fonctionne encore aux combustibles fossiles, mais les nouvelles règles de l’Organisation maritime internationale (International Maritime Organization, IMO) imposeront des réductions d’émissions contraignantes dès 2028. Dans ce contexte, l’ammoniac bas-carbone, qu’il soit produit par électrolyse à partir d’électricité renouvelable (« ammoniac vert ») ou par reformage du gaz naturel avec captage du carbone (« ammoniac bleu »), attire l’attention comme futur carburant maritime. Toutefois, son adoption pose une série d’obstacles financiers, techniques et réglementaires qui ralentissent sa mise en œuvre.

Un coût de production encore prohibitif

Le premier frein à l’essor de l’ammoniac comme carburant marin réside dans son prix. Le coût de production de l’ammoniac vert avoisine en moyenne 730 $ par tonne, soit près de trois fois celui des fiouls conventionnels utilisés aujourd’hui dans le transport maritime. Même l’ammoniac bleu, produit à environ 600 $ la tonne, reste bien au-dessus des prix de marché des carburants fossiles, évalués à 500 $/tonne pour le fioul lourd. L’écart est encore plus marqué lorsque l’on compare l’énergie réellement fournie : l’ammoniac possède une densité énergétique plus faible, ce qui augmente le volume nécessaire pour une propulsion équivalente.

Les perspectives de baisse des coûts reposent largement sur l’amélioration des électrolyseurs et sur la disponibilité d’électricité renouvelable à très bas prix. Dans les régions bénéficiant d’un accès abondant à l’énergie solaire et éolienne, comme le Moyen-Orient, les coûts pourraient descendre à 480 $/tonne d’ici 2030. Toutefois, en Europe occidentale ou en Asie du Sud-Est, où l’électricité reste plus chère et la production renouvelable contrainte, ces prix compétitifs semblent hors d’atteinte dans un futur proche.

Incertitudes liées aux infrastructures et aux investissements

Au-delà de la production, l’acheminement et le stockage de l’ammoniac nécessitent des infrastructures portuaires spécifiques. Peu de ports disposent aujourd’hui d’installations de soutage adaptées à cette molécule. Les investissements pour construire des terminaux dédiés, des systèmes de pompage sécurisés et des réservoirs résistants à la corrosion s’annoncent considérables. Les armateurs, eux, doivent également adapter leurs moteurs. Plusieurs fabricants, tels que WinGD, travaillent déjà sur des moteurs « ammonia-ready », mais leur déploiement à grande échelle reste embryonnaire.

Le coût des navires convertis ou neufs, conjugué aux incertitudes sur la demande future et les règles à venir, pèse sur les décisions d’investissement. Les institutions financières et les armateurs réclament des signaux politiques clairs pour engager des capitaux dans cette transition.

Une toxicité qui impose des normes de sécurité strictes

L’ammoniac est une substance toxique et corrosive, ce qui pose un défi majeur pour son utilisation comme carburant. Les bases de données d’accidents industriels recensent plus d’une centaine d’incidents liés à l’ammoniac en Europe et aux États-Unis, souvent dus à des erreurs humaines ou des défaillances d’équipements. En mer, douze accidents impliquant des navires transportant de l’ammoniac ont été enregistrés entre 1978 et 2021, dont plusieurs mortels.

À bord, le contact direct ou l’inhalation à des concentrations supérieures à 300 ppm entraîne des lésions graves, tandis qu’au-delà de 5 000 ppm, l’exposition peut être fatale. Les systèmes de détection, d’isolation des compartiments et de ventilation devront donc être renforcés pour limiter les risques d’exposition. Le Code international de sécurité pour les navires utilisant des gaz ou autres combustibles à faible point éclair (International Code of Safety for Ships Using Gases or Other Low-flashpoint Fuels, IGF Code) doit être adapté d’ici 2026 pour intégrer les spécificités de l’ammoniac.

Des risques environnementaux sous surveillance

Contrairement aux carburants fossiles, l’ammoniac ne rejette pas de dioxyde de carbone lors de sa combustion. Cependant, il produit d’autres polluants préoccupants. La formation d’oxydes d’azote (NOx) et de protoxyde d’azote (N₂O), un gaz à effet de serre près de 300 fois plus puissant que le CO₂, reste une difficulté technique. Des systèmes de réduction catalytique sélective (Selective Catalytic Reduction, SCR) peuvent limiter ces émissions, mais leur performance dans le cadre d’une utilisation massive d’ammoniac en propulsion maritime reste encore à démontrer.

Par ailleurs, les risques de fuite ou de « slip » lors du stockage ou de la combustion soulèvent des inquiétudes pour la qualité de l’air et la santé des marins. Dans les milieux marins, l’ammoniac dissous peut perturber les écosystèmes, provoquer des mortalités piscicoles et contribuer à l’eutrophisation des zones côtières.

Un cadre réglementaire en construction

L’adoption de l’ammoniac comme carburant maritime ne dépend pas seulement de la technique et de l’économie, mais aussi du droit international. L’IMO a approuvé en avril 2025 un projet de « Net-Zero Framework » imposant aux navires de plus de 5 000 tonnes brutes une réduction progressive de l’intensité carbone de leur carburant à partir de 2028. Le dispositif inclura un mécanisme de quotas et de pénalités, avec la possibilité de générer ou d’acheter des unités de compensation.

En parallèle, l’Union européenne a déjà intégré le transport maritime dans son système d’échange de quotas d’émissions (EU Emissions Trading System, ETS) et mis en place le règlement FuelEU Maritime, qui impose une intensité carbone maximale sur l’énergie consommée par navire. Si les règles de l’IMO et de l’UE coexistent, les armateurs risquent de devoir se conformer à deux cadres différents, compliquant la gestion de leur flotte.

Perspectives pour les acteurs du secteur

Face à ces contraintes, les industriels avancent avec prudence. Les projets pilotes se multiplient, mais restent limités en échelle. Les constructeurs de moteurs poursuivent la recherche, tandis que certains ports stratégiques, notamment en Europe et au Moyen-Orient, étudient la mise en place d’installations de soutage. Toutefois, l’équilibre économique de l’ammoniac bas-carbone ne pourra être atteint sans politiques de soutien, comme des crédits d’impôt, des subventions à la production d’hydrogène propre et des mécanismes de prix du carbone.

Pour les armateurs et les investisseurs, la question n’est plus de savoir si l’ammoniac deviendra une option, mais dans quelles conditions et à quelle échéance il pourra rivaliser avec les autres carburants alternatifs comme le méthanol ou le gaz naturel liquéfié associé au captage du carbone. Les choix stratégiques pris dans les prochaines années détermineront la place réelle de l’ammoniac dans le mix énergétique maritime mondial.

Bonatti obtient le contrat clé pour les infrastructures du projet Pacifico Mexinol

Transition Industries confie à Bonatti la construction des installations critiques du complexe Pacifico Mexinol, un projet stratégique au Mexique destiné à devenir un acteur majeur du marché mondial du méthanol.

GeoPura renforce ses capacités hydrogène avec des actifs GHS et une base européenne

GeoPura a acquis des actifs clés de Green Hydrogen Systems et ouvert une filiale au Danemark pour soutenir son expansion dans la production et la maintenance d’électrolyseurs à hydrogène.

L’Australie recalibre ses ambitions hydrogène après la vague d’abandons de projets majeurs

Les retraits de BP et Fortescue révèlent l'écart entre promesses et réalité économique du secteur, malgré 22,7 milliards de dollars australiens d'incitations gouvernementales.
en_1140120838540

Endua obtient un financement de $4.88mn pour accélérer la fabrication d’électrolyseurs hydrogène

Endua, entreprise australienne de technologie, reçoit un financement public de $4.88mn pour renforcer sa capacité de production d’électrolyseurs hydrogène modulaires, soutenant l’expansion des chaînes d’approvisionnement locales et le développement industriel dans le secteur de l’hydrogène.

États-Unis : HydrogenXT obtient un financement de $900mn pour lancer dix sites d’hydrogène

HydrogenXT sécurise un accord de $900mn avec Kell Kapital Partners Limited pour développer dix premières usines locales d’hydrogène bleu à zéro carbone sur des axes logistiques clés aux États-Unis.

Elogen livre un électrolyseur de 2,5 MW pour le hub énergétique de CrossWind

Elogen finalise la livraison d’un électrolyseur à membrane échangeuse de protons de 2,5 MW destiné au Baseload Power Hub, lié au parc éolien offshore Hollandse Kust Noord et opéré par la coentreprise CrossWind.
en_114040866540

FRV s’allie à Envision pour un projet d’ammoniac vert de 500MW au Brésil

Fotowatio Renewable Ventures s’associe à Envision Energy pour le projet H2 Cumbuco, visant une usine d’ammoniac vert de 500MW destinée aux marchés brésilien, européen et asiatique.

Element 2 confie à HRS une nouvelle station hydrogène mobile pour la région de Glasgow

Element 2 renforce son partenariat avec HRS pour installer une station hydrogène mobile à Glasgow, s’inscrivant dans la stratégie d’expansion de son réseau de ravitaillement au Royaume-Uni et en Irlande.

Allianz anticipe un marché de l’assurance hydrogène dépassant 3 milliards USD d’ici 2030

Le développement mondial de l’hydrogène, soutenu par plus de 1 500 projets en cours et d’importants investissements, stimule une forte demande de couverture d’assurance, avec un potentiel estimé à plus de 3 milliards USD en primes annuelles d’ici 2030.
en_1140310750540

ArcelorMittal Brazil lance avec Utility Global un projet hydrogène innovant à Juiz de Fora

ArcelorMittal Brazil initie une collaboration avec Utility Global pour développer un projet d’hydrogène propre, utilisant le système breveté H2Gen, destiné à produire jusqu’à 3 tonnes par jour dans l’usine de Juiz de Fora.

ENERTRAG investit 300 mn € dans un site d’hydrogène vert de 130 MW à Prenzlau

La société ENERTRAG annonce l’acquisition d’un terrain à Prenzlau pour installer une unité de production d’hydrogène vert de 130 mégawatts, avec un investissement prévu de 300 mn €, soutenant ainsi l’économie régionale et le secteur industriel local.

H2APEX lève EUR30mn pour renforcer son projet hydrogène à Lubmin et acquérir HH2E Werk

H2APEX Group SCA a finalisé une augmentation de capital de EUR30mn ($32.5mn) destinée à financer l’acquisition de HH2E Werk Lubmin GmbH et à soutenir le développement de son projet hydrogène en Allemagne. —
en_114030072040540

Next Hydrogen démarre la plus grande station de ravitaillement en hydrogène propre de l’Ontario

Next Hydrogen lance la plus grande station de production et distribution d’hydrogène propre sur site en Ontario, capable de fournir jusqu’à 650 kg par jour pour l’alimentation de chariots élévateurs à pile à combustible.

Envision Energy lance le premier avitaillement maritime mondial en ammoniac vert en Chine

Un navire portuaire de 5 500 chevaux a été avitaillé en ammoniac vert au terminal de Dalian, marquant la création d’une chaîne de valeur complète pour ce carburant et un jalon technique pour le secteur maritime.

Air Liquide engage plus de 500 mn € dans un électrolyseur géant aux Pays-Bas

Air Liquide lance la construction de l’électrolyseur ELYgator à Rotterdam, un projet de 200 MW, avec le soutien du gouvernement néerlandais et un investissement supérieur à 500 mn €.
en_114028072027540

Des chercheurs allemands testent la production d’hydrogène vert offshore avec l’eau de mer brute

Un projet pilote en Allemagne vise à produire de l’hydrogène vert en mer directement à partir d’eau de mer non traitée sur des parcs éoliens offshore, grâce à des bactéries marines et des matériaux résistants.

BP met fin à son engagement dans le projet hydrogène AREH de 26 GW en Australie occidentale

BP se retire du Australian Renewable Energy Hub, un projet majeur d’hydrogène et d’ammoniac renouvelables dans la région de Pilbara, marquant une nouvelle étape pour les investissements énergétiques en Australie.

Next Hydrogen obtient un financement de 1,5 mn CAD pour soutenir ses opérations

Next Hydrogen lève 1,5 mn CAD auprès de ses dirigeants et d’un prêteur commercial afin de renforcer sa trésorerie et préserver ses équipes, tout en maintenant son examen de solutions financières et stratégiques.
en_114025072049540

Lhyfe lève 2,5 M€ auprès de citoyens pour soutenir l’hydrogène vert en Europe

La première campagne européenne de financement citoyen dédiée à l’hydrogène vert a permis à Lhyfe de collecter 2,5 M€ auprès de près de 1 200 investisseurs, renforçant le développement de nouveaux sites en France et en Allemagne.

L’avenir de la flexibilité énergétique : Le rôle croissant de la technologie Power-to-Hydrogen-to-Power (PtP)

Face à l’intermittence des énergies renouvelables, la technologie Power-to-Hydrogen-to-Power (PtP) pourrait révolutionner le stockage de l’énergie. Toutefois, son adoption dépend encore de la réduction des coûts et de l'amélioration de son efficacité.

Poursuivez votre lecture en choisissant l’une des options

Compte gratuit

Accès membres

Consent Preferences