Le nouveau ministre de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie du Japon, Yoji Muto, a récemment affirmé l’engagement du pays à relancer ses centrales nucléaires tout en maximisant l’intégration des énergies renouvelables dans son mix énergétique. Cette démarche s’inscrit dans une stratégie globale visant à diversifier les sources d’énergie du Japon et à réduire sa dépendance aux combustibles fossiles.
Depuis l’accident de Fukushima en 2011, le Japon a connu des fluctuations significatives dans sa politique énergétique. Le Premier ministre Shigeru Ishiba, lors de son investiture, a modifié sa position initialement opposée à l’énergie nucléaire, optant désormais pour une approche équilibrée qui combine le nucléaire et les renouvelables. Cette évolution répond à la nécessité de stabiliser les coûts énergétiques domestiques et de répondre aux objectifs de décarbonation fixés par le gouvernement.
Contexte politique et énergétique
Avant de devenir Premier ministre, Ishiba était le seul candidat au sein du Parti Libéral-Démocrate (Liberal Democratic Party) à s’opposer fermement à l’utilisation de l’énergie nucléaire. Cependant, face aux défis énergétiques et économiques, il a récemment révisé sa position. Il appelle désormais à une utilisation accrue des énergies renouvelables, telles que l’hydroélectricité, tout en soutenant le redémarrage des centrales nucléaires sécurisées. Cette décision reflète une volonté de diversifier les sources d’énergie et de réduire la dépendance du Japon aux importations de combustibles fossiles, qui constituent une part importante des importations énergétiques du pays.
État actuel du secteur nucléaire et impact sur les importations
Le Japon a relancé 11 réacteurs nucléaires, représentant environ 20% de sa capacité avant la catastrophe de Fukushima en 2011. Cette relance permet au pays de générer près de 11 gigawatts d’électricité supplémentaires. En conséquence, les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) ont diminué de 8% l’année dernière, atteignant leur niveau le plus bas en 14 ans. Toutefois, les importations de GNL et de charbon pour les centrales thermiques restent élevées, totalisant 12,4 trillions de yens (86 milliards de dollars) et représentant 11% du total des importations du Japon. Ce défi économique demeure une priorité pour le Premier ministre Ishiba, qui doit trouver des moyens de stabiliser les coûts énergétiques domestiques.
Objectifs de décarbonation et rôle des énergies renouvelables
Yoji Muto ambitionne de maximiser l’utilisation des énergies renouvelables, qui constituaient plus d’un quart du mix énergétique du Japon en 2023. Les sources principales incluent le solaire, l’éolien et l’hydroélectricité. Le Japon s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 46% par rapport aux niveaux de 2013 d’ici 2030. La part des énergies renouvelables dans le mix électrique devrait atteindre entre 36% et 38%. Bien que ces objectifs soient ambitieux, ils restent en deçà des cibles fixées par d’autres membres du G7, tels que l’Allemagne et le Royaume-Uni, où les renouvelables devraient constituer la majorité de l’approvisionnement électrique d’ici 2035.
Défis économiques et sécuritaires pour le redémarrage nucléaire
Le redémarrage des réacteurs nucléaires représente une question complexe au Japon. Par exemple, Tokyo Electric Power Company (TEPCO) cherche à obtenir l’approbation pour redémarrer la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, la plus grande au monde. Toutefois, TEPCO doit convaincre les autorités locales des garanties de sécurité avant de pouvoir procéder. Ce dilemme souligne les préoccupations persistantes concernant la sécurité nucléaire au Japon depuis l’accident de Fukushima et met en lumière l’importance pour le gouvernement de rassurer les populations locales avant tout redémarrage significatif.
Implications pour l’Europe et les marchés mondiaux
La relance du secteur nucléaire japonais a des répercussions au-delà des frontières nationales. L’Agence internationale de l’énergie (IEA) a souligné que le redémarrage des réacteurs japonais pourrait soulager le marché européen en libérant davantage de GNL sur le marché mondial. Cela réduirait les risques de pénurie énergétique durant l’hiver, surtout dans le contexte de la crise énergétique engendrée par le conflit en Ukraine. Le Premier ministre japonais Fumio Kishida a également annoncé que le redémarrage d’un seul réacteur nucléaire pourrait libérer jusqu’à un million de tonnes de GNL par an pour d’autres marchés.
Initiative de Transition Énergétique Asiatique (AETI)
Dans le cadre de sa stratégie régionale, le Japon a lancé l’initiative AETI (Asia Energy Transition Initiative) pour soutenir la décarbonation en Asie. Doté de 10 milliards de dollars, ce programme vise à développer des technologies telles que les batteries, l’hydrogène et l’ammoniaque, en collaboration avec des partenaires régionaux comme le Vietnam, l’Indonésie et la Malaisie. Le Japon espère non seulement promouvoir son propre modèle énergétique, mais aussi exporter son expertise technologique et ses solutions vers ces pays en développement.
Perspectives et prochaines étapes
Les politiques énergétiques du Japon dépendront de plusieurs facteurs internes, notamment le soutien public et la capacité des gouvernements régionaux à accepter le redémarrage des réacteurs nucléaires. De plus, les dynamiques au sein du Parti Libéral-Démocrate (PLD) et l’issue des élections législatives prévues en octobre 2024 joueront un rôle déterminant dans la direction que prendra le Japon en matière de politique énergétique. À terme, le pays semble s’orienter vers une politique énergétique plus équilibrée, combinant un rôle accru des énergies renouvelables avec une utilisation stratégique de l’énergie nucléaire pour garantir la sécurité énergétique et atteindre ses objectifs de décarbonation.