Le projet nucléaire tchèque de la centrale de Dukovany, remporté par l’entreprise sud-coréenne Korea Hydro & amp; Nuclear Power (KHNP), se heurte à des obstacles juridiques majeurs. L’entreprise a été sélectionnée en juillet pour la construction de deux nouveaux réacteurs dans cette centrale, un projet stratégique pour le mix énergétique tchèque. Cependant, ses concurrents directs, EDF et Westinghouse, contestent cette décision.
EDF, acteur majeur de l’énergie nucléaire en Europe, cherche à vérifier si l’appel d’offres a respecté les principes de commerce équitable. De son côté, Westinghouse accuse KHNP de l’utilisation non autorisée de ses technologies brevetées dans la conception des réacteurs. Cette querelle technologique, bien que courante dans les grands projets industriels, pourrait avoir un impact sur le calendrier du projet.
La République tchèque face à un enjeu stratégique
Pour la République tchèque, l’enjeu de ce projet nucléaire est crucial. Face à la nécessité de décarboner son secteur énergétique, Prague mise sur l’énergie nucléaire pour assurer son indépendance énergétique. Le Premier ministre tchèque, Petr Fiala, insiste sur l’importance de ce projet pour l’avenir énergétique du pays. Toutefois, il souligne également que la concrétisation de cette collaboration dépendra de la signature définitive des contrats, prévue d’ici mars 2025. Ce processus reste conditionné à la résolution des recours déposés.
L’un des points sensibles réside dans les technologies sous-jacentes au projet. Westinghouse affirme que KHNP ne détient pas les droits pour sous-licencier certaines technologies critiques pour la construction des réacteurs, créant ainsi une situation complexe qui pourrait entraîner un blocage juridique prolongé. Si ce litige n’est pas résolu rapidement, les retards pourraient se multiplier.
Un précédent aux Émirats arabes unis
Ce n’est pas la première fois que KHNP fait face à de tels défis juridiques. En 2009, lors de la construction de la centrale de Barakah aux Émirats arabes unis, un litige similaire avait éclaté avec Westinghouse. Finalement, un compromis avait été trouvé, permettant à la construction de se poursuivre. Les analystes du secteur espèrent qu’une solution similaire pourra être mise en place pour le projet tchèque. Toutefois, il reste des incertitudes sur la rapidité et la faisabilité de ce règlement.
Le président sud-coréen, Yoon Suk Yeol, en visite à Prague, s’est montré optimiste quant à une issue favorable. Il a évoqué la possibilité de répliquer le modèle de résolution adopté à Barakah, tout en exprimant sa confiance dans le rôle de KHNP en tant que partenaire clé de la République tchèque pour l’avenir énergétique du pays.
Les perspectives de collaboration industrielle
En parallèle des discussions sur les recours, KHNP a déjà signé 76 protocoles d’accord avec des entreprises tchèques. Ces accords prévoient que 60 % des matériaux utilisés pour la construction des réacteurs seront fournis localement. Cette stratégie vise à renforcer l’implication des industries locales dans le projet, un facteur essentiel pour sécuriser l’adhésion des parties prenantes locales et minimiser les oppositions internes.
Toutefois, cette dynamique de collaboration industrielle pourrait être perturbée si les litiges ne sont pas résolus rapidement. Une issue défavorable pour KHNP pourrait non seulement compromettre son implication, mais également rouvrir la voie à de nouveaux appels d’offres, offrant ainsi une nouvelle opportunité à EDF et Westinghouse de s’imposer.
Un avenir sous conditions
La République tchèque se trouve dans une situation délicate. D’un côté, elle souhaite avancer rapidement dans son plan de diversification énergétique, avec une dépendance croissante à l’énergie nucléaire pour atteindre ses objectifs de décarbonation. De l’autre, elle doit composer avec les enjeux juridiques et technologiques qui entourent le projet Dukovany. Les discussions entre Washington, Seoul et Prague seront décisives pour la suite des opérations.
Pour l’heure, le gouvernement tchèque, sous la direction du président Petr Pavel, demeure prudent mais confiant. Selon lui, la probabilité d’un échec total du projet est faible, mais il reconnaît que rien n’est encore certain. Cette incertitude reste un élément central de la stratégie de gestion des risques, tant pour le gouvernement que pour les entreprises impliquées.
Alors que la date limite de signature des contrats approche, la pression monte sur toutes les parties prenantes pour parvenir à une résolution rapide des litiges. La suite de ce projet dépendra largement des avancées dans les négociations entre KHNP, Westinghouse et EDF.