L’exportation de pétrole brut du Kazakhstan subit une perturbation majeure après l’endommagement d’un point d’amarrage du terminal offshore du Caspian Pipeline Consortium (CPC) situé près de Novorossiïsk, en mer Noire. L’attaque, menée par un drone naval ukrainien, a mis hors service l’un des trois systèmes de chargement du terminal (SPM-2), limitant la capacité de transit à environ 50 % jusqu’au redémarrage anticipé du SPM-3 autour du 11–13 décembre.
Un goulot logistique pour plus de 1 % de l’offre mondiale
Le pipeline CPC, d’une capacité d’environ 1,3 à 1,45 Mb/j, constitue l’artère principale pour l’export de CPC Blend, un brut léger acide en provenance des champs de Tengiz, Karachaganak et Kashagan. À lui seul, ce corridor représente plus de 80 % des exportations pétrolières du Kazakhstan et plus de 1 % de l’offre mondiale. L’indisponibilité prolongée de SPM-2, dont les réparations pourraient s’étaler sur plusieurs mois, affecte durablement la logistique hivernale et oblige les producteurs à envisager des options alternatives, coûteuses et limitées en volume.
Un consortium impliquant des intérêts russes, kazakhs et occidentaux
La structure actionnariale du CPC regroupe la société publique russe Transneft, la compagnie nationale KazMunayGas, et plusieurs groupes internationaux, dont Chevron, ExxonMobil, Shell et Eni. Les expéditeurs principaux sont les consortiums Tengizchevroil, North Caspian Operating Company (NCOC) et Karachaganak Petroleum Operating. La frappe, bien que dirigée contre un site en territoire russe, touche donc une infrastructure civilo-commerciale multinationale, compliquant l’interprétation juridique et la réponse assurantielle.
Une attaque au croisement d’intérêts énergétiques et militaires
L’Ukraine a multiplié les frappes visant les infrastructures énergétiques russes pour réduire les revenus pétroliers de Moscou. En visant CPC, Kiev atteint une installation perçue comme stratégique dans l’écosystème de la mer Noire. Toutefois, la majorité du pétrole transité étant kazakh, le Kazakhstan a exprimé son inquiétude, y voyant une atteinte à sa souveraineté économique.
Un impact immédiat sur les marchés pétroliers régionaux
La réduction des volumes exportés via CPC a provoqué une hausse d’environ 1 $/baril sur les références méditerranéennes. Les raffineries turques, italiennes et grecques, grandes consommatrices de CPC Blend, sont directement concernées par cette tension sur l’approvisionnement. En parallèle, la Turquie doit élargir sa palette d’importation vers des origines moins avantageuses économiquement.
Un signal stratégique aux producteurs non russes
La capacité réduite du CPC oblige le Kazakhstan à augmenter l’utilisation de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan et du corridor Atasu-Alashankou vers la Chine. Ces alternatives, plus onéreuses, compromettent la rentabilité à court terme des consortiums pétroliers kazakhs, dont les flux sont désormais exposés à un risque géopolitique élevé. Les majors occidentales réévaluent leurs engagements dans la région face à cette montée des incertitudes opérationnelles.
Une infrastructure civile devenue cible militaire
Le terminal de Yuzhnaya Ozereevka, bien que de nature commerciale, pourrait être requalifié en objectif militaire si une contribution directe à l’effort de guerre russe est démontrée. Les autorités occidentales, via l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) aux États-Unis et la Commission européenne, maintiennent pour l’instant des exemptions spécifiques pour le pétrole non russe transitant via CPC.
Effets budgétaires pour le Kazakhstan
La perte de capacité exportatrice pourrait entraîner une baisse de production estimée à 6 %, réduisant potentiellement les revenus budgétaires de plusieurs centaines de millions de dollars par mois. Le gouvernement kazakh, sous pression, pourrait être contraint d’accélérer les projets de diversification logistique à fort coût d’investissement.
Une incertitude persistante pour l’hiver 2026
Le redémarrage prévu du SPM-3 reste à confirmer. Toute dérive du calendrier accentuerait la pression sur les flux physiques, les prix, et la stabilité des contrats commerciaux. La réaction du Kazakhstan face à cette attaque, ainsi que l’évolution des relations diplomatiques entre Astana, Kiev et Moscou, seront déterminantes pour les prochaines décisions d’investissement des groupes internationaux.