Dans l’immense steppe du Kazakhstan, en bordure du village d’Ulken, peuplé à moitié et en déclin, quelques chiens gardent le terrain vague destiné à accueillir la première centrale nucléaire du pays. Riche en uranium mais confronté à une pénurie d’électricité, le Kazakhstan voit dans ce projet une solution pour ses besoins énergétiques croissants.
« Ça fait tant d’années que j’attends le début du chantier, j’en rêve », déclare Sergueï Tretiakov, habitant d’Ulken, à l’Agence France-Presse (AFP). Ce village, situé dans le sud de l’ex-république soviétique cinq fois plus grande que la France, espère que la mise en service de la centrale revitalisera la région et apportera de nouvelles opportunités économiques.
Le référendum décisif
Pour que ce rêve devienne réalité, la majorité des Kazakhs devra voter « pour » lors d’un référendum prévu dimanche. Ce scrutin, initié par le président Kassym-Jomart Tokaïev, vise à obtenir un soutien populaire pour un projet déjà largement approuvé par les autorités. Tokaïev affirme vouloir « prendre les décisions importantes avec le soutien du peuple », bien que la campagne de soutien soit unilatérale.
La question de l’énergie nucléaire est sensible au Kazakhstan, où la mémoire collective reste marquée par les quelque 450 essais nucléaires soviétiques effectués entre 1949 et 1989 dans le polygone nucléaire de Semipalatinsk. Ces essais ont exposé environ 1,5 million de personnes aux radiations, laissant des cicatrices durables sur la population et l’environnement.
Les enjeux énergétiques du Kazakhstan
Le Kazakhstan est l’un des plus grands producteurs mondiaux d’uranium, mais malgré cette richesse naturelle, le pays souffre d’un déficit énergétique chronique. L’énergie nucléaire est vue comme une solution pour combler ce manque, notamment dans les régions du sud où réside la moitié des quelque vingt millions d’habitants.
Sergueï Tretiakov, ingénieur de 55 ans, exprime son optimisme : « Nous avions déjà fait des digues et un bassin de refroidissement. Le sol y est résistant et son emplacement permet de distribuer l’électricité vers le nord et le sud. » Cependant, la réalisation de ce projet dépendra de la décision des citoyens lors du référendum.
Ulken, un village en déclin
Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, Ulken connaît un déclin marqué. Les bâtiments abandonnés côtoient ceux dont les entrées sont murées, témoignant d’un abandon progressif. Les infrastructures initialement prévues pour soutenir la centrale nucléaire n’ont jamais été achevées, laissant le village dans un état de semi-désertification.
Indira Kerimbekova, employée municipale, feuillette un album de photos d’Ulken en construction. « Jusqu’à l’effondrement de l’URSS, 10 000 personnes vivaient ici. J’ai du mal à y croire », s’étonne-t-elle en regardant une photo d’un restaurant aujourd’hui en ruines. Les commerces se sont réduits à des épiceries de subsistance, et le premier hôpital est à 200 kilomètres.
Les perspectives d’avenir
Malgré les défis, les habitants d’Ulken restent optimistes quant aux bénéfices potentiels de la centrale nucléaire. « Je veux vraiment que notre village prospère », déclare Tatiana Vetrova, retraitée. Anna Kapoustina, mère au foyer, espère également une renaissance économique pour la communauté.
Pour mobiliser le soutien, les autorités ont mis en place le « quartier général du peuple pour la construction d’une centrale nucléaire », une branche du parti présidentiel. Des séances d’information sont organisées à travers le pays, mettant en avant les promesses d’une électricité abordable et continue. « Je sais ce que c’est de s’éclairer à la bougie », affirme Mme Kapoustina, confiante dans les avantages du projet.
Cependant, des voix s’élèvent contre la centrale, rappelant les dommages sanitaires et environnementaux des essais nucléaires passés. Jeksenkoul Koulanbaïeva, retraitée, exprime ses craintes : « On va perdre le lac et les poissons, je suis contre cette centrale. » Le président Tokaïev reconnaît les inquiétudes concernant la sécurité des nouvelles installations nucléaires, tenant compte de l’héritage tragique de Semipalatinsk.