Le Venezuela traverse une nouvelle période d’incertitude liée à la prolongation des licences pétrolières détenues par des groupes internationaux, alors que la décision finale de l’administration Trump est imminente. Ces licences, octroyées initialement sous l’administration Biden, permettent notamment à Chevron, Maurel & Prom, Repsol et Eni de poursuivre leurs activités malgré les sanctions américaines imposées au pays. Actuellement, environ 30 % de la production pétrolière vénézuélienne dépend directement des multinationales étrangères, ce qui représente une manne économique significative dans un contexte de fragilité persistante. La production nationale, autour d’un million de barils par jour actuellement, reste loin des niveaux historiques de plus de trois millions enregistrés dans les années 2000.
Revirements et enjeux diplomatiques
Donald Trump avait initialement révoqué les licences en février, donnant jusqu’au début avril aux compagnies pour arrêter leurs activités, avant de prolonger finalement la date butoir au 27 mai suite à des négociations diplomatiques. Ces revirements fréquents génèrent une incertitude chronique qui complique les opérations sur le terrain, notamment pour Chevron, premier producteur étranger dans le pays. Selon Francisco Monaldi du Baker Institute, l’absence de décision claire met les opérateurs et leurs sous-traitants en difficulté, incapables d’établir des stratégies à long terme. Par ailleurs, des contradictions internes à l’administration américaine sont apparues, notamment entre l’envoyé spécial Richard Grenell et Marco Rubio, conseiller à la sécurité nationale, ajoutant à la confusion sur l’issue finale.
Les négociations ont récemment abouti à la libération d’un militaire américain détenu au Venezuela, laissant croire à une possible prolongation des licences pétrolières. Cependant, Marco Rubio a contredit publiquement cette hypothèse, indiquant clairement que les licences expireraient à la date prévue, maintenant ainsi une incertitude stratégique. Chevron, de son côté, intensifie ses efforts diplomatiques en soulignant que son départ pourrait profiter à des entreprises russes ou chinoises, susceptibles de remplir le vide laissé par les compagnies américaines. Ce changement potentiel dans le paysage pétrolier vénézuélien préoccupe Washington, conscient des implications géopolitiques.
Conséquences économiques potentielles
Pour le Venezuela, dont l’économie est largement dépendante des recettes pétrolières, la suppression des licences aurait un impact direct sur sa reprise économique amorcée ces dernières années. Graciela Urdaneta, économiste chez Ecoanalitica, souligne que ces compagnies étrangères assurent une entrée stable de devises, essentielles à la stabilité du marché des changes local. Manuel Sutherland, économiste à l’Université centrale du Venezuela, estime quant à lui qu’une interruption des licences pourrait diviser par deux les prévisions de recettes pétrolières annuelles, passant de 16 milliards à seulement 8 milliards de dollars. Malgré ces difficultés potentielles, le gouvernement vénézuélien se dit prêt à contourner les restrictions grâce à des systèmes alternatifs d’échange ou de commerce indirect.
Nicolas Maduro Guerra, fils du président vénézuélien, a récemment affirmé que le pays était prêt à « avancer avec ou sans les sanctions ». Selon lui, Caracas a développé des mécanismes adaptés pour continuer à vendre du pétrole même sans les multinationales américaines, bien que ces transactions risquent de nécessiter d’importantes concessions commerciales, comme des rabais significatifs ou des échanges de marchandises. Maduro Guerra, figure montante du Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV), considère cependant que le départ des compagnies américaines serait davantage préjudiciable aux intérêts économiques et géopolitiques des États-Unis qu’à ceux du Venezuela.
Alternatives et stratégies de contournement
Si Chevron, principal acteur étranger, devait quitter le pays, d’autres multinationales comme l’espagnol Repsol, actif principalement dans le gaz, pourraient chercher de nouveaux mécanismes afin de maintenir leur présence. PDVSA, la société nationale du pétrole vénézuélienne, serait contrainte d’adopter rapidement des solutions alternatives, possiblement au travers de partenariats renforcés avec des compagnies non occidentales. Elias Ferrer d’Orinoco Research évoque la possibilité que des marchés alternatifs continuent d’acheter le pétrole vénézuélien malgré les sanctions, comparant la situation au commerce illicite où « il y aura toujours un acheteur ».
Le gouvernement Maduro insiste pour sa part sur l’autonomie de l’industrie pétrolière nationale, affirmant que les ressources humaines vénézuéliennes disposent des compétences nécessaires pour maintenir la production. Cette posture réaffirme une volonté de résilience face aux pressions économiques externes, tout en laissant ouverte la question de l’impact réel d’un éventuel retrait massif des compagnies étrangères. L’avenir économique immédiat du Venezuela dépend désormais en grande partie de cette décision imminente, scrutée attentivement tant à Caracas qu’à Washington.