La transition énergétique africaine n’est pas du goût de tous les pays. Les producteurs de gaz et de pétrole, ainsi que ceux où de récentes découvertes suscitent des espoirs de développement, n’entendent pas pour l’instant y renoncer. Ce, en dépit des recommandations de la dernière conférence climat de Glasgow en Écosse, la COP26.
Transition énergétique et inégalités
L’accord final arraché à Glasgow a pour la première fois explicitement mis en cause les énergies fossiles comme principaux responsables du réchauffement climatique. Appelant ainsi à « la sortie des subventions inefficaces » à ces énergies.
Mais les pays pétroliers et gaziers d’Afrique subsaharienne ne sont pas du même avis. Ainsi, le Nigeria et l’Angola – les deux plus gros producteurs de cette région – estiment que renoncer aux fossiles serait renoncer au développement et à la lutte contre la pauvreté.
« Limiter le développement des projets liés aux énergies fossiles, en particulier le gaz naturel, aurait un impact profondément négatif », a récemment déclaré le vice-président nigérian Yemi Osinbajo.
Tenir compte des différences entre les pays
Il admet « que tous les pays doivent participer à la lutte contre le changement climatique ». Mais il ajoute aussitôt qu' »une transition globale […] doit tenir compte des différences entre les pays (du Nord et du Sud) ».
« Pour des pays comme le Nigeria, riche en ressources naturelles, mais encore pauvre sur le plan énergétique, la transition ne doit pas se faire aux dépens d’une énergie fiable et abordable pour la population, les villes et les industries ».
« Au contraire, elle doit être inclusive et équitable. Ce qui veut dire préserver le droit au développement durable et à l’éradication de la pauvreté comme inscrit dans les traités internationaux comme l’accord de Paris sur le climat de 2015 ».
Injuste répartition et corruption
Ce discours en faveur du développement grâce aux énergies fossiles se heurte cependant à la réalité. Celle d’une redistribution injuste des revenus du gaz et du pétrole constatée dans les pays producteurs.
En Angola, le pétrole représente la moitié du Produit intérieur brut (PIB) et 89% des exportations. Or, plus de la moitié des 34 millions d’habitants vit avec moins de $2/jour. En parallèle, le taux de chômage est de 31%.
Le gouvernement du président Joao Lourenco a lancé une vaste campagne anti-corruption. Il soupçonne son prédécesseur José Eduardo dos Santos de s’être servi dans les caisses à hauteur de milliards de dollars.
Le Mozambique soutient l’Angola et le Nigeria
Autre ancienne colonie portugaise d’Afrique australe, le Mozambique. Lui aussi mise sur les immenses champs de gaz naturel découverts dans l’océan Indien au large de ses côtes septentrionales. Et ce, en dépit d’une forte présence de groupes jihadistes armés.
Militant écologiste mozambicain, Daniel Ribeiro note que « si on regarde le modèle des énergies fossiles en Afrique, il est très clair que ça n’a pas contribué » au développement. Mais au contraire, à « augmenter la dette et la corruption ».
Il affirme que dans son pays, « l’évasion fiscale » liée aux projets gaziers favorise « l’élite dirigeante » et le Front de libération du Mozambique (Frelimo), au pouvoir depuis l’indépendance en 1975. Raison pour laquelle selon lui, Maputo « combat tout type d’évolution » vers des énergies propres.
Le financement, « défi majeur »
En Afrique de l’Ouest, la colère monte. En Côte d’Ivoire, des jeunes se sentent lésés par l’absence de retombées économiques des exploitations au large de Jacqueville, près d’Abidjan.
Fin octobre 2021, ils ont bloqué des travaux de pose de pipelines. Bloquant ainsi un projet d’exploitation de gaz sous-marin.
« Je n’arrive pas à comprendre qu’un village qui abrite une plateforme pétrolière n’ait aucune caserne de pompiers, ni un collège, et que les hôpitaux ne soient pas approvisionnés », s’étrangle un de ces jeunes.
Pallier les carences de l’exploitation pétrolière en assurant une transition vers les énergies propres reste néanmoins un objectif possible. Mais ce, à condition que les pays du Nord qui polluent le plus tiennent leurs promesses. C’est-à-dire d’aider les pays du Sud. Car ce sont bien les premières victimes du réchauffement climatique.
« La question du financement reste un des défis majeurs à relever », note Cheikh Tidiane Wade, géographe sénégalais spécialiste de l’environnement. Son pays entend commencer à produire du gaz fin 2023 et sortir son premier baril de pétrole en 2024.
Où sont les $100 milliards/an promis aux pays du Sud?
En 2009, les pays du Nord avaient promis de porter à partir de 2020 leur aide climat au Sud à $100 milliards/an. Mais la promesse n’est toujours pas tenue. Aiguisant, de fait, le ressentiment des pays en développement. S’ajoutant à cela la situation sanitaire des plus catastrophiques.
La COP26 a appelé les pays riches à tenir leur promesse. Avec un accès aux marchés financiers appropriés, les énergies renouvelables pourraient représenter jusqu’à 67% de la production d’électricité en Afrique subsaharienne d’ici à 2030, selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena).