Une transition énergétique juste peut se définir comme étant une transition équitable bénéficiant à l’ensemble de la population. Dès lors, ce concept vise à s’assurer qu’aucune communauté ne soit laissée pour compte. Cette « justice » joue de fait, un rôle central pour permettre l’adhésion des populations à la transition énergétique. Pourtant, elle semble aujourd’hui difficile à mettre en œuvre tant les obstacles restent importants.
Le concept de « justice » dans la transition énergétique fait l’objet d’une attention croissante de la part des États. Dans son Green New Deal, l’Europe avait ainsi fait de cette question un élément central de sa stratégie. Après tout, la justice énergétique renvoie à des notions d’équité, de solidarité et d’accessibilité du système énergétique.
L’équité comme condition d’une transition énergétique juste
L’équité dans le domaine de l’énergie
On définit l’équité comme le fait de répartir de manière juste les bénéfices et les coûts de la transition énergétique. Il s’agit non pas d’une égalité absolue, mais que chacun contribue à l’effort en fonction de ses moyens. En cela, le « principe de responsabilité commune, mais différenciée » défini par l’ONU s’inscrit pleinement dans cette définition.
Ainsi, on parle d’équité lorsque les pays développés contribuent davantage que les pays pauvres aux efforts climatiques. Ce fut d’ailleurs au sein des négociations climatiques que ce concept prit racines et commença à s’imposer dans les discours. Les pays émergents, notamment, ont largement usé de ce principe afin de réduire leurs efforts en matière de climat.
Une équité mise à mal ces dernières années
Souvent célébrée depuis la COP 21, l’équité se retrouve aujourd’hui mise à mal au niveau énergétique. En effet, il existe un fossé important entre les États en matière d’efforts climatiques. Seuls 20 gouvernements ont ainsi annoncé des objectifs de neutralité carbone sur les 196 signataires de l’Accord de Paris.
Cette divergence se révèle problématique dans un contexte de concurrence économique exacerbée au niveau international. Par exemple, les différences de subventions aux énergies fossiles défavorisent complètement certains pays créant un sentiment d’injustice dans les populations. De fait, le développement d’une transition énergétique juste requiert une véritable équité dans les efforts climatiques au niveau mondial.
L’importance de la solidarité
Des gagnants et des perdants dans la transition énergétique
En plus de l’équité, une transition énergétique juste nécessitera un soutien important accordé aux industries perdantes de la transition énergétique. On pense bien évidemment au pétrole dont le pic de la demande devrait avoir lieu dès 2030. Pour beaucoup de pays producteurs, la transition énergétique présente de facto, un risque considérable sur le plan social. La difficulté consistera pour eux à diversifier leur économie en tirant parti des nouvelles opportunités énergétiques comme l’hydrogène.
À cause de ses conséquences sur la pollution, le charbon constituera l’autre grand perdant de la transition énergétique. D’après l’Agence internationale de l’énergie, la production devrait au mieux stagner d’ici à 2040 puis décliner fortement après cette date. En cas de respect de l’accord de Paris, le charbon ne devrait plus représenter que 6% du mix électrique.
Une solidarité nécessaire avec les perdants de la transition énergétique
Ce déclin progressif des énergies fossiles aura des conséquences non négligeables sur l’emploi dans un certain nombre de pays. Des régions entières pourront ainsi se voir priver d’activités économiques dans les prochaines années. On peut comprendre dès lors leur réticence à s’engager sur le terrain de la transition énergétique. Afin de lever cet obstacle, il sera donc nécessaire d’engager des politiques d’aide à la reconversion des régions touchées.
Ainsi, l’Union Européenne s’engage, à travers son « mécanisme pour une transition juste », à favoriser la requalification des travailleurs. De même, l’Allemagne a adopté un plan ambitieux visant à la reconversion économique des régions charbonnières d’ici à 2038. Néanmoins, ce plan coûtera près de 40 milliards d’euros à Berlin. Autant dire que la question du financement sera centrale pour s’assurer que personne ne soit lésé par la transition énergétique.
L’accessibilité : condition sine qua non
Un objectif d’accessibilité encore loin d’être atteint
La question de l’accessibilité à l’énergie représente un élément fondamental dans la promotion d’une transition énergétique juste. En effet, cette transition ne peut réussir que si l’ensemble de la population profite des opportunités créées par celle-ci. Dans ses objectifs de développement durable (ODD), l’ONU souhaite ainsi 100% d’accessibilité d’ici à 2030.
Aujourd’hui, cet objectif est encore loin d’être atteint avec 10% de la population privée d’accès à l’électricité. À elle seule, l’Afrique représente 85% de cette population. Depuis le début de la pandémie, ce chiffre a même augmenté de 2% mettant fin à 7 années d’amélioration.
L’impact du Covid-19
Cette hausse s’explique par l’augmentation des coûts d’emprunts limitant considérablement la marge de manœuvre financière des États. Privés de financement, ces derniers ont dès lors choisi de privilégier les mesures urgentes au détriment des programmes d’électrification. En Ouganda, par exemple, le gouvernement a décidé de mettre fin aux subventions d’accès à l’électricité faute de moyens disponibles.
La pandémie a également un impact sur le déploiement des micro-réseaux en affectant fortement les chaînes de valeur. Ces micro-réseaux jouent pourtant un rôle primordial dans l’électrification des zones rurales, notamment en Afrique. Le solaire se retrouve particulièrement touché par la crise avec une baisse de 10% des ventes sur le continent. Résultat, la Banque Mondiale estime que les objectifs d’accessibilité universelle à l’électricité ne seront pas atteints en 2030.
Par conséquent, la transition énergétique sera loin d’être un long fleuve tranquille. Celle-ci devra réussir à combiner des notions d’équité, de solidarité et d’accessibilité des systèmes énergétiques. Avec son Green New Deal, l’Europe pourrait toutefois s’ériger en modèle d’une transition énergétique juste à l’échelle de la planète.