La transition énergétique en Asie est d’autant plus urgente que la région Sud-Est connait une forte croissance de la demande en électricité. Elle a en effet augmenté de plus de 6% par an ces deux dernières décennies. En 2020, la pandémie de Covid-19 n’a provoqué qu’une réduction de 1% de la demande.
Or, la production d’électricité grâce au charbon a largement accompagné le développement de la région, et continue d’y prospérer. Près de 20 GW sont même en construction et plus encore sont au stade de pré-construction.
Les acteurs de l’énergie sont pourtant loin d’être insensibles aux appels à la transition énergétique, la région étant particulièrement vulnérable face au dérèglement climatique. L’Asie du Sud-Est doit donc arbitrer des compromis entre deux enjeux contradictoires.
Zoom sur la transition énergétique de l’Asie du Sud-Est et les raisons du succès persistant du charbon dans la région.
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La transition énergétique en Asie pour s’émanciper du charbon
35% de la capacité électrique produite à partir d’EnR 2025
La transition énergétique en Asie, notamment du Sud-Est, est portée par le Plan d’action de l’ASEAN pour la coopération énergétique (APAEC). Ce plan prévoit 23% d’énergies renouvelables (EnR) dans l’approvisionnement total en énergie primaire de la région d’ici 2025. La capacité électrique devra, elle, être produite à 35% grâce à de l’EnR. Cela nécessite l’installation de 35 à 40 GW de capacité d’EnR dans la région.
Les quatre plus gros consommateurs d’électricité de la région que sont l’Indonésie (26%), le Vietnam (22%), la Thaïlande (19%) et la Malaisie (15%), ont individuellement mis en avant des plans énergétiques favorisant les EnR.
Le Vietnam a le projet le plus ambitieux. Il veut ainsi réduire ses émissions de carbone de 15% d’ici 2030. Le plan national de développement du pays prévoit aussi que 50 GW seront générés à partir d‘énergie éolienne et solaire d’ici 2030.
L’Indonésie veut monter sa part d’EnR à 31% d’ici 2050. De son côté, la Thaïlande prévoit que 33% de son électricité sera produit à partir d’EnR d’ici 2037. La Malaisie veut augmenter sa part des EnR de 2% en 2019 à 20% d’ici la fin de 2025, avec 7,9 milliards USD$ d’investissements.
23% des investissements énergétiques prévus dans les EnR entre 2019 à 2040
Les EnR représenteront en Asie du Sud-Est 23% de l’investissement total en énergie entre 2019 à 2040. Des initiatives comme SEACEF réunissent les parties prenantes du développement énergétique pour accélérer la transition énergétique. Elles canalisent les investissements vers des projets et des entreprises innovants dans la filière EnR.
Or cet élan vers les « énergies propres » ne signifie pas que la région en a fini avec les énergies fossiles. Il ne faut en effet pas croire que la hausse des EnR induira mécaniquement une baisse de la consommation du charbon.
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Le charbon reste vital pour la croissance sud-asiatique
36% de charbon dans le mix énergétique régional en 2040
Selon Wood Mackenzie, le charbon restera la principale source de production électrique en Asie de Sud-Est pour longtemps encore. Son utilisation devrait encore augmenter jusqu’en 2027 avant de ralentir. Près de 20 GW de nouvelle capacité de production électrique au charbon sont actuellement en construction. Principalement en Indonésie, au Vietnam et aux Philippines. Beaucoup plus encore est au stade de la pré-construction.
En 2040, le charbon représentera encore 36% du mix énergétique régional pour la production d’électricité.
6% de croissance de la consommation électrique par an depuis 20 ans
Poussée par une forte croissance économique et une consommation exponentielle, la demande d’électricité a augmenté de plus de 6% par an ces deux dernières décennies. Une part substantielle de cette consommation s’est appuyée sur la production énergétique grâce au charbon. Mettre un coup d’arrêt rapide à la filière risquerait donc d’altérer le développement régional.
Par ailleurs, les EnR restent moins compétitives en termes de coût en Asie de Sud-Est par rapport au reste du monde. L’acquisition de terres pour construire des centrales y est plus difficile qu’ailleurs. La forte irrégularité de la production liée aux problèmes d’intermittence des EnR oblige à trouver des solutions de stockage coûteuses.
Les États insulaires comme l’Indonésie ont particulièrement plus de mal à construire de grands réseaux d’EnR efficients. Le charbon présente alors l’avantage de pouvoir être transporté d’une île à l’autre sans être transformé. L’Indonésie en est, du reste, le 5ème plus gros producteur mondial.
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La filière charbon attire toujours les investissements
Les banques de développement extrême-orientales associées à la filière charbon
La croissance énergétique de l’Asie de Sud-Est nécessite de gros investissements qui dépassent souvent les capacités des pays de la région. Les institutions de financement du développement des pays périphériques contribuent largement aux projets énergétiques. Ce, notamment pour la filière charbon.
La Banque japonaise de coopération internationale a par exemple signé des contrats avec l’Indonésie pour développer 6,7 GW de centrales à charbon évaluées à 12,3 milliards USD$. Un partenariat nippo-coréen développe également deux grandes centrales au charbon au Vietnam évaluées à 5,37 milliards USD$.
Les institutions financières des deux pays s’associent souvent aux bénéficiaires de prêts pour prendre des participations dans les centrales, de sorte que ces projets créent des revenus à long terme. Ces centrales utilisent également de nombreuses pièces fabriquées dans les pays prêteurs.
Le Japon soutiendra les projets charbon utilisant des « technologies hautement efficaces »
Le Japon et la Corée du Sud se sont pourtant engagés à réduire leur financement de projets liés au charbon. Ces annonces sont intervenues alors que les banques des deux pays procédaient à des investissements massifs dans de nouvelles centrales au charbon.
Selon un rapport publié dans le Global Trade Review, le Japon continuera à soutenir les projets charbon quand ils utiliseront des « technologies hautement efficaces ». Ces centrales électriques à charbon ultra-supercritiques brûlent le minerai plus efficacement.
Or, nombre d’experts et d’ONG affirment que ces centrales ne réduiront pas beaucoup les émissions de carbone dans un contexte de consommation énergétique toujours plus importante.