Les chauffeurs diesel européens vivent des temps durs lors de l’achat de carburant. Le diesel atteint des prix records.
Auparavant considéré comme l’alternative moins chère à l’essence, les restrictions sur les importations de diesel mettent un coup d’arrêt à l’essor de ce carburant. La crise énergétique actuelle incite les Européens à modifier leurs habitudes.
Explosion du prix du diesel
Après la pandémie et l’assouplissement des mesures sanitaires, la demande reprend ainsi que les prix du carburant. Toutefois, les raffineurs ont du mal à suivre le rythme.
De plus, les approvisionnements se resserrent avec l’invasion en Ukraine en février et les sanctions occidentales contre la Russie. À noter, Moscou est un exportateur important d’énergie, notamment le plus grand fournisseur de diesel de l’Europe.
En mars, les prix moyens du diesel deviennent pour la première fois, plus élevés par rapport à ceux de l’essence. Ensuite, l’écart se creuse davantage, au point d’atteindre des records de prix successifs.
Selon les données compilées par Energy Aspects et Wood Mackenzie, l’écart s’élèvera au quatrième trimestre, à environ 25 dollars le baril (bbl). En comparaison, au deuxième trimestre, le baril coûte 13 dollars.
Comme le confirme Eugene Lindell, analyste du marché du raffinage et des produits chez FGE, « si vous conduisez un véhicule à moteur diesel, vous serez probablement un peu plus touché que s’il s’agissait d’essence ».
L’impact de l’explosion des prix du diesel sur l’économie réelle
Près de 140 millions d’automobilistes diesel font face à des prix élevés du diesel en Europe, affectant l’économie et l’inflation au sens large. Par conséquent, les principales victimes sont les industriels et les agriculteurs.
Dans un rapport de juin, la Banque centrale européenne (ECB) a déclaré :
« La production agricole et la transformation des aliments sont énergivores, par exemple, la production agricole dépend fortement du carburant pour les machines agricoles… et la hausse des coûts de transport affecte les prix des denrées alimentaires. »
Outre le transport, divers secteurs utilisant intensivement du carburant sont impactés, notamment l’agriculture.
Un des facteurs augmentant les coûts de production, le diesel impacte également les consommateurs. En juin, les aliments en Europe ont augmenté de plus de 11% en glissement annuel, selon les chiffres d’Eurostat.
D’après les données de Rystad Energy, 40% du marché européen est constitué de voitures qui utilisent du diesel. A contrario, ce pourcentage est de 4,5% aux États-Unis. La crise énergétique actuelle touche donc les Européens de plein fouet.
Alternatives au carburant russe
Fin mai, les dirigeants européens se sont mis d’accord sur la réduction de 90% des importations de pétrole de la Russie d’ici la fin de l’année. En parallèle, l’UE cherche à sortir de la dépendance énergétique russe.
Concrètement, début décembre, le transport par mer de brut russe sera interdit, en raison des sanctions. Puis, deux mois plus tard, cette interdiction touchera tous les produits raffinés russes, du fait du caractère progressif de ces sanctions. Par conséquent, les effets liés à la perturbation du marché de l’énergie ne sont pas encore pleinement ressentis.
Vortexa, la société d’analyse énergétique a déclaré :
« Alors que les raffineurs européens continuent de s’appuyer sur les approvisionnements en brut léger pour maximiser la production de diesel, les approvisionnements élevés en essence se poursuivront probablement dans une certaine mesure, ce qui maintiendra les approvisionnements mondiaux suffisants en tant que bruts riches en essence, en particulier en provenance d’Afrique de l’Ouest, de la Caspienne et des États-Unis. »
« Fondamentalement, l’Europe ne peut pas vraiment survivre sans le diesel russe » comme l’explique Kevin Wright, analyste principal des produits propres chez Kpler.
Les données confirment cette affirmation de l’analyste chez Kpler. Au cours de la période du 1er au 19 juillet, les importations européennes de diesel russe se poursuivent, atteignant 825 163 barils par jour (bpj). Vortexa précise que c’est le niveau le plus élevé depuis mars. En juin, les importations de diesel n’ont été inférieures que de 10% par rapport à la moyenne sur la période 2017-2020.
Impact sur le marché de l’automobile
La dépendance de l’Europe au diesel résulte d’une politique fiscalement avantageuse, favorisant l’achat de voitures diesel.
À l’époque, ce type de véhicule procurait l’espoir de réduire les émissions de dioxyde de carbone. En réalité, suite au scandale du dieselgate en 2015, le diesel se révèle être plus polluant que prévu. Il émet des niveaux élevés d’émissions d’oxyde d’azote et d’autres polluants atmosphériques.
Le marché de l’automobile gagne en efficacité avec le diesel. Ce carburant contient plus d’énergie en volume que l’essence.
Au vu de la hausse du coût du diesel, la tendance est à l’abandon de ces véhicules. Toutefois, la crise énergétique actuelle n’est pas forcément à l’origine de cette tendance.
D’après Rimoon Agaiby, responsable de l’Allemagne au sein de l’entreprise automobile Ricardo, « le passage des voitures diesel aux voitures à essence est déjà évident depuis plusieurs années. (…) Tout écart de prix du diesel par rapport à l’essence ne ferait que soutenir cette tendance. »
Selon les données du marché des voitures d’occasion, il y a davantage d’annonces pour les véhicules diesel que pour les véhicules à essence.
De mai à juin, les ventes de voiture diesel d’occasion ont augmenté de 21%, d’après Motorway, marché en ligne de voitures d’occasion. Concernant les voitures à essence, l’augmentation est de 13%.
À long terme, l’Europe souhaite stopper les ventes de voitures neuves utilisant des carburants fossiles à partir de 2035. Toutefois, la flotte commerciale européenne ne dispose pas pour l’instant de substitut rentable au diesel. Les voitures électriques pourraient être une solution à court terme.