Le stockage souterrain d’hydrogène devient progressivement incontournable alors que les économies industrielles cherchent à décarboner leur production énergétique. Cependant, cette solution technique, qui s’appuie principalement sur les cavités salines et les gisements d’hydrocarbures épuisés, présente des défis économiques et opérationnels significatifs par rapport au stockage du gaz naturel.
Contraintes techniques spécifiques à l’hydrogène
Les caractéristiques physiques de l’hydrogène impliquent une complexité accrue dans son stockage souterrain. L’hydrogène possède une masse moléculaire très faible (2,016 g/mol) et une densité énergétique nettement inférieure à celle du gaz naturel, nécessitant des volumes de stockage significativement plus importants pour une même quantité d’énergie. Par exemple, sous des conditions identiques de pression et température, une cavité saline stockant de l’hydrogène ne pourra contenir que 25 % de l’énergie stockée sous forme de gaz naturel. En outre, sa faible viscosité et sa forte diffusivité augmentent les risques de fuites, imposant des investissements supplémentaires pour garantir l’intégrité des installations.
La nécessité d’utiliser des matériaux spécifiques pour éviter l’embrittlement (fragilisation) des aciers par l’hydrogène représente un autre enjeu technique majeur. Cette contrainte implique des coûts additionnels substantiels, avec une augmentation moyenne de 20 % des dépenses en infrastructures par rapport au gaz naturel.
Comparaison des coûts : hydrogène vs gaz naturel
Selon une étude du Bureau of Economic Geology de l’Université du Texas, les coûts totaux de stockage de l’hydrogène en cavité saline sont environ deux fois supérieurs à ceux du gaz naturel sur une base volumétrique, et jusqu’à six fois supérieurs sur une base énergétique. Concrètement, les coûts nivelés de stockage (LCOS) de l’hydrogène atteignent environ 11,90 USD/MMBtu, contre seulement 2,05 USD/MMBtu pour le gaz naturel. Cette différence s’explique par des dépenses élevées en gaz de soutirage (cushion gas), la nécessité d’infrastructures spécifiques, et les coûts opérationnels liés à une compression plus énergivore.
En plus des cavités salines, les gisements d’hydrocarbures épuisés offrent un potentiel important pour le stockage d’hydrogène. Cependant, cette option impose également des surcoûts notables dus à la nécessité de nouvelles infrastructures de puits, des systèmes de purification pour éliminer les hydrocarbures résiduels et des dispositifs de surveillance plus poussés. Ainsi, malgré la réutilisation possible d’installations existantes, le stockage dans ces structures reste économiquement complexe et moins avantageux que pour le gaz naturel.
Perspectives économiques et régulatoires
Le modèle économique du stockage d’hydrogène reste incertain en l’absence d’un marché liquide et transparent, contrairement à celui du gaz naturel déjà mature. Pour favoriser son développement, des mécanismes de soutien public sont indispensables afin d’attirer les investisseurs privés. Actuellement, des initiatives telles que le Bad Lauchstädt Energy Park en Allemagne ou le projet HyPSTER en France bénéficient de subventions publiques conséquentes, illustrant la nécessité d’un cadre régulatoire favorable.
Cependant, à plus long terme, la question centrale demeure la compétitivité économique de l’hydrogène face au gaz naturel et aux autres alternatives bas carbone. La valeur ajoutée du stockage d’hydrogène pourrait justifier un coût supérieur, à condition que les politiques publiques valorisent suffisamment son rôle dans la transition énergétique.