Singapour a confirmé la mise en place d’un prélèvement fixe sur les billets d’avion pour financer l’achat centralisé de carburant aviation durable, ou Sustainable Aviation Fuel (SAF), pour la période allant de 2026 à 2028. Cette annonce intervient alors que l’instabilité des prix du SAF représente un enjeu croissant pour les compagnies aériennes, confrontées à des variations importantes des coûts liés à ce carburant alternatif. Le prélèvement, qui sera intégré directement au prix des billets, ne fluctuera pas, même si les prix mondiaux du SAF connaissent de fortes hausses ou baisses. Les recettes issues de ce prélèvement seront entièrement consacrées à l’acquisition de SAF, centralisée par l’Autorité de l’aviation civile de Singapour (Civil Aviation Authority of Singapore – CAAS).
Une tarification différenciée selon les vols et classes de voyage
La CAAS a précisé que le montant du prélèvement dépendra directement de la distance parcourue et de la classe de réservation choisie par les passagers. Ainsi, les premières estimations indiquent qu’un passager en classe économique paiera un supplément d’environ 3 dollars singapouriens (2,36 USD) pour un vol vers Bangkok, 6 dollars singapouriens vers Tokyo et jusqu’à 16 dollars singapouriens vers Londres. Les passagers des classes supérieures devront quant à eux payer un montant supérieur, reflétant la différence habituelle de tarifs pratiquée par les compagnies aériennes pour les services premium. Ce modèle fixe permet ainsi d’offrir une visibilité tarifaire précise aux voyageurs comme aux compagnies aériennes.
Un objectif flexible face aux variations du marché
Le modèle choisi par Singapour se distingue nettement des obligations strictes de mélange (hard blending mandates) observées en Europe ou aux États-Unis. Il repose sur un principe d’objectif mouvant, ou « moving target », où le pourcentage effectif de SAF acheté peut varier selon les prix réels du marché. En pratique, si les prix du SAF sont inférieurs aux projections initiales, la quantité acquise sera plus élevée, et inversement. Le prélèvement payé par les passagers reste cependant inchangé, quelle que soit l’évolution des prix, ce qui assure une certaine stabilité financière aux compagnies aériennes et aux voyageurs.
Développement régional et collaborations internationales
Au-delà de la mise en place de ce prélèvement, Singapour souhaite développer sa capacité d’approvisionnement régional en SAF. Le pays participe actuellement à des études sur les matières premières nécessaires à la production de SAF, en collaboration notamment avec Boeing et la Roundtable on Sustainable Biomaterials (RSB). Ces initiatives visent à identifier des sources viables de production dans la région, tout en respectant les critères de durabilité du Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation (CORSIA). Des discussions sont également en cours avec des producteurs de matières premières issues notamment des secteurs de l’huile de palme et des déchets industriels.
Le gouvernement singapourien a également établi plusieurs partenariats internationaux en matière d’aviation durable avec les États-Unis, l’Australie, le Japon et le Royaume-Uni. Au niveau régional, Singapour a initié le plan d’action ASEAN Sustainable Aviation Action Plan (ASAAP), destiné à guider les efforts de l’Asie du Sud-Est en matière de modernisation du trafic aérien et de décarbonation. Un budget de 50 millions de dollars singapouriens a également été alloué par l’État pour financer des projets d’innovation technologique dans l’aviation, coordonnés par le Aviation Sustainability Programme (ASP). Par ailleurs, la création du Centre international pour l’innovation aéronautique (International Centre for Aviation Innovation – ICAI) doit renforcer la recherche et les politiques publiques autour des carburants alternatifs et des pratiques durables au sein de la région.
Singapour a par ailleurs renforcé ses capacités locales de production de SAF. La société Neste a récemment porté sa capacité annuelle à Singapour à 1,25 milliard de litres, faisant de l’État l’un des principaux centres mondiaux de production de SAF. Néanmoins, ce volume reste largement insuffisant face à la demande mondiale estimée, selon les prévisions de l’Association du transport aérien international (International Air Transport Association – IATA), à 450 milliards de litres par an à horizon 2050.