Après avoir réduit ses investissements dans les activités terrestres au Nigeria, la société Royal Dutch Shell concentre désormais ses efforts sur des projets amont à forte exposition en Afrique. La stratégie actuelle s’articule autour de l’exploration en eaux profondes et de la reprise d’actifs terrestres, avec une attention particulière portée sur les bassins stratégiques du continent. Cette orientation contraste avec le retrait progressif observé chez d’autres acteurs majeurs du secteur, notamment TotalEnergies, Eni et BP, qui ont opté pour une limitation de leurs engagements sur le segment amont africain.
Relance des opérations en Libye et diversification du portefeuille
Un mémorandum d’accord a été récemment signé par Royal Dutch Shell pour la relance d’un champ pétrolier terrestre en Libye. Cette démarche s’inscrit dans un contexte où les opérations d’extraction en Libye demeurent fragilisées par des interruptions récurrentes. Plusieurs champs majeurs, dont El-Sharara et El-Feel, ont subi des blocages consécutifs à des mouvements sociaux et des tensions politiques. La National Oil Corporation (NOC), société nationale libyenne du pétrole, a signalé à la fin août 2024 une baisse de 63 % de la production quotidienne du pays en raison de ces incidents.
En janvier 2025, la direction de la National Oil Corporation a connu un changement notable, avec la nomination de Massoud Suleman à la présidence par intérim, succédant à Farhat Bengdara. Les enjeux de gouvernance et de transparence restent centraux dans la gestion du secteur pétrolier libyen, dans un environnement institutionnel caractérisé par une fragmentation des autorités et des désaccords persistants autour de la gestion des recettes.
Accélération sur l’offshore sud-africain et défis réglementaires
Parallèlement, Shell a obtenu une autorisation officielle pour lancer des travaux de forage en eaux ultra-profondes dans le bassin d’Orange, situé au large de l’Afrique du Sud. Ce projet intervient alors que le secteur amont sud-africain fait face à un environnement juridique complexe, marqué par plusieurs contentieux relatifs à la consultation des communautés locales lors des campagnes de prospection. Une campagne sismique menée en 2021 dans la région de la Wild Coast avait été suspendue par la Haute Cour de Makhanda en 2022, avant qu’une décision de la Cour suprême d’appel en juin 2024 ne statue partiellement en faveur de l’administration, tout en exigeant la reprise des démarches de consultation publique conformément à la législation.
Ce contexte réglementaire, encore en évolution, expose les opérateurs à des délais supplémentaires et à une incertitude sur la planification des opérations. Les décisions récentes mettent en évidence l’importance du respect des obligations de consultation, un enjeu désormais central pour la poursuite des travaux offshore.
Comparaison sectorielle et ajustements stratégiques
Alors que la concurrence adapte ses engagements sur le continent, Shell poursuit le développement sélectif de ses actifs africains, en maintenant une position différenciée sur le segment amont, notamment grâce à l’exploitation du gaz naturel liquéfié (GNL). La société a, par ailleurs, ajusté certains de ses objectifs stratégiques au printemps 2024, reportant certains engagements en matière de réduction des émissions, sans modifier le rythme des investissements amont.
Les faits présentés témoignent d’une recomposition progressive des stratégies énergétiques sur le continent africain, avec un intérêt marqué pour les ressources offshore et un maintien sélectif des opérations malgré les aléas institutionnels et réglementaires. Cette dynamique pourrait influencer les équilibres de marché et la structuration des flux énergétiques régionaux à moyen terme, dans un environnement toujours soumis à des incertitudes opérationnelles.