Shell met fin à son projet d’hydrogène bleu à Aukra, sur la côte ouest de la Norvège. Ce projet, qui visait à produire 1 200 tonnes d’hydrogène bleu par jour d’ici 2030, reposait sur la combinaison de gaz naturel et de capture et stockage du carbone (CSC). Ce procédé permettrait de réduire les émissions de CO2 tout en exploitant les ressources fossiles existantes. Cependant, malgré son potentiel, l’absence de demande et les coûts élevés associés au développement de cette technologie ont conduit à l’abandon du projet.
L’initiative, qui s’inscrivait dans les efforts de Shell pour soutenir la décarbonation des secteurs industriels européens, visait principalement à fournir de l’hydrogène à des industries lourdes, notamment en Allemagne et en Norvège. Le retrait de ce projet intervient peu de temps après la décision similaire d’Equinor, un autre acteur majeur de l’énergie en Norvège, qui avait renoncé à son propre projet d’hydrogène bleu pour des raisons similaires. Ces abandons successifs soulèvent des questions quant à la capacité du marché à soutenir des solutions énergétiques à faible émission de carbone, malgré la pression croissante pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Hydrogène bleu : des coûts trop élevés pour un marché non établi
L’hydrogène bleu, perçu comme une alternative transitoire vers une économie décarbonée, repose sur l’utilisation de gaz naturel avec une technologie de CSC pour limiter les émissions de CO2. Cependant, cette technologie reste coûteuse, tant en termes d’infrastructures que d’exploitation. Les investissements nécessaires pour rendre l’hydrogène bleu compétitif face à l’hydrogène traditionnel ou même vert (produit à partir de sources renouvelables) sont considérables.
Pour Shell, la rentabilité de son projet dépendait de la demande croissante d’hydrogène, notamment dans les secteurs industriels lourds, souvent difficiles à décarboner par d’autres moyens. Cependant, malgré les discours favorables à l’adoption de l’hydrogène dans plusieurs pays européens, la demande pour l’hydrogène bleu n’a pas atteint un niveau suffisant pour justifier de tels investissements. En conséquence, Shell a décidé de ne pas renouveler son partenariat avec Aker Horizons et CapeOmega, initialement mis en place pour développer le projet d’Aukra.
Une stratégie hydrogène encore incertaine en Europe
Le développement de l’hydrogène en Europe, qu’il soit bleu ou vert, est au cœur des politiques de décarbonation de l’Union européenne. L’UE a notamment fixé des objectifs ambitieux pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, ce qui implique une transformation profonde des systèmes énergétiques, industriels et de transport. Néanmoins, les coûts associés à la production d’hydrogène propre, qu’il provienne de sources renouvelables ou de technologies de CSC, freinent le déploiement massif de cette technologie.
Les projets d’hydrogène bleu, comme ceux envisagés par Shell et Equinor, nécessitent des infrastructures lourdes et coûteuses. La capture et le stockage du carbone, bien que techniquement réalisables, augmentent considérablement le coût de production de l’hydrogène. Cela rend difficile la compétitivité de cette technologie par rapport aux solutions traditionnelles. De plus, les incertitudes liées à la création d’un marché européen de l’hydrogène, en particulier pour des projets transfrontaliers, compliquent encore davantage la viabilité économique de tels projets.
Le rôle incertain de l’hydrogène dans la décarbonation
La décision de Shell et Equinor de se retirer de ces projets illustre les défis majeurs auxquels l’industrie de l’hydrogène est confrontée. Bien que l’hydrogène ait été présenté comme une solution clé pour décarboner des secteurs comme la production d’acier, la chimie et le transport, les infrastructures nécessaires à son développement ne sont pas encore en place, et les coûts restent un frein important. En Norvège, où le gouvernement a soutenu plusieurs initiatives en faveur de l’hydrogène, la décision de Shell et d’Equinor constitue un revers important pour les ambitions du pays de devenir un leader dans cette technologie.
L’avenir de l’hydrogène en Europe dépendra largement de la capacité des gouvernements et des industries à créer un cadre réglementaire et économique favorable à son développement. Des incitations publiques, sous forme de subventions ou de crédits carbone, pourraient aider à surmonter les obstacles financiers. Toutefois, la question de la demande reste centrale : sans un marché stable et suffisamment important pour l’hydrogène, les entreprises seront réticentes à investir dans des technologies coûteuses et incertaines.