La production d’hydrogène vert en Afrique pour l’exportation vers l’Europe pourrait s’avérer nettement plus coûteuse que prévu, selon un rapport publié le 2 juin par l’Université technique de Munich, l’Université d’Oxford et l’École polytechnique fédérale de Zurich. Les chercheurs indiquent que seuls 2,1% des 10 300 sites analysés dans 31 pays africains atteindraient un seuil de compétitivité, même avec des garanties de prix et d’achats de la part des gouvernements européens.
Une méthodologie ajustée aux spécificités locales
Les travaux s’appuient sur une nouvelle méthode de calcul du coût de financement des usines de production d’hydrogène, prenant en compte l’environnement d’investissement local, les taux d’intérêt nationaux, ainsi que les contraintes logistiques et politiques propres à chaque pays. Contrairement aux modèles standards, qui appliquent un taux de financement uniforme entre 4% et 8%, les chercheurs estiment que le coût du capital pourrait atteindre jusqu’à 27% dans certains pays africains.
Les analyses reposent sur des hypothèses de conversion de l’hydrogène en ammoniac, puis d’exportation par voie maritime vers le port de Rotterdam à l’horizon 2030. Quatre scénarios ont été étudiés selon des combinaisons de niveaux de taux d’intérêt et de prise de risque assumée par les gouvernements européens ou les exploitants privés.
Des coûts au-dessus des références européennes
Selon les données, les coûts minimaux de production dans les pays africains varieraient entre 3,2 et 4,9 euros par kilogramme d’hydrogène vert, selon les conditions de financement et les engagements politiques. En comparaison, une enchère organisée en 2024 par la Banque européenne de l’hydrogène (European Hydrogen Bank) a abouti à des offres retenues inférieures à 3 euros/kg pour des projets situés en Europe.
Même dans le scénario le plus favorable, seulement 214 sites répartis entre l’Algérie, le Kenya, la Mauritanie, le Maroc, la Namibie et le Soudan pourraient atteindre le seuil de 3 euros/kg, soit 2,1% des emplacements étudiés. L’étude souligne cependant que ce chiffre ne prend en compte que les risques sécuritaires nationaux, alors que de nombreux sites potentiellement rentables se trouvent dans des régions instables.
Des conditions politiques déterminantes pour la rentabilité
Les chercheurs estiment que pour rendre ces projets viables, des garanties politiques solides sont nécessaires, notamment des accords d’achat fermes à des prix fixes et des mécanismes de couverture contre les risques de défaut de paiement. Ces mesures pourraient être soutenues par des institutions financières internationales telles que la Banque mondiale.
L’Union européenne prévoit d’importer jusqu’à 10 mégatonnes d’hydrogène vert à l’horizon 2030, avec des partenariats déjà signés avec la Namibie, l’Égypte et la Mauritanie. Toutefois, selon les auteurs du rapport, sans intervention politique substantielle, les projets africains risquent de ne pas atteindre les objectifs de compétitivité visés.