La visite du président sud-coréen Yoon Suk-yeol en République tchèque représente un tournant significatif pour les relations nucléaires entre les deux nations. Ce déplacement met en lumière le projet ambitieux de construction de réacteurs nucléaires, dirigé par Korea Hydro & Nuclear Power (KHNP), qui vise à renforcer la position de la Corée du Sud dans le secteur des technologies nucléaires avancées. En particulier, l’accent est mis sur les réacteurs nucléaires de petite taille, ou Small Modular Reactors (SMR), qui suscitent un intérêt croissant sur la scène internationale en raison de leur potentiel à transformer la production d’énergie nucléaire.
Contexte et enjeux du projet
La République tchèque a choisi un consortium sud-coréen pour la construction de deux réacteurs nucléaires dans le cadre du projet Dukovany, évalué à 24 trillions de wons, soit environ 17,4 milliards de dollars. Ce projet se positionne comme le plus grand investissement énergétique du pays, soulignant l’importance stratégique de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique tchèque. Cependant, des contestations ont été soulevées par Westinghouse et EDF, qui soutiennent que KHNP ne dispose pas des accords de licence nécessaires pour exporter des technologies de réacteurs basées sur la propriété intellectuelle américaine. Ces préoccupations pourraient retarder le projet et nécessiter des négociations complexes.
La Corée du Sud a déjà démontré son expertise dans le domaine nucléaire, notamment avec la réalisation réussie de la centrale nucléaire de Barakah aux Émirats arabes unis. Ce succès a renforcé la crédibilité de KHNP sur le marché international. Toutefois, l’intégration des SMR dans le projet Dukovany représente une innovation majeure, car ces réacteurs offrent des caractéristiques distinctes qui pourraient répondre aux besoins énergétiques croissants de la République tchèque tout en respectant des normes de sécurité élevées.
Les avantages des SMR pour la République tchèque
Les SMR présentent plusieurs avantages par rapport aux réacteurs nucléaires traditionnels. Leur taille réduite permet une flexibilité accrue dans l’installation et la localisation, facilitant leur intégration dans des zones proches des centres de consommation d’énergie. Cela réduit les pertes liées au transport et améliore la fiabilité du réseau électrique. De plus, la modularité des SMR permet de construire plusieurs unités en parallèle ou d’ajouter des réacteurs au fil du temps, en fonction de l’évolution de la demande énergétique.
En matière de sécurité, les SMR sont conçus avec des systèmes de sécurité passifs, ce qui signifie qu’ils peuvent fonctionner sans intervention humaine ou sources d’énergie externes en cas d’urgence. Cette caractéristique les rend particulièrement attractifs pour des pays comme la République tchèque, où la sécurité énergétique est devenue une priorité, surtout dans le contexte de la rupture des relations énergétiques avec la Russie. Les SMR pourraient ainsi contribuer à diversifier les sources d’énergie et à renforcer l’autonomie énergétique du pays.
Collaboration internationale et défis technologiques
Un aspect crucial de ce projet réside dans la nécessité d’une collaboration internationale pour surmonter les défis liés à la propriété intellectuelle et aux licences d’exportation. Westinghouse a contesté l’accord, affirmant que KHNP n’avait pas les droits nécessaires pour utiliser certaines technologies de réacteurs. Cependant, Yoon a déclaré que Séoul et Washington travaillent ensemble pour établir un environnement de collaboration propice à la résolution de ces questions avant la finalisation du contrat prévue pour mars 2025. Cette coopération pourrait être déterminante pour le succès du projet.
L’intégration des SMR dans le projet tchèque pourrait également nécessiter des adaptations technologiques et réglementaires. Bien que la technologie SMR soit prometteuse, elle est encore en phase de développement commercial, avec peu d’unités actuellement en exploitation. Cela implique que des tests et des validations supplémentaires seront nécessaires avant leur adoption à grande échelle en République tchèque. Les défis réglementaires et techniques doivent être abordés avec soin pour garantir la viabilité et la sécurité des installations.
Perspectives d’avenir et implications stratégiques
La visite de Yoon en République tchèque envoie un message fort sur la volonté de la Corée du Sud de renforcer ses relations économiques avec l’Europe, tout en consolidant sa position dans le secteur nucléaire. Bien que les litiges avec Westinghouse et EDF représentent un obstacle à court terme, l’intégration de technologies de réacteurs avancées comme les SMR pourrait révolutionner le marché de l’énergie en Europe centrale. Le succès de ce projet dépendra non seulement des capacités techniques et financières du consortium sud-coréen, mais aussi de la capacité de Séoul à naviguer dans le paysage complexe des droits de propriété intellectuelle et des réglementations internationales.
Ce projet pourrait également ouvrir la voie à de nouvelles collaborations dans d’autres secteurs technologiques, y compris la gestion des combustibles usés et les technologies d’énergie renouvelable. En établissant un partenariat à long terme entre la Corée du Sud et la République tchèque, les deux pays pourraient bénéficier d’une synergie accrue dans le développement de solutions énergétiques durables et innovantes. Les enjeux de la décarbonation et de la transition énergétique mondiale rendent ces collaborations d’autant plus pertinentes dans le contexte actuel.