Le secteur nucléaire, longtemps en retrait, connaît un regain d’intérêt dans le contexte actuel de lutte contre le changement climatique. Cependant, malgré les ambitions affichées par les acteurs de l’industrie, la promesse de tripler la capacité nucléaire mondiale d’ici 2050 reste largement inachevée. Un rapport d’experts, le « rapport annuel sur l’état de l’industrie nucléaire mondiale », met en lumière les défis auxquels fait face cette relance, soulignant que, hormis une augmentation notable en Asie, notamment en Chine, les progrès demeurent limités.
Le rapport indique que pour atteindre les objectifs de neutralité carbone, il serait nécessaire de tripler les capacités nucléaires mondiales. Cela impliquerait une combinaison de réacteurs existants, de nouvelles unités de génération et de mini-réacteurs modulaires. L’Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE estime qu’il faudrait ajouter environ 25 gigawatts de capacités chaque année, portant la capacité installée de 394 GW en 2020 à 1.160 GW en 2050. Pourtant, en 2023, seulement cinq nouveaux réacteurs, représentant une capacité de 5 GW, ont été mis en service, tandis que cinq autres ont été fermés, entraînant une baisse nette de 1 GW.
Les défis de la relance nucléaire
Mycle Schneider, coordinateur du rapport, souligne que « rien que pour maintenir la capacité actuelle, il faudrait déjà mettre en service 10 réacteurs par an », ce qui nécessiterait de doubler le rythme de construction observé en 2023. Il ajoute que « tripler les capacités à l’horizon 2050 reviendrait à construire entre 800 et 1.000 réacteurs supplémentaires, c’est impossible ». Ces déclarations mettent en exergue les obstacles structurels qui entravent la relance du nucléaire, notamment la nécessité de reconstruire une filière de formation et une chaîne logistique adaptées.
Le rapport souligne également que le secteur fait face à des défis financiers considérables. Les projets nucléaires sont longs et coûteux, ce qui complique leur financement. En mi-2024, 59 réacteurs étaient en construction dans 13 pays, mais la majorité de ces projets sont concentrés en Chine et en Russie. La Chine, avec 27 réacteurs en chantier, se concentre sur son marché intérieur, tandis que la Russie, leader du marché international, supervise 26 chantiers, dont 20 dans d’autres pays.
Une part de marché stagnante
La part du nucléaire dans la production d’électricité est restée stable à 9,15 % en 2023, atteignant son niveau le plus bas depuis quatre décennies. Au 1er juillet 2024, 408 réacteurs étaient en fonctionnement, représentant une capacité de 367 GW, soit une augmentation d’un réacteur par rapport à l’année précédente, mais bien en deçà du pic de 438 réacteurs atteint en 2002. Cette stagnation soulève des questions sur la viabilité à long terme du nucléaire en tant que solution pour atteindre les objectifs de décarbonation.
Les perspectives d’avenir pour le nucléaire dépendent donc de la capacité des acteurs du secteur à surmonter ces défis. La nécessité d’une coordination internationale et d’un soutien politique fort est plus que jamais d’actualité. Les discussions en cours entre les pays membres de l’OCDE sur les leviers d’action pour relancer l’atome pourraient jouer un rôle crucial dans la redynamisation de cette filière.
Les enjeux sont clairs : sans une action concertée et des investissements significatifs, le nucléaire risque de rester une promesse non tenue dans la lutte contre le changement climatique. Les acteurs du secteur doivent naviguer dans un environnement complexe, où les attentes sont élevées mais où les réalités industrielles et financières posent des défis majeurs. La relance du nucléaire, bien qu’essentielle pour la transition énergétique, nécessite une approche pragmatique et réaliste pour éviter de se heurter à des obstacles insurmontables.