Le président russe Vladimir Poutine rencontrera lundi en Chine son homologue iranien Massoud Pezeshkian afin d’évoquer le programme nucléaire iranien. L’annonce du Kremlin survient dans un contexte de crispations croissantes autour du respect de l’accord de Vienne de 2015, connu sous le nom de Plan d’action global commun (Joint Comprehensive Plan of Action, JCPOA). Les pays européens du groupe E3 — la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni — estiment que l’Iran a manqué à ses obligations et ont enclenché la procédure de rétablissement des sanctions, dite mécanisme de « snapback ».
Un mécanisme de sanctions réactivé
Dans une lettre adressée au Conseil de sécurité des Nations unies, les trois puissances européennes ont souligné que les preuves disponibles démontrent un non-respect important des engagements iraniens. Le mécanisme enclenché ouvre une période de trente jours à l’issue de laquelle l’ensemble des sanctions levées il y a dix ans pourraient être réimposées. L’Union européenne, également partie prenante du JCPOA, a participé aux dernières discussions à Genève, sans parvenir à empêcher la décision annoncée par l’E3.
La Russie monte au créneau
Moscou a vivement réagi en dénonçant une décision jugée déstabilisatrice et en appelant à un retour à la négociation. Le ministère russe des Affaires étrangères a averti que la réimposition des sanctions pourrait avoir des conséquences irréversibles sur l’équilibre régional et international. La Russie, qui coopère étroitement avec l’Iran sur plusieurs dossiers énergétiques et géopolitiques, insiste sur la nécessité d’un dialogue constructif pour éviter une nouvelle escalade.
La position de Téhéran
Téhéran nie toute ambition militaire et rappelle son droit à développer un programme nucléaire civil. Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’Iran a déjà enrichi de l’uranium à hauteur de 60 %, bien au-delà de la limite de 3,67 % fixée par le JCPOA. L’AIEA a également constaté en février 2023 un enrichissement ponctuel à 84 %, présenté par l’Iran comme une erreur technique liée à l’accumulation d’uranium hautement enrichi dans certaines cascades de centrifugeuses. Bien que Téhéran ait affirmé ne pas viser ce niveau, l’incident a confirmé sa capacité technique à s’approcher du seuil militaire.
Les étapes de l’enrichissement
L’uranium naturel contient seulement 0,7 % d’uranium 235, l’isotope fissile recherché. Le passage de ce niveau à 3,67 %, seuil autorisé pour un usage civil, représente la phase la plus longue et la plus complexe du processus d’enrichissement. Une fois cette étape franchie, progresser de 3,67 % à 20 %, puis de 20 % à 60 %, demande nettement moins de travail supplémentaire. Enfin, atteindre 90 % — le niveau requis pour la fabrication d’une arme nucléaire — devient techniquement beaucoup plus rapide. Le franchissement du seuil des 20 %, qui n’est pas nécessaire pour un usage civil, suscite par conséquent une méfiance absolue de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), des pays européens de l’E3, d’Israël et des États-Unis, qui y voient un signal d’intentions potentiellement militaires.
Un enjeu stratégique majeur
Le contraste entre les usages civils et militaires de l’uranium enrichi illustre la sensibilité du dossier iranien. Alors qu’un combustible pour centrale nucléaire se situe entre 3 et 5 %, la proximité technique avec les 90 % nécessaires à une arme nourrit les inquiétudes. La rencontre prévue en Chine entre Vladimir Poutine et Massoud Pezeshkian s’inscrit dans une séquence où les équilibres diplomatiques et militaires convergent. L’avenir du JCPOA, déjà fragilisé depuis le retrait des États-Unis en 2018, dépend désormais de la capacité des parties à trouver un compromis.