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Pourquoi la Chine importe moins d’Énergies Fossiles ?

Analyse : Le contexte international, dont la guerre en Ukraine, pousse les prix de l'énergie et des matières premières à la hausse. Toutefois, cela n'explique pas entièrement les raisons qui poussent la Chine à importer moins de gaz et de pétrole. En outre, selon une étude de l'Oxford Institute for Energy Studies, la politique zéro-COVID du gouvernement chinois est la cause principale de cette diminution, mais pourquoi ?

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L’invasion de l’Ukraine par la Russie chamboule les marchés mondiaux de l’énergie. Les prix du pétrole et du gaz ont atteint des records. En outre, la reprise économique des pays occidentaux et le conflit en Ukraine provoquent une forte demande en énergie sur les marchés et donc une hausse des prix. Une des plus grandes économies au monde, la Chine, a toutefois vu sa demande en énergie fossile diminuer. Comment expliquer cela et quels sont les impacts de cette diminution de la consommation sur l’économie chinoise et les prix ? Energynews vous propose d’analyser ces situations avec l’aide d’une étude de 2022 réalisée par l’Oxford Institute for Energy Studies (OIES) et dirigée par Michal Meidan : « China’s diminished appetite for imported oil and gas : is the price not right ? »

Baisse de la consommation de pétrole et de gaz en Chine

Plusieurs raisons expliquent la baisse de la consommation récente de la Chine. Dans un premier temps, des pannes d’électricité ont eu lieu fin 2021 et les prix élevés ont pesé sur l’activité économique. Ensuite, le Nouvel An Lunaire, qui a eu lieu en février, engendre généralement une baisse de l’activité industrielle. De plus, les plans de réductions de la pollution atmosphérique hivernale combinés aux restrictions industrielles avant les Jeux Olympiques d’hiver présagent une faible activité économique et une faible demande d’énergie.

Toutefois, les restrictions liées à la pandémie de la COVID-19, dont les plus sévères se situent à Shanghai, pèsent lourdement sur l’activité économique. De surcroît, l’invasion de l’Ukraine par la Russie complique encore plus la situation. Par conséquent, les prix de l’énergie et des matières premières ont généralement augmenté et sont désormais très volatiles. Ainsi, la faiblesse de l’environnement macroéconomique a réduit l’appétit chinois pour des importations supplémentaires.

Impacts des restrictions de la COVID-19

Bien que le premier trimestre 2022 s’annonçait faible, les données macroéconomiques n’étaient pourtant pas trop sombres. En outre, l’économie a progressé de 4.8 % en termes réels en glissement annuel. Toutefois, ce sont les données d’avril qui ont permis de saisir l’impact des restrictions. L’étude d’Oxford démontre une chute brutale de l’activité des commerces de détail et des usines. Celle-ci constitue la pire depuis les premiers blocages de la COVID-19 en 2020. Aussi, la production d’électricité a diminué de 4 % en glissement annuel. Néanmoins, l’utilisation des énergies renouvelables a augmenté. La production d’acier a continué de baisser (-5 % en glissement annuel) et la production de ciment a chuté de 19 % en glissement annuel.

Selon Nomura, les restrictions affectaient plus de 300 millions d’habitants. Ce qui représente environ un tiers du PIB de la Chine (Evelyn Cheng, CNBC, 2022). L’exemple le plus représentatif est celui de Shanghai. La ville représente moins de 4 % de la capacité de raffinage de la Chine, 3 % de la consommation totale d’essence, 3 % de la consommation de diesel et 3,5 % de la demande de gaz naturel en Chine.

Néanmoins, ce sont les restrictions combinées dans plusieurs cités et provinces qui ont lourdement pesé sur les importations de pétrole et de gaz et la demande en Chine. Ainsi, le débit de raffinage a chuté en avril de près de 11 % en glissement annuel, soit la plus forte contraction de l’année à ce jour (OIES, 2022).

Consommation importante de pétrole brut provenant de pays sanctionnés

Comme nous l’avons vu, la faiblesse de l’activité économique chinoise pèse sur la demande de produits pétroliers. De même, les coûts élevés des importations compriment les marges. Et les contrôles stricts des exportations de produits, afin de lutter contre la pollution et d’assurer la sécurité énergétique, n’incitent pas les raffineurs à augmenter leur production.

Le schéma se complique. Durant le premier trimestre 2022, les acheteurs chinois ont stocké du brut sanctionné et à prix réduit. On entend par brut sanctionné, le pétrole venant de pays sous un régime de sanctions internationales comme la Russie, l’Iran ou le Venezuela. Ainsi, les stocks de la Chine se sont accumulés en janvier et en avril. Par conséquent, cela signifie qu’en février, les acheteurs chinois se sont abstenus d’acheter. Ceci alors que les producteurs du Golfe ont augmenté les prix de la formule pour les arrivés d’avril. En somme, bien que l’invasion de l’Ukraine par la Russie ait provoqué une flambée des prix, les barils sanctionnés ont continué de circuler avec des remises.

La disponibilité de brut à prix réduit a aidé les marges au premier trimestre 2022. Mais la faiblesse de la demande des utilisateurs finaux a conduit les raffineurs à stocker des produits. Sans débouchés pour les produits et avec une demande limitée de brut, les raffineurs ont réduit leur production et continueront probablement à la réduire jusqu’à la reprise de la demande. Néanmoins, les stocks de brut sont encore inférieurs au pic de juin 2020. L’OIES estime à près de 90 jours de couverture à terme, tous stocks confondus.

Et le gaz ?

Par ailleurs, la demande en gaz connaît une situation similaire. Les acheteurs chinois ont également stocké du gaz pendant l’hiver. Il est important de noter que l’industrie est la principale utilisatrice de gaz en Chine. Toutefois, un temps doux suivi d’une faible activité économique, freine la demande. Il faut ajouter que la flambée des prix internationaux du gaz et la disponibilité du charbon national, ainsi que des énergies renouvelables, ont limité l’appétit pour le GNL importé. Ce qui a entraîné la réexportation de certaines cargaisons.

Ces situations soulèvent la question de la sensibilité des acheteurs chinois aux prix. Les marchés du GNL et du pétrole devraient rester tendus et chers jusqu’à la fin de l’année. Sans surprise, les acheteurs chinois ont déjà réduit leurs achats de GNL au comptant. Ceci alors que certains nouveaux contrats sont désormais indexés sur le Henry Hub, plus compétitifs que les cargaisons spots. Les flux en provenance des États-Unis ont toutefois diminué au cours des premiers mois de l’année. L’Europe évince les autres acheteurs.

Les faibles achats de GNL sont-ils donc liés aux prix élevés ou à la faiblesse de la demande ? Selon l’étude, c’est probablement une combinaison des deux. Les achats au comptant représentent environ un tiers des importations totales de GNL de la Chine. Quand les prix mondiaux grimpent, les volumes importés se réduisent. Toute simplement parce que certains industriels réduisent leur consommation. Cependant, les prix sont contrôlés par l’État. Et au début du mois de mars, la Chine a augmenté ses prix de vente aux utilisateurs industriels de près d’un tiers. Ceci après avoir introduit davantage de ventes au comptant avant l’hiver.

Par conséquent, les prix intérieurs atteignent désormais des sommets. Ainsi, les industriels évitent le plus possible l’utilisation du gaz. Toutefois, la faiblesse de la demande facilite ce choix. Il en va de même pour le secteur de l’électricité qui, voyant sa facture de gaz augmenter, privilégie le charbon.

La Chine est loin d’abandonner sa politique zéro-COVID

Abandonner cette politique pourrait mener à la croissance. Et donc, à une augmentation de la demande en énergie due à la reprise de l’activité économique. Les chercheurs de l’étude d’Oxford ne voient pas de signe de modification de direction. En outre, environ 20 % des personnes âgées de plus de 80 ans en Chine ont reçu un rappel de vaccin COVID-19. Les autorités chinoises estiment qu’un relâchement de cette politique stricte entraînerait 1.5 million de décès (Zhao Lijian, 2022). Ainsi, ces chiffres alarmistes démontrent l’effet dévastateur qu’aurait la fin de la stratégie zéro-COVID, mettant le gouvernement chinois dans l’impasse.

Bien qu’il y ait certains assouplissements des confinements notamment à Pékin (AFP, 5 juin 2022), un revirement majeur reste improbable. Toutefois, la Chine peut modifier légèrement son discours face aux contestations liées à la hausse du chômage ou à la protestation des étudiants. Elle peut aussi se montrer rassurante sur la croissance économique en affichant un objectif de croissance du PIB de 5.5 % en 2022. Mais les restrictions se poursuivant, il est difficile de voir comment la Chine attendra son but. Par ailleurs, Goldman Sachs a récemment revu à la baisse ses prévisions de croissance du PIB de 4.5 % à 4 % pour l’année (Evelyn Cheng, 2022).

Zéro-COVID ne veut pas dire abandon de l’économie

Les responsables gouvernementaux soulignent le besoin de soutenir l’économie réelle. En cause, les chiffres élevés du chômage inquiètent et accélèrent les prises de décision afin de soutenir une reprise économique. Par exemple, le Premier ministre Li a donné des instructions pour aider les entreprises à conserver les emplois. Il exhorte aux sociétés de maintenir la production en respectant les mesures sanitaires. De même, il souhaite promouvoir les entreprises actives sur Internet (Bloomberg, 2022).

La Banque populaire de Chine tente d’aider les petites banques avec des prêts. Pour sa reprise économique, le gouvernement privilégie les projets d’infrastructure comme les aéroports régionaux, les trains urbains ou les oléoducs et gazoducs. Pourtant, les autorités locales consacrent d’énormes ressources financières aux tests, vaccins et contrôles de la COVID-19 risquant ainsi de limiter le développement des infrastructures.

Une possible reprise dès le troisième trimestre 2022

Les chercheurs de l’étude d’Oxford émettent l’hypothèse d’une reprise modeste dès le troisième trimestre 2022. Le quatrième trimestre devrait observer un rebond plus marqué selon eux. Concernant le gaz, ils estiment que les importations ne devraient reprendre que vers la fin de l’année. Au moment où l’économie se redressera légèrement et que les acheteurs chercheront à reconstituer leurs stocks avant l’hiver. Toutefois, l’étude souligne :

« Leur premier choix se portera sur les contrats de gazoduc et de GNL indexé sur le pétrole. Mais en fonction des conditions météorologiques et du besoin de stocks, nous prévoyons un besoin supplémentaire d’environ 4 milliards de m3 cette année, sur une augmentation de la demande de gaz de 20-25 milliards de m3 en glissement annuel en 2022. »

Quant à la demande de pétrole, elle atteindra environ 0,2 mb/j en glissement annuel, selon eux. Les importations reprendront également plus tard dans l’année. Les raffineurs limiteront leur production, surtout si les acheteurs continuent d’acheter des barils sanctionnés à prix réduit. L’étude mise sur une reprise axée sur le diesel. Dans ce cas, les raffineurs indépendants vendront leurs produits à prix réduit aux grandes entreprises et aux utilisateurs routiers. L’étude ajoute toutefois :

« Une autre série d’inspections fiscales et environnementales sur le secteur indépendant, cependant, serait le moyen pour les grandes entreprises de regagner des parts de marché plus tard dans l’année. Mais avec les objectifs 30-60 plus bas dans l’agenda politique que la stabilité et la reprise économique, 2022 semble être une autre bonne année pour les indépendants. »

Une Chine qui tourne au ralenti

En résumé, l’empire du milieu voit sa demande en énergie fossile frappée à la fois par les coûts internationaux, mais aussi par la faiblesse de la demande interne provoquée par la politique zéro-COVID. Celle-ci joue un rôle sans doute plus important dans la définition de la demande énergétique chinoise. Plusieurs mesures sont mises en place par la Chine afin de faire repartir l’économie. Elles inciteront probablement les acheteurs de l’énergie à revenir sur le marché à mesure que l’activité économique reprendra, même si les prix restent élevés.

Néanmoins, la priorité est de maintenir la propagation de la COVID-19 à tout prix et l’objectif de croissance du PIB de 5.5 % ne sera probablement pas atteint. Quel impact ces contextes ont sur les prix ? Il est difficile de tirer des conclusions. Toutefois, les résultats de l’étude indiquent quelques pistes de réflexion.

Dans un premier temps, l’étude démontre que pour les importateurs de pétrole, un marché à deux niveaux est en train d’émerger. Celui des bruts sanctionnés et celui des bruts non-sanctionnés, comme nous avons pu le voir. Néanmoins, en cette période de faible demande, les bruts sanctionnés comblent une partie du déficit. Toutefois, une fois l’économie repartie probablement dès le 3ème trimestre, la demande en énergie reprendra tout comme la consommation.

Enfin, les utilisateurs nationaux de gaz sont partiellement protégés. Ceci en raison des contrôles des prix nationaux. Pourtant, les industries souffrent des coûts élevés de gaz et de la faible demande. Les utilisateurs peuvent s’orienter vers d’autres sources énergétiques, comme le charbon, pour palier à la hausse du prix du gaz. Toutefois, dans le cas d’une reprise économique, les acheteurs se dirigeront probablement vers les achats de GNL pour se réapprovisionner et redémarreront ainsi les importations en énergie de la Chine. Par conséquent, la demande en GNL étant déjà tendue en raison de la forte demande européenne, les marchés subiront une pression encore plus grande dès 2023.

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