Une plainte contre TotalEnergies a été déposé par sept familles de victimes d’une sanglante attaque jihadiste à Palma, au Mozambique, en mars 2021. Ils ont mis comme motif « homicide involontaire et non-assistance à personne en danger ». À l’époque, le géant pétrolier français, qui était encore connu sous le nom de Total, menait un méga-projet gazier dans la région. Dans cet article, nous examinerons les détails de cette plainte et les accusations de négligence qui pèsent sur TotalEnergies.
L’attaque de Palma
L’attaque de Palma, revendiquée par le groupe Etat islamique, a débuté le 24 mars 2021 et a duré plusieurs jours. Elle a entraîné un nombre encore indéterminé de victimes parmi la population locale et les sous-traitants de TotalEnergies. Alors que les autorités mozambicaines n’ont fourni qu’un bilan d’une trentaine de victimes, une enquête indépendante menée par le journaliste Alexander Perry révèle un bilan bien plus lourd, avec 1 402 civils décédés ou disparus, dont 55 sous-traitants.
Plusieurs de ces sous-traitants s’étaient réfugiés dans l’Amarula Lodge, un hôtel à la sortie de la ville, qui a été assiégé pendant plusieurs jours par les jihadistes. Au moins sept personnes ont été tuées en tentant de s’enfuir en convoi. Total menait alors un méga-projet, Mozambique LNG, visant à exploiter un énorme gisement de gaz naturel et était implanté à une dizaine de kilomètres du centre de Palma. L’attaque a entraîné la suspension de ce projet, représentant un investissement total de 20 milliards de dollars. Le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a récemment exprimé son espoir de relancer le projet avant la fin de l’année.
Les accusations de négligence
Les plaignants reprochent à TotalEnergies d’avoir fait preuve de négligence en matière d’évaluation des risques, malgré les déclarations publiques de Patrick Pouyanné affirmant que la sécurité était une priorité pour la société. La plainte s’appuie sur deux rapports de sociétés de consulting en matière de risque, réalisés a posteriori, qui ont révélé l’absence de mesures de prévention. Les plaignants estiment que le danger était connu, car plusieurs villages avaient déjà été attaqués par le passé, et la menace jihadiste était réelle. En 2019, une entreprise concurrente de TotalEnergies, ExxonMobil, avait d’ailleurs renoncé à investir dans le projet et avait rapatrié son personnel.
En ce qui concerne la « non-assistance en danger », TotalEnergies est accusé d’avoir refusé de fournir du carburant à une société militaire privée sud-africaine, qui avait commencé à évacuer des personnes de l’Amarula Lodge par hélicoptère. Cette société a dû interrompre les évacuations faute de carburant.
Contexte régional et implications
L’attaque de Palma a marqué une intensification majeure dans la guérilla lancée en 2017 par des groupes jihadistes locaux, connus sous le nom d’al-Shabab. Les combats ont fait depuis plusieurs milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés dans la province de Cabo Delgado, riche en gaz naturel. Depuis juillet 2021, des milliers de soldats du Rwanda et de la Communauté de développement d’Afrique australe ont été déployés pour soutenir l’armée mozambicaine et ont contribué à reprendre le contrôle d’une grande partie de Cabo Delgado.
Il s’agit de la deuxième plainte au pénal visant le géant pétrolier français en quelques jours. Le 2 octobre dernier, quatre associations de défense de l’environnement ont déposé plainte contre le groupe et son projet pétrolier EACOP en Tanzanie et en Ouganda pour des accusations liées au changement climatique.
Analyse Finale
La plainte contre TotalEnergies concernant l’attaque jihadiste à Palma en 2021 soulève des questions cruciales sur la responsabilité de l’entreprise dans la sécurité de ses sous-traitants et l’évaluation des risques. Les plaignants accusent la société d’avoir négligé ces aspects, malgré des signes préexistants de danger. Cette affaire illustre l’importance de la diligence en matière de sécurité dans les opérations d’entreprises dans des zones à haut risque.
De plus, elle met en lumière les conséquences graves et tragiques des conflits dans des régions riches en ressources naturelles, où les intérêts économiques peuvent entrer en conflit avec la sécurité des populations locales. L’issue de cette plainte pourrait avoir des implications importantes pour la responsabilité des entreprises dans de telles situations.
Cette affaire souligne également l’importance croissante des questions environnementales et de sécurité dans le secteur de l’énergie, comme en témoigne la récente plainte liée au projet pétrolier EACOP. Les entreprises du secteur doivent être conscientes de leur impact sur l’environnement et la sécurité, et prendre des mesures appropriées pour les atténuer.
En fin de compte, cette plainte contre TotalEnergies illustre les défis complexes auxquels sont confrontées les entreprises opérant dans des contextes économiques et énergétiques sensibles.