Les huit pays de l’OPEC+ ayant mis en place des réductions volontaires ont approuvé samedi une augmentation de production de 547 000 barils par jour pour septembre, dépassant les attentes du marché qui tablaient sur 411 000 barils supplémentaires. Cette décision intervient dans un contexte de « fondamentaux de marché sains » selon l’organisation, mais soulève des interrogations sur l’équilibre futur entre offre et demande. L’Arabie Saoudite, la Russie, l’Irak, les Émirats arabes unis, le Koweït, le Kazakhstan, l’Algérie et Oman ont participé à cette réunion virtuelle qui n’a duré que 16 minutes selon un délégué. Cette rapidité témoigne d’un consensus préalable entre les membres sur la nécessité d’accélérer le retour de leurs barils sur le marché.
Une stratégie de sortie progressive face à la pression concurrentielle
La décision s’inscrit dans un plan de démantèlement progressif des 2,2 millions de barils par jour de réductions volontaires annoncées en novembre 2023, qui s’ajoutent aux 1,65 million de barils déjà coupés depuis avril 2023. Le groupe prévoit de restaurer complètement ces volumes d’ici septembre 2026, mais se réserve la possibilité de « pauser ou inverser » cette trajectoire selon les conditions de marché. Cette flexibilité apparaît cruciale alors que la production non-OPEC+ connaît une croissance sans précédent. Les États-Unis devraient ajouter 1,1 million de barils par jour entre 2024 et 2026, tandis que le Brésil, le Canada et le Guyana contribueront chacun environ 300 000 à 500 000 barils supplémentaires sur la même période.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit une croissance de la demande mondiale limitée à 720 000 barils par jour en 2025, bien en deçà des niveaux historiques. L’Inde remplace progressivement la Chine comme principal moteur de croissance, représentant 25% de l’augmentation mondiale de la consommation. La demande chinoise ne devrait croître que de 90 000 barils par jour en 2024, freinée par l’essor des véhicules électriques et l’utilisation accrue du gaz naturel liquéfié (GNL) pour le transport routier.
Des défis de conformité persistants
La question de la conformité reste épineuse pour l’alliance. L’Irak a surproduit de 1,44 million de barils par jour entre janvier et juillet 2024, tandis que le Kazakhstan et la Russie ont respectivement dépassé leurs quotas de 699 000 et 480 000 barils quotidiens. Ces trois pays ont soumis des plans de compensation révisés, promettant de compenser intégralement leurs surproductions d’ici septembre 2025. L’Irak fait face à des défis structurels particuliers avec la région autonome du Kurdistan qui produit indépendamment du gouvernement central de Bagdad.
Le respect de ces engagements demeure incertain au vu de l’historique de non-conformité de certains membres. La prochaine échéance du 18 août pour la soumission des plans de compensation révisés constituera un test important de la cohésion du groupe. Les analystes de Rystad Energy notent que la production irakienne, hors Kurdistan, atteignait déjà 3,99 millions de barils par jour en juillet, bien au-delà de son quota officiel de 4 millions.
Un marché pétrolier sous tension géopolitique
Les tensions croissantes entre Israël et l’Iran ajoutent une prime de risque géopolitique au marché. Le détroit d’Ormuz, par lequel transite environ 20% de l’approvisionnement mondial en pétrole, reste vulnérable aux perturbations potentielles. Goldman Sachs estime qu’une fermeture prolongée de ce passage stratégique pourrait pousser les prix du brut au-delà de 100 dollars le baril. Les attaques des Houthis en mer Rouge continuent de perturber les routes maritimes, forçant de nombreux pétroliers occidentaux à emprunter des trajets alternatifs plus longs et coûteux.
Les sanctions américaines contre la Russie et l’Iran compliquent également les flux commerciaux, bien que ces pays aient trouvé des acheteurs alternatifs en Asie, principalement en Chine et en Inde. La capacité excédentaire de l’OPEC, estimée à 4,6 millions de barils par jour en 2024, offre théoriquement un coussin de sécurité, mais la majeure partie de cette capacité se trouve dans le Golfe Persique et pourrait être inaccessible en cas de conflit majeur.
Des perspectives de prix sous pression
L’analyste Skip York du Baker Institute for Public Policy suggère que l’OPEC+ pourrait suspendre les augmentations après septembre, une fois passé le pic saisonnier de demande dans l’hémisphère nord. Cette hypothèse s’appuie sur les prévisions de surplus de 2 millions de barils par jour au quatrième trimestre selon S&P Global Commodity Insights, qui pourrait faire chuter le Brent à 58 dollars en décembre. La part de marché de l’OPEC+ devrait tomber à 46% en 2025-2026, contre 53% lors de la formation du groupe élargi en 2016.
Les contraintes budgétaires des pays producteurs compliquent l’équation. L’Arabie Saoudite nécessite un prix du pétrole proche de 86 dollars le baril pour équilibrer son budget selon le Fonds monétaire international (FMI), créant une pression pour maintenir des prix élevés tout en faisant face à la concurrence croissante. La prochaine réunion ministérielle complète de l’OPEC+ prévue le 30 novembre déterminera la stratégie à plus long terme du groupe face à ces défis multiples.