Le mystère entourant les problèmes de corrosion sur une partie des réacteurs nucléaires français commence peut-être à
s’éclaircir: il pourrait être lié à la conception des réacteurs les plus récents et ainsi épargner relativement les anciens, plus nombreux, selon le gendarme du secteur, qui reste prudent à ce stade.
Le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Bernard Doroszczuk, est revenu lors d’une audition devant des parlementaires sur ce dossier crucial, qui a pesé sur les finances d’EDF et fait craindre pour la sécurité d’approvisionnement électrique du pays.
Corrosion sur les réacteurs les plus récents
“À ce stade, au titre de la corrosion sous contrainte, EDF a procédé à la mise à l’arrêt ou à la prolongation d’arrêts programmés de 12 réacteurs pour expertise approfondie et le cas échéant réparation”, a-t-il souligné.
Ces problèmes de corrosion ont été détectés ou soupçonnés au niveau de soudures des coudes des tuyauteries d’injection de sécurité (RIS) – qui permettent de refroidir le réacteur en cas d’accident – reliées au circuit primaire. Cette corrosion dite “sous contrainte” se traduit par des petites fissures.
Dans le détail, il s’agit des quatre réacteurs les plus récents et les plus puissants (1.450 MW), dits du palier N4, de cinq parmi les 20 réacteurs de 1.300 MW et de trois des 32 réacteurs de 900 MW.
“À ce stade, les réacteurs du palier N4, ceux de Civaux et de Chooz, sont les plus affectés et sont plus affectés que les réacteurs du palier 1.300 MW.
Et au vu des résultats d’expertise menés sur un certain nombre de réacteurs de 900 MW, il semble que ces réacteurs soient peu voire pas affectés par le phénomène à ce stade”, a indiqué M. Doroszczuk.
Les analyses “semblent à ce stade privilégier une cause prépondérante, qui est liée à la géométrie des lignes des tuyauteries”, a-t-il poursuivi. Les réacteurs les plus anciens (900 MW) ont en effet été construits selon une conception directement héritée du groupe américain Westinghouse, tandis que les modèles suivants ont été “francisés” et s’écartent de ce modèle initial.
“Si cette hypothèse était confirmée, elle pourrait expliquer pourquoi les réacteurs les plus anciens ne sont pas ou peu affectés”, a fait valoir M. Doroszczuk.
“signaux positifs mais…”
Il a aussi précisé qu’EDF avait remis sa stratégie de contrôle sur l’ensemble du parc “vendredi dernier”. Des inspections seront en outre effectuées lors de visites décennales prévues sur certains réacteurs cette année.
EDF a par ailleurs expertisé 35 soudures qui ont fait l’objet de découpes et veut en expertiser plus de 105 supplémentaires d’ici la fin juin, ce qui permettra alors d’en savoir plus sur le phénomène.
Sur son parc de 56 réacteurs, EDF en compte actuellement 29 à l’arrêt. Ce n’est donc qu’une partie, certes significative, qui est indisponible pour les problèmes de corrosion.
Mais ce problème inattendu peut théoriquement laisser craindre le scénario cauchemardesque d’un défaut dit “générique”, c’est-à-dire concernant l’ensemble du parc français, menaçant la sécurité d’approvisionnement du pays.
Est-ce que les réacteurs de 900 MW sont désormais à l’abri d’un arrêt l’hiver prochain en lien avec ces défauts? “Ça reste à voir”, répond le président de l’ASN, prudent: “pour l’instant il y a des signaux positifs mais il y a un échantillon d’investigation qui est encore très faible sur les réacteurs de 900 MW” et “on ne peut pas garantir qu’il n’y aura pas la découverte de nouveaux phénomènes”.
“Si les résultats des contrôles réalisés en visite décennale mettaient en évidence des défauts d’ampleur, il faudrait ajuster la stratégie et peut-être prévoir la mise à l’arrêt de précaution de réacteurs supplémentaires”, a-t-il mis en garde.
L’un des réacteurs de 900 MW, celui de Chinon B3, a fait l’objet de découpes et le phénomène de corrosion redouté n’a pas été détecté sur le circuit RIS. En revanche, il y a eu une “indication” sur un autre circuit moins crucial, celui de refroidissement à l’arrêt…