La décision sur les choix énergétiques de la France “n’est pas prise”, insiste Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP), qui souligne l’importance que les opinions s’expriment et soient entendues sur ce sujet.
Les débats prévus à partir de jeudi sur d’éventuels futurs réacteurs nucléaires, mais aussi une concertation plus large organisée par le gouvernement sur l’énergie, doivent “permettre au public de participer à l’élaboration de la décision” qui sera ensuite votée par le Parlement, dit à l’AFP l’ancienne ministre de l’Ecologie.
Q: A quel(s) débat(s) les Français pourront-ils participer, alors que les parlementaires doivent commencer à élaborer au printemps prochain la loi sur l’avenir énergétique du pays ?
Chantal Jouanno: “Nous avons été saisis par EDF en 2021 pour du conseil sur l’élaboration de notre saisine sur le nouveau (programme) nucléaire. On a vu que le dossier avançait vite. Cela nous a amenés à émettre une recommandation, indiquant qu’avant tout débat public sur un projet de construction de réacteurs, il serait opportun que la question de la place du nucléaire dans le mix énergétique soit mise en débat. Le gouvernement a donné suite et dit qu’il allait organiser cette concertation nationale (qui a démarré le 20 octobre, ndlr). Quant au débat public sur la relance du nouveau nucléaire et notamment les projets d’EPR à Penly, il va s’ouvrir le 27 octobre.”
Q : Vous serez cependant garant de la concertation gouvernementale sur le futur bouquet énergétique de la France. Qu’est-ce que cela signifie ?
Chantal Jouanno: “Le gouvernement nous a saisis pour un avis méthodologique sur comment mettre en débat cette question auprès de l’ensemble de la population. La CNDP garantira au public la sincérité de la démarche: le fait que toutes les informations seront sur la table, qu’elles n’émaneront pas que de l’Etat, et le fait que chacun puisse s’exprimer s’il le souhaite. Le dernier point sera de garantir une restitution dans des conditions de neutralité. Ce travail d’analyse des données est l’un des plus importants: c’est ce qui avait fait défaut par exemple sur le Grand débat” (organisé par le gouvernement après le mouvement des Gilets jaunes, ndlr).
Q : Comment attirer un public le plus large possible aux débats, au-delà des experts ?
Chantal Jouanno: “C’est le coeur du sujet (…) Dans l’histoire des débats publics, l’affluence a été très variable: dans les cas où la loi était votée avant même le débat, évidemment le grand public se disait que ça ne servait à rien. Mais aujourd’hui, on n’est pas dans ce cas, le sujet est sur la place public et l’intérêt très partagé. Ce débat a vocation à permettre au public de participer à l’élaboration de la décision, et notre priorité est que les parlementaires puissent recevoir et prendre en compte tout ce qui a été dit. On insiste lourdement sur ce point: c’est le projet de loi énergie et climat qui sera le juge de paix.
Certains nous disent +le gouvernement a tout décidé puisqu’il l’a déjà annoncé+. En fait, rien n’est décidé. Et on sait que le Parlement aujourd’hui a de plus en plus d’indépendance par rapport au pouvoir exécutif, compte tenu de sa composition. Le jeu est ouvert, et les conclusions peuvent être un appui pour
les parlementaires. Enfin, la mobilisation va aussi dépendre – pardon de mettre un peu les
pieds dans le plat – de la manière dont les politiques vont retransmettre l’existence de ces débats.
Si la Première ministre et les ministres disent +on a envie de vous entendre et d’élaborer notre projet de loi en fonction de ce que vous allez dire+… c’est aussi ce qui va inciter les personnes à participer. Il faut que les décideurs, qui sont les premiers concernés dans ces débats, montrent leur intérêt.”