Novatek Ob Project du Russe Novatek constitue au départ un grand projet de production de gaz naturel liquéfié dans le cercle arctique. Mais fin mars, le producteur Russe de gaz naturel Novatek a décidé de transformer le projet en usine hydrogène. Ce changement de direction traduit une volonté croissante de la part de la Russie de miser sur cette technologie. Le pays possède en effet un potentiel intéressant pour devenir un acteur majeur des futurs marchés de l’hydrogène.
Novatek Ob Project, du gaz à l’hydrogène
L’un des grands projets de GNL en Arctique
Le Novatek Ob Project faisait partie au départ des grands projets de gaz naturel liquéfié (GNL) Russes en Arctique. Avec Yamal LNG et Arctic LNG, le projet représentait le troisième pilier de la stratégie GNL de Novatek dans cette région. Le site devait produire près de 5 millions de tonnes de gaz par an à partir de 2025.
Le projet avait même été acté par un contrat de 130 millions d’euros signé avec Siemens et Kazancompressormash. Les trois compagnies avaient paraphé le contrat à l’été 2020 en compagnie du ministre de l’Énergie Russe Alexander Novak. Pourtant, Novatek a décidé récemment de renier ce contrat et de négocier avec l’allemand Linde pour produire de l’ammoniac.
Devenu un projet d’ammoniac
Ce changement de direction s’explique en partie par les problèmes rencontrés par l’entreprise Russe dans la liquéfaction de son gaz. La compagnie souhaite en effet utiliser sa propre technologie, l’Arctic Cascade, mais celle-ci subit des retards importants. Le 4ème train de liquéfaction de Yamal LNG se retrouve ainsi arrêté suite à des performances décevantes de cette technologie. Le projet Ob risquait de subir le même sort d’où la stratégie de substitution vers l’hydrogène promue par Novatek.
L’entreprise Russe se trouve également attirée par les perspectives prometteuses de l’hydrogène et de l’ammoniac en particulier. Selon McKinsey, le marché global de l’hydrogène pourrait représenter près de 18 % de la consommation finale d’énergie en 2050. 24% selon BloombergNEF.
L’ammoniac est d’autant plus intéressant qu’il s’agit pour l’heure de la solution de transport la plus avantageuse pour l’hydrogène. En d’autres termes, ce produit chimique peut jouer un rôle clé dans le développement de cette technologie à l’avenir.
Premier pas vers un changement de paradigme en Russie
Une baisse annoncée de la demande mondiale de gaz et de pétrole
Au-delà de la compagnie Russe, le Novatek Ob Project symbolise un changement stratégique pour la Russie. Depuis plusieurs années, Moscou s’était en effet enfermé dans une politique de soutien aux énergies fossiles. Dans son plan Energy Strategy 2035, la Russie misait ainsi sur une hausse continue de la demande pétrole d’ici 2040. De même, le gaz devait voir sa demande exploser du fait de son rôle d’énergie de transition.
Cependant, plusieurs éléments récents ont remis en cause cette vision stratégique. D’une part, la demande chinoise de pétrole devrait probablement atteindre son pic dès 2030. D’autre part, les annonces récentes de neutralité carbone en Chine et en Europe limitent sérieusement les perspectives d’exportation de gaz.
L’hydrogène pour rester compétitif
C’est pourquoi la Russie se tourne de plus en plus vers la production d’hydrogène afin de rester compétitive. Étant l’un des premiers producteurs d’hydrogène dans le monde, le pays détient plusieurs atouts dans ce domaine. Il possède notamment une expertise et un savoir-faire reconnu dans l’utilisation du vaporeformage (SMR) et dans le traitement de l’hydrogène.
Dès juin 2020, la Russie a établi l’objectif d’exporter 200.000 de tonnes d’hydrogène d’ici 2024 et 2 millions en 2030. Quelques mois plus tard, un plan d’action est formalisé par le gouvernement en vue d’atteindre les objectifs fixés pour 2024. Au début de cette année, la Russie a intensifié ses efforts en créant un groupe de travail sur l’hydrogène. Ce groupe se compose des principales compagnies Russes comme Gazprom, Rosatom ou Novatek.
La Russie, future superpuissance de l’hydrogène ?
L’atout des réserves de gaz
Afin de devenir leader sur les marchés de l’hydrogène, la Russie pourra compter sur ses immenses réserves de gaz. Celles-ci sont les premières du monde représentant 56 années de production selon BP. Comme le montre Novatek Ob Project, le gaz constitue une matière première compétitive pour fabriquer des produits à base d’hydrogène. Surtout, la Russie possède un nombre important de gazoducs d’exportation pouvant être modernisés pour transporter de l’hydrogène.
L’annonce récente par Gazprom d’utiliser potentiellement le Nord Stream 2 pour des projets hydrogène s’inscrit dans cette tendance. L’enjeu pour la Russie sera néanmoins de décarboner sa production grâce à des technologies de capture et stockage de CO2 (CCUS). Il en va notamment de ses exportations potentielles vers l’Europe suite à la mise en place de la taxonomie européenne. Celle-ci impose notamment que l’hydrogène soit entièrement décarboné avant d’être importé sur le continent.
Une abondance de ressources en énergies renouvelables
La Russie peut compter également sur une abondance de ressources en énergies renouvelables. Le pays possède ainsi les plus grandes ressources solaires, les secondes sur l’éolienne et les quatrièmes sur l’hydroélectricité. Cela lui donne un potentiel intéressant en matière d’hydrogène vert issu d’électrolyse de l’eau.
Ce potentiel est d’autant plus intéressant que le pays détient d’immenses réserves minières servant à la production d’électrolyseur. La Russie possède ainsi les troisièmes réserves mondiales de terres rares et les quatrièmes pour le cuivre et le nickel. Malheureusement, les ressources renouvelables restent aujourd’hui peu mises en valeur par le gouvernement Russe. L’éloignement de ces ressources des centres urbains pèse notamment sur leur développement.
Le Novatek Ob Project représente donc une étape importante pour le développement de l’hydrogène en Russie. Moscou compte ainsi sur cette technologie afin de mettre en valeur ses réserves gazières dans un contexte de transition énergétique. L’hydrogène bleu issu du couplage du gaz et des technologies de capture de C02 pourraient en effet rapidement se développer. Pour la Russie, l’interrogation sera de savoir si le pays compte promouvoir ses énergies renouvelables pour fabriquer de l’hydrogène vert.