Newcleo, une entreprise spécialisée dans le développement de petits réacteurs modulaires (SMR) alimentés par des déchets nucléaires revalorisés, a récemment levé 135 millions d’euros auprès de nouveaux investisseurs, dont le fonds de pension italien Inarcassa et le fonds de capital-risque Exor Seeds de la famille Agnelli. Ce nouveau tour de table porte le total des fonds levés par la société à plus de 535 millions d’euros depuis sa création en 2021. Cette levée de fonds coïncide avec le transfert de son siège social de Londres à Paris, une décision qui vise à renforcer sa présence en Europe et à faciliter l’accès à des financements institutionnels européens.
Cette relocalisation stratégique ouvre à Newcleo la possibilité de bénéficier de subventions et d’aides spécifiques aux entreprises françaises, ainsi que de s’ancrer davantage dans un environnement réglementaire et industriel favorable à l’énergie nucléaire. Selon Stefano Buono, PDG de Newcleo, cette décision permet de mieux aligner l’entreprise avec les exigences de financement de Bpifrance, la banque publique d’investissement française, qui impose aux sociétés soutenues d’avoir une base opérationnelle en France.
Objectifs ambitieux et investissements à long terme
Newcleo a déjà annoncé des projets de grande envergure en France, notamment la construction d’un prototype de réacteur d’ici 2031 et la mise en place d’une usine de traitement de déchets nucléaires revalorisés d’ici 2030. La société espère ainsi proposer une alternative crédible et durable aux technologies nucléaires conventionnelles, en capitalisant sur la sécurité et la modularité de ses réacteurs. L’idée est de réduire les coûts d’installation initiaux et de minimiser les risques inhérents à ce type de projets énergétiques, un enjeu clé pour le secteur nucléaire européen en quête de solutions plus flexibles et moins coûteuses.
En parallèle, la startup continue de renforcer ses activités en Italie, où elle prévoit d’investir 133 millions d’euros entre 2025 et 2027 dans un centre de recherche et développement dédié aux matériaux nucléaires en partenariat avec l’Istituto Italiano di Tecnologia (Institut Italien de Technologie). Ce centre, situé à Turin, sera un pilier central du développement de la technologie des SMR, en travaillant sur l’optimisation des matériaux pour les futurs réacteurs et en soutenant les programmes de R&D de Newcleo en Europe.
Le soutien des institutions et la perspective d’un marché européen en croissance
Le soutien institutionnel en France est crucial pour Newcleo, qui a déjà obtenu une subvention de 20 millions d’euros de Bpifrance pour son projet de prototype de réacteur. Cette aide pourrait être renforcée par une prise de participation minoritaire de la banque publique dans les mois à venir, alors que Newcleo cherche à finaliser une levée de fonds d’un milliard d’euros pour accélérer ses projets européens. La stratégie de la société consiste à sécuriser un écosystème complet pour ses opérations, allant de la gestion des déchets à la production d’énergie, tout en s’appuyant sur des partenariats avec des acteurs industriels locaux et des organismes de recherche.
L’environnement politique évolue également en faveur de Newcleo. En Italie, le gouvernement a annoncé son intention de réviser d’ici 2025 les réglementations interdisant l’utilisation de nouvelles technologies nucléaires, ouvrant potentiellement la voie à un retour du nucléaire dans le mix énergétique national. Cette évolution pourrait placer l’Italie en position de force pour bénéficier des technologies de réacteurs de nouvelle génération développées par Newcleo, offrant ainsi une opportunité de diversification énergétique tout en respectant les engagements de décarbonation européens.
Défis et perspectives pour l’avenir
Bien que l’entreprise soit bien financée et soutenue par de nombreux investisseurs, dont des fonds de pension et des entreprises d’ingénierie, elle fait face à plusieurs défis. Le premier concerne la montée en puissance de la technologie des SMR, qui nécessite non seulement des efforts de R&D soutenus mais aussi une validation réglementaire dans plusieurs pays européens. À cela s’ajoutent les enjeux liés à la gestion des matières premières, notamment la disponibilité du plutonium, nécessaire au fonctionnement de ces réacteurs. La décision de recentrer ses activités en France a été partiellement influencée par le refus du gouvernement britannique de céder des stocks de plutonium à Newcleo pour ses projets initiaux.
Néanmoins, la société a réussi à sécuriser une position stratégique en France, un pays disposant de ressources en déchets nucléaires et d’un savoir-faire unique dans ce domaine. Newcleo s’est donné pour objectif de commercialiser ses premiers réacteurs à partir de 2033, avec une ambition de déploiement à l’échelle européenne. Si l’entreprise parvient à atteindre ces objectifs, elle pourrait transformer la manière dont le nucléaire est perçu en Europe, en faisant de cette technologie non seulement une solution viable mais aussi un levier majeur de la transition énergétique du continent.
Newcleo se positionne comme un acteur clé de l’innovation nucléaire en Europe, avec une stratégie claire de diversification géographique et un solide soutien financier. Sa capacité à naviguer dans un environnement réglementaire complexe et à attirer des financements institutionnels sera déterminante pour le succès de ses projets et le futur du secteur nucléaire européen.