La neutralité carbone en 2050 ne pourra être atteint si le monde compte exclusivement sur le développement technologique déclare l’Agence internationale de l’Énergie (IEA). Un changement rapide des comportements est donc indispensable.
La neutralité carbone en 2050 et l’illusion d’une rupture technologique
En octobre l’IEA publiait un article répondant à la question : devons-nous changer notre comportement pour atteindre la neutralité carbone ? Ou autrement formulé : La technologie nous épargne-t-elle de changer nos comportements ? La réponse est non.
Dans son scénario « Net Zero Emissions by 2050 » (NZE), l’IEA a recensé 46 technologies nécessaires à un avenir sans GES. Sur les 46, seulement deux sont en voie d’atteindre leurs objectifs : la voiture électrique et l’éclairage LED.
L’hydrogène et la capture du carbone ne sont pas suffisamment développés
Si les batteries, l’hydrogène ou les capteurs de CO2 connaissent un développement accéléré il reste insuffisants pour répondre aux besoins. Quant aux autres secteurs les progrès sont minimes, voire inexistants. L’aviation, l’isolation et les carburants alternatifs sont des exemples patents de cet échec annoncé.
Tout porte à croire que la tant attendue rupture technologique n’aura pas lieu. Les rêves de batterie infinie et de fusion nucléaire ne sont pas pour demain. Pour l’IEA, si la technologique n’est pas au rendez-vous, c’est la demande en énergie qui doit évoluer.
Le dilemme de l’offre et de la demande
Les politiques publiques se sont jusqu’à présent attaché à une gestion de la crise climatique essentiellement par l’offre. En encourageant les technologies bas carbone, l’espoir était de proposer des alternatives aux hydrocarbures sans impacter les modes de vie.
Les initiatives pour limiter la consommation d’énergie restaient de l’ordre du volontariat. Malheureusement ces alternatives peinent à remplir leurs objectifs et sont surtout incapables d’absorber la hausse constante de la consommation d’énergie. En quarante ans, la demande a doublé, augmentant avec elle les émissions de GES.
La gestion par l’offre aggrave le problème environnemental
Pire encore, cette logique de gestion de la transition par l’offre a aggravé le problème. Car si les technologies bas carbone atténuent effectivement la production de GES, elles dépendent toujours d’électricité et de ressources naturelles.
La transition rentre alors dans un cercle vicieux ou les technologies vertes stimulent la demande en matières premières et infrastructure. Le déficit qui en résulte est alors comblé par toujours plus de détérioration sur l’environnement.
On peut citer en exemple l’artificialisation accéléré des sols pour la production de biocarburant, d’énergie éolienne ou solaire. La dégradation des sols pour l’extraction du lithium et l’assèchement des réserves en eau pour la production de batteries.
Il faut donc gérer la demande
Pour l’IEA, la cause n’est pas tant l’inefficience des innovations, mais la croissance incontrôlée de la demande. Les nouvelles technologies ne se développent pas assez vite pour compenser la hausse de la consommation. Pousser l’adaptation de l’offre sans réguler la demande ne reviendrait qu’à une fuite en avant désastreuse et sans fin.
Une gageure pour certain mais qui n’est pas impossible selon l’Agence. La pandémie de la covid-19 a bien montré que dans l’adversité les populations étaient prêtes à changer radicalement leurs habitudes. Alors que les longs processus d’adaptation des infrastructures ont tendance à être en retard sur les objectifs.
Les changements de comportements ont des effets bien plus rapide et radicaux. La simple limitation des thermostats à 20 °C réduirait de 10% les émissions issues des chaudières à combustible fossile d’ici à 2030. Pour l’IEA, le changement d’habitude est donc une étape indispensable pour atteindre la sobriété énergétique. Sans cela, la course aux technologies vertes ne restera qu’un palliatif à un problème de consommation effrénée.
Inciter à moins consommer
Réfréner la consommation énergétique n’a rien de simple tant le niveau de prospérité est indexé à l’accès à l’électricité ou au carburant. Le mouvement des gilets jaunes est une parfaite illustration de l’aversion que peut générer une limitation de l’accès à l’énergie.
Il est donc nécessaire d’apporter une politique incitative et des alternatives abordables pour encourager les changements de comportement. En cela le rôle des États est crucial.
Ces politiques peuvent passer par des investissements dans des infrastructures déjà maitrisées. En France, l’État s’est engagé à investir massivement dans le rail pour remplacer les vols intérieurs. Parallèlement, le gouvernement envisage de libéraliser l’accès aux panneaux solaires pour faciliter l’autonomie énergétique des bâtiments.
Des politiques font leurs preuves aux 4 coins du monde
Aux États-Unis, le gouvernement banalise les recharges pour voitures électriques. Des politiques d’incitation pour changer les comportements ont aussi fait leur preuve. En Colombie, chaque employé peut profiter d’un jour de congé payé par mois à condition de venir travailler en vélo. Au Japon, la campagne « Cool Biz » incite depuis 2005 à réduire l’usage des climatiseurs en s’habillant plus légèrement en été.
Face à l’augmentation de l’offre, l’IEA prône plutôt la gestion de la demande. La sobriété énergétique est donc tout aussi importante que la réduction des émissions de GES des sources énergétiques.