Naftogaz s’oppose au projet qui la priverait du monopole sur le passage du gaz russe vers l’Europe. En accord avec leurs alliés ukrainiens, les États-Unis s’opposent également à l’achèvement du gazoduc. Ils sont cependant contraints par la nécessité de préserver leurs relations avec l’Allemagne partie prenante du projet.
Naftogaz voit ses revenus menacées
Les frais du transit gaziers de la Russie vers l’Europe représentent un revenu conséquent pour Naftogaz. l’entreprise étant la compagnie publique ukrainienne, le gouvernement aussi voit ses revenus menacées. Or la mise en service de Nordstream 2 rendrait en effet obsolète cette voie d’approvisionnement.
Yuri Vitrenko, le directeur général de Naftogaz a déclaré que l’Ukraine avait besoin des dizaines de milliards de dollars de frais de transit du gaz pour opérer une transition vers un secteur énergétique plus vert d’ici à 15 ans. Le président ukrainien Volodymyr Zelenskiy dénonce quant à lui un projet géopolitique hostile. Initié par la Russie qui menace directement son pays.
Offensive diplomatique du gouvernement ukrainien
L’Ukraine lance alors une offensive diplomatique à l’encontre de Nord Stream 2. Avant les pourparlers Poutine-Merkel du vendredi 20 août 2021, la société Naftogaz a déclaré que le projet enfreignait les réglementations de l’Union Européenne (UE). Un porte-parole de la Commission européenne a déclaré que Nord Stream 2 n’était pas un projet d’intérêt européen commun.
Mais la Commission affirme que, s’il était construit, le gazoduc devrait fonctionner « de manière transparente et non discriminatoire ». Conformément au droit international et européen de l’énergie. Un tribunal régional allemand devrait décider le 25 août si les règles de l’UE en matière de transit énergétique doivent être appliquées au gazoduc Nord Stream 2.
L’Ukraine en appelle à son allié américain
L’Ukraine en appelle également à son allié américain pour qu’il intervienne. Le président ukrainien devrait donc soulever la question lors d’une visite aux États-Unis plus tard ce mois-ci. Le président devrait ainsi faire pression pour des sanctions efficaces contre la liaison gazière.
L’administration Biden prend de nouvelles sanctions
L’administration Biden a imposé vendredi 20 août 2021 des sanctions à deux sociétés impliquées dans la construction du gazoduc. Le Secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré dans un communiqué que l’administration avait désormais sanctionné sept entités et identifié 16 de leurs navires comme des biens bloqués en vertu des lois sur les sanctions adoptées par le Congrès.
Pourtant, les opposants au projet ont déclaré que ces mesures n’étaient pas suffisantes pour l’entraver.
« La seule chose qui peut empêcher NS2 de devenir opérationnel est de lever les dérogations et de sanctionner (…) Nord Stream AG », a déclaré Daniel Vajdich président de Yorktown Solutions. Cette société de conseil assiste Naftogaz sur ces problématiques.
Ménager l’Allemagne
En effet, en mai 2021, le département d’État américain a levé deux sanctions concernant Nord Stream 2 AG. Il s’agit de la société à l’origine de la construction du gazoduc dirigé par Matthias Warning, un soutien de Poutine. Ce revirement du président Biden s’explique notamment par la nécessité de conserver de bonnes relations avec l’Allemagne.
Le pays est partie prenante du projet puisqu’il devrait doubler ses importations de gaz russe. En effet, les États-Unis ont besoin du soutien de la plus grande économie d’Europe sur de nombreux dossiers.
L’Allemagne et la Russie cherchent à rassurer l’Ukraine
L’Allemagne cherche donc à rassurer ses partenaires américain et ukrainien. Le mois dernier, les États-Unis et l’Allemagne ont dévoilé un accord en vertu duquel Berlin s’engage à imposer des sanctions à la Russie si elle utilise l’énergie comme arme contre l’Ukraine et d’autres pays d’Europe centrale.
Le pacte ne détaillait pas les actions russes spécifiques qui déclencheraient un tel mouvement. De plus, l’Allemagne assure qu’elle utilisera « tous les leviers disponibles » pour prolonger de 10 ans l’accord de transit gazier Russie-Ukraine qui expire en 2024. Le pays contribuera également à hauteur de $175 millions à un nouveau « Fonds vert pour l’Ukraine » de $1 milliard visant à améliorer l’indépendance énergétique du pays.
La Russie fait de même
De son côté, la Russie se dit prête à prendre des mesures de rétorsion en réaction aux sanctions américaines. Néanmoins, le ton était plus apaisé vendredi 20 août 2021 lors de la visite de la chancelière allemande Angela Merkel au Kremlin. Poutine a déclaré que la Russie prévoyait de se conformer pleinement à ses obligations en matière de transit du gaz via l’Ukraine.
De même, le président russe s’est dit favorable à la poursuite du transit gazier via l’Ukraine après 2024. Et ce, en fonction de la quantité de gaz commandés par les partenaires européens.
Le projet est presque achevé
Quoi qu’il en soit, le gazoduc semble en voie d’achèvement avec seulement 15 km restant à construire. Selon ClearView Energy Partners, un groupe de recherche non partisan basé à Washington, le gazoduc pourrait être achevé d’ici au 3 septembre 2021. De plus, le marché européen du gaz attend avec impatience les flux russes via Nord Stream 2. En effet, le prix du gaz européen a atteint des niveaux records en raison de la faiblesse des approvisionnements en GNL.
La prochaine échéance majeure du projet sera sans doute la signature de contrats d’approvisionnement entre la Russie et les pays européens concernés. Il semble en effet que plus la quantité sera importante, plus la Russie sera disposée à faire transiter une partie du gaz par l’Ukraine selon Vladimir Poutine. La campagne européenne en matière d’énergie verte aura aussi un impact probable sur les négociations à venir.