articles populaires

Marché du Carbone : Climat et Concurrence en 2021

La hausse des prix des quotas d'émission de CO2 sur le marché du carbone européen, due à la spéculation, risque de nuire à la compétitivité des industries et de perturber les coûts de production, nécessitant des réformes pour remédier à cette situation.

Partagez:

Le marché du carbone européen est en pleine mutation depuis que l’UE a durci ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les prix du carbone atteignent donc des sommets depuis le début de l’année. Or, cela pourrait être mauvais pour la compétitivité. D’autant que la spéculation sur ce marché pourrait perturber gravement les coûts de production.

Marché du carbone pour accélérer la réduction des émissions de GES

Le marché du carbone a été mis en place pour accélérer la réduction des émissions de gaz a effet de serre. Dans ce système d’échange de quotas d’émission de CO2, les émissions de gaz à effet de serre sont plafonnées. Les autorités allouent des quotas correspondants à ces plafonds. Les organisations achètent et vendent ces quotas en fonction de leurs besoins.

Au niveau de l’Union Européenne, si les objectifs fixés ont bien pour but la réduction des émissions, ils ont également contribué à faire bondir les prix des quotas (+50% depuis janvier 2021). Les fonds d’investissement nourrissent également cette hausse spectaculaire.

Comprendre le marché du carbone

Le marché du carbone fonctionne ainsi qu’une organisation publique (l’Union européenne, l’ONU, l’État) décrète, pour les installations industrielles et centrales électriques, un niveau d’émissions de carbone à ne pas dépasser. Pour cela, elles leur allouent des quotas d émissions correspondants à ce plafond (1 quota = 1 tonne de CO2). À la fin de l’année, les industriels doivent prouver qu’ils ont respecté le plafond fixé.

Cependant, le plafond étant plus bas que ce que les installations émettent actuellement, il y a deux options. L’organisation qui dépasse son plafond (donc émet plus de CO2 que ce qui lui est autorisé) doit acheter des quotas manquants. Inversement, les entreprises et industries qui ont réussi à réduire leurs émissions peuvent revendre les quotas qu’ils n’ont pas utilisé.

Un système né de la lutte contre la destruction de la couche d’ozone

Le marché carbone est donc le lieu où s’échangent les droits d’émissions de gaz à effet de serre. C’est à la suite du Protocole de Montréal relatif aux substances appauvrissant la couche d’ozone (1987) que les systèmes d’échange de crédits carbone ont vu le jour.

Le Protocole de Kyoto entrée en vigueur en 2005 a largement favorisé le système d’échange de quotas. En tant qu’outil de politique publique, il vise à inciter les industries à réduire leurs émissions en réduisant leur consommation d’énergie ou en investissant dans des technologies bas carbone. C’est le principe du pollueur-payeur.

Marché du carbone
Le sommet de Kyoto en 1997 (source : AFP).

 

Compenser en finançant des projets visant à réduire d’autres émissions de CO2

En outre, il est possible de compenser les émissions. Cela fonctionne sur le principe d’universalité du CO2 (carbone). Ce principe veut que le CO2 se diffuse dans toute l’atmosphère, quel que soit le lieu de son émission.

Ainsi l’objectif de la compensation carbone est de contrebalancer les émissions de carbone non évitables en finançant des projets visant à réduire d’autres émissions de CO2. Ce processus est donc mis en place lorsqu’une organisation ne peut pas réduire ses propres émissions de gaz à effet de serre pour atteindre ou s’approcher de la neutralité carbone.

Si elle concerne principalement les émissions de CO2, elle s’applique également à d’autres gaz à effet de serre, comme le protoxyde d’azote ou le méthane, par exemple.

Un moyen parmi d’autre de déterminer un prix du carbone

d’autres moyens en parallèle du marché permettent de déterminer un prix pour le carbone en tant qu’externalité négative.

Les taxes carbone, par exemple, permettent de taxer les industriels en proportion des émissions engendrées par la production de biens et services. Cette taxe, en étant reportée sur le consommateur final, fait augmenter le prix de ce bien ou service. Cela a pour effet de favoriser le produit le moins cher, donc celui ayant engendré le moins de pollution.

Marché du carbone européen : le système d’échange de quotas d’émissions de l’UE

Les échanges de quotas se font soit de gré à gré entre les industriels, soit sur des marchés spécifiques. Au sein de l’Union Européenne (UE) et de l’Espace Economique Européen, le marché s’appelle le Système communautaire d’échange de quotas d’émission (SEQE).

L’UE créée le SEQE en 2005 dans le cadre de la ratification du Protocole de Kyoto. Venant d’entrer dans sa quatrième et dernière phase (2021-2030), il couvre 45% des émissions de gaz à effet de serre de l’UE et s’applique à plus de 12.000 installations industrielles et énergétiques.

Atteindre l’objectif de 55% de réduction des émissions de CO2 de l’UE d’ici à 2030

Dans les premières phases du SEQE, chaque État mettait en place son propre plan pour répartir les millions de quotas entre ses industriels. C’est le total des volumes de quotas qui a constitué les premiers plafonds.

La période 2013-2020 a vu émerger le plafond européen tel qu’on le connaît aujourd’hui. Il réduit de manière régulière afin d’abaisser le volume disponible (-1,74 % par an). Cependant, cette baisse de 38 millions de quotas va s’accélérer sur la période 2021-2030 pour atteindre l’objectif de réduction de 55% des émissions de CO2 d’ici 2030 par rapport à 1990.

Amorce de la fin des quotas gratuits

Si les quotas étaient distribués gratuitement durant les premières phases du SEQE, ils le sont de moins en moins désormais. En effet, certains secteurs ne reçoivent plus de quotas gratuits (les centrales électriques, par exemple). Une partie des quotas sont mis aux enchères.

D’autres secteurs, quant à eux, sont confrontés à ce qu’on appelle la « fuite de carbone ». C’est la délocalisation des industries dans l’objectif d’échapper à la taxe carbone. Il y a donc un risque pour la compétitivité de certaines d’entre elles.

La tonne équivalente CO2 à 45€

En 2008, le prix des quotas était de 30€/tonne. Néanmoins, la crise économique des années 2008-2010, conjuguée aux politiques de soutien aux énergies renouvelables à conduit à un volume de quotas excédentaire. Ce déséquilibre du marché a fait chuter les prix de plus de 50%, voire 90% par moment.

Ce n’est qu’en 2017 que la Commission Européenne a engagé des réformes visant à provoquer une remontée des prix (autour de 25-30€/tonne de CO2). En 2021, la tonne équivalente CO2 est montée à 45€.

900 millions de quotas mis aux enchères pour 2019-2020

Pour la période, 2019-2020, 900 millions ont été mis aux enchères. En appliquant des paliers sur les volumes de quotas, l’UE a tenté de juguler les quotas excédentaires sur le long terme. Pour cela, elle a créé la Réserve de stabilité de marché (janvier 2019).

Enfin, sur la dernière phase du SEQE, l’UE a réformé les règles de fonctionnement du marché. Ainsi, le rythme de réduction du plafond des émissions s’accélère. Il passera donc de 38 à 48 millions de tonnes/an à partir de 2021.

Marché du carbone
Evolution des prix du quota de CO2 au sein du SEQE (source : Sandbag Carbon price viewer, 2020).

 

Risques de fuite du carbone et de déstabilisation de la concurrence

La Réserve de stabilité et l’intensification des objectifs climatiques renforcent la crédibilité du marché du carbone européen comme moyen efficace de lutte contre le changement climatique. En effet, ces mesures font mécaniquement monter les prix. Néanmoins, l’anticipation de la réduction de l’offre risque de faire décorréler les prix du CO2 de la réalité industrielle. On parle de 100€ la tonne en 2030.

Depuis le début de l’année, une centaine d’investisseurs non-industriels sont entrés sur le marché. Ces nouveaux acteurs espèrent spéculer sur les prix. Ces derniers considérant que les quotas d’émissions sont des produits financiers, rendant le marché très volatil.

La spéculation risque de perturber gravement les coûts de production

Cette flambée des prix risque de provoquer une hausse des coûts de production. Cela nuira à la compétitivité des industries et pourra entraîner une fuite du carbone. Pour preuve, sur le marché européen, le CO2 a atteint la barre des 50€ la tonne.

La solution pourrait donc se trouver dans une nouvelle réforme du SEQE. Pour Nicolas de Warren, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (qui regroupe les grands industriels français) :

« Ces coûts réduisent les capacités d’investissement des industriels dans la décarbonation de leurs procédés de fabrication ». Il ajoute qu’il faudrait limiter le volume des quotas disponibles pour les investisseurs non-industriels.

D’autres acteurs estiment que le déploiement du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) est une nécessité. Cette taxe carbone aux frontières, prévue pour 2023, doit faire payer aux importateurs un prix équivalent à celui dont s’acquittent les acteurs du marché de carbone européen.

Publicite

Récemment publiés dans

La France propose une alliance renforcée entre l'Union européenne et la Chine pour contrer l'absence des États-Unis dans la lutte contre le changement climatique, avec un sommet prévu pour juillet 2025.
Hydro-Québec annonce un investissement de 10 G$ pour améliorer l'efficacité énergétique à travers diverses initiatives d'ici 2035, créant ainsi plus de 5 000 emplois et réduisant les coûts d'exploitation pour les clients québécois.
Hydro-Québec annonce un investissement de 10 G$ pour améliorer l'efficacité énergétique à travers diverses initiatives d'ici 2035, créant ainsi plus de 5 000 emplois et réduisant les coûts d'exploitation pour les clients québécois.
Le gouvernement britannique et l'énergéticien italien Eni ont annoncé le bouclage financier d'un projet visant à enfouir des millions de tonnes de CO2 en mer d'Irlande, une initiative ambitieuse pour réduire les émissions industrielles.
Le gouvernement britannique et l'énergéticien italien Eni ont annoncé le bouclage financier d'un projet visant à enfouir des millions de tonnes de CO2 en mer d'Irlande, une initiative ambitieuse pour réduire les émissions industrielles.
Les États-Unis ont vivement critiqué les politiques hostiles aux énergies fossiles au sommet de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), soulignant leurs dangers pour la sécurité énergétique mondiale.
Les États-Unis ont vivement critiqué les politiques hostiles aux énergies fossiles au sommet de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), soulignant leurs dangers pour la sécurité énergétique mondiale.
Des pays comme le Brésil et l'Australie sont critiqués pour avoir surestimé la capacité d'absorption de CO2 de leurs forêts, une pratique qui affecte leur engagement en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, selon un rapport de Climate Analytics.
À Londres, les responsables mondiaux se réunissent pour discuter de la sécurité énergétique dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes. Les divergences persistent sur la place des énergies renouvelables face à la demande mondiale.
À Londres, les responsables mondiaux se réunissent pour discuter de la sécurité énergétique dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes. Les divergences persistent sur la place des énergies renouvelables face à la demande mondiale.
À l’approche d’un débat parlementaire, une vingtaine d’organisations de l’énergie demandent aux parlementaires d’agir pour réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles en accélérant l’électrification des usages.
À l’approche d’un débat parlementaire, une vingtaine d’organisations de l’énergie demandent aux parlementaires d’agir pour réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles en accélérant l’électrification des usages.
Le Nigeria entend augmenter sa capacité de production d'électricité de 4 000 MW d'ici 2026 pour répondre à la demande croissante du secteur industriel, dans un contexte de réformes et de partenariats avec des acteurs internationaux.
Le Nigeria entend augmenter sa capacité de production d'électricité de 4 000 MW d'ici 2026 pour répondre à la demande croissante du secteur industriel, dans un contexte de réformes et de partenariats avec des acteurs internationaux.
Le PDG sortant d’EDF, Luc Rémont, affirme que l’électricité française sera plus compétitive que celle des États-Unis, malgré les critiques récurrentes des industriels sur les tarifs.
La politique commerciale agressive de Donald Trump et l'incertitude réglementaire aux États-Unis freinent l’investissement dans l’éolien, le solaire et le stockage énergétique, plongeant le secteur dans une période d’attentisme et de volatilité sur les marchés financiers.
La politique commerciale agressive de Donald Trump et l'incertitude réglementaire aux États-Unis freinent l’investissement dans l’éolien, le solaire et le stockage énergétique, plongeant le secteur dans une période d’attentisme et de volatilité sur les marchés financiers.
Le gouvernement français active cinq dispositifs de financement pour soutenir des projets industriels de décarbonation à travers le plan France 2030, ciblant sites majeurs, PME et zones industrielles à forte émission.
Le gouvernement français active cinq dispositifs de financement pour soutenir des projets industriels de décarbonation à travers le plan France 2030, ciblant sites majeurs, PME et zones industrielles à forte émission.
Paris débloque un nouveau financement de 400 millions d’euros pour soutenir des projets industriels visant la réduction des émissions, dans le cadre du programme France 2030.
Paris débloque un nouveau financement de 400 millions d’euros pour soutenir des projets industriels visant la réduction des émissions, dans le cadre du programme France 2030.
Le retrait massif du soutien financier américain et la réduction des aides européennes pourraient compromettre la réalisation des projets énergétiques en Afrique, modifiant profondément leur structure de financement et les engagements du continent.
Le gouvernement vietnamien revoit à la hausse ses objectifs en matière d’énergies renouvelables dans une nouvelle version de son plan énergétique national, en réponse à la hausse continue de la demande en électricité.
Le gouvernement vietnamien revoit à la hausse ses objectifs en matière d’énergies renouvelables dans une nouvelle version de son plan énergétique national, en réponse à la hausse continue de la demande en électricité.
Une panne massive a plongé Porto Rico dans l'obscurité mercredi, privant d'électricité environ 1,1 million de foyers, après l'arrêt inattendu de toutes ses centrales électriques.
Une panne massive a plongé Porto Rico dans l'obscurité mercredi, privant d'électricité environ 1,1 million de foyers, après l'arrêt inattendu de toutes ses centrales électriques.
La République tchèque a mis fin à sa dépendance au pétrole russe après plus de six décennies, un changement majeur décidé en réponse à l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
La République tchèque a mis fin à sa dépendance au pétrole russe après plus de six décennies, un changement majeur décidé en réponse à l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Le marché européen des contrats d’achat d’électricité (PPA) pour les énergies renouvelables a atteint 19 GW de nouvelles capacités en 2024, avec une montée en puissance des accords hybrides incluant le stockage.
Le ministre de l’Industrie Marc Ferracci a critiqué les positions du Rassemblement national sur l’énergie, les accusant de freiner les investissements prévus dans les renouvelables au profit des importations de combustibles fossiles.
Le ministre de l’Industrie Marc Ferracci a critiqué les positions du Rassemblement national sur l’énergie, les accusant de freiner les investissements prévus dans les renouvelables au profit des importations de combustibles fossiles.
Le projet de loi 69 suscite des protestations à Saint-Jean-sur-Richelieu, où plusieurs organisations dénoncent un risque de privatisation du secteur de l’électricité au Québec.
Le projet de loi 69 suscite des protestations à Saint-Jean-sur-Richelieu, où plusieurs organisations dénoncent un risque de privatisation du secteur de l’électricité au Québec.
L’énergie éolienne et solaire a couvert près d’un cinquième de la production électrique de la Turquie en 2024, selon une analyse du groupe de réflexion Ember, portée par une forte hausse de la capacité installée.
L’énergie éolienne et solaire a couvert près d’un cinquième de la production électrique de la Turquie en 2024, selon une analyse du groupe de réflexion Ember, portée par une forte hausse de la capacité installée.
La Programmation pluriannuelle de l’énergie réoriente la stratégie française en limitant le photovoltaïque au profit de solutions de flexibilité, dont le stockage par batterie, pour répondre aux déséquilibres croissants du marché électrique.
La Commission de régulation de l’énergie dévoile un premier observatoire consacré aux contrats d’achat d’électricité renouvelable en France, soulignant une progression récente mais encore marginale face aux mécanismes soutenus par l’État.
La Commission de régulation de l’énergie dévoile un premier observatoire consacré aux contrats d’achat d’électricité renouvelable en France, soulignant une progression récente mais encore marginale face aux mécanismes soutenus par l’État.
Le gouvernement français prévoit d’adopter d’ici deux semaines un décret définissant les objectifs énergétiques de la décennie à venir, relançant le nucléaire et préparant un débat parlementaire attendu sur la souveraineté énergétique.
Le gouvernement français prévoit d’adopter d’ici deux semaines un décret définissant les objectifs énergétiques de la décennie à venir, relançant le nucléaire et préparant un débat parlementaire attendu sur la souveraineté énergétique.
L’accroissement des capacités solaire et éolienne multiplie les heures de prix négatifs sur les marchés européens de l’électricité, fragilisant les équilibres économiques du secteur tout en modifiant les dynamiques d’exportation et de stockage.
L’accroissement des capacités solaire et éolienne multiplie les heures de prix négatifs sur les marchés européens de l’électricité, fragilisant les équilibres économiques du secteur tout en modifiant les dynamiques d’exportation et de stockage.

Publicite