Le Parlement européen vote sur un nouveau compromis sur la réforme du marché du CO2. Les eurodéputés vont également voter sur une future taxe carbone aux frontières. Cela intervient deux semaines après avoir rejeté à la surprise générale ces textes-clés du plan climatique de l’UE.
Les eurodéputés n’avaient pas réussi à Strasbourg à s’entendre sur le calendrier de suppression des quotas gratuits aux industriels. Cela constitue un pilier de la stratégie de Bruxelles pour réduire les émissions de CO2 de l’UE.
En outre, deux autres textes (taxe carbone aux frontières, fonds social pour le climat) avaient été recalés.
Marché du carbone : un nouveau compromis ?
Un nouveau compromis, âprement renégocié entre les groupes politiques en commission, est ainsi soumis à l’ensemble des eurodéputés. Ils sont réunis à Bruxelles pour fixer leur position avant leurs pourparlers avec les États.
“Nous avons trouvé une solution en moins d’une semaine”, se félicite Pascal Canfin (Renew), président de la commission Environnement, convaincu que ce nouvel accord “équilibré” obtiendra “un vote stable et large”.
Les ministres des Vingt-Sept, eux, tenteront fin juin de s’accorder sur une position commune. Actuellement, le marché carbone européen, où s’échangent depuis 2005 les “permis à polluer”, couvre seulement 40% des émissions des Vingt-Sept.
Les eurodéputés, dans l’ensemble, approuvent son élargissement au secteur maritime, à l’aviation, aux poids lourds et aux immeubles de bureaux.
Néanmoins, l’essentiel des industriels reçoivent des “quotas gratuits” pour ne pas les défavoriser par rapport aux importations venant de pays tiers. Or, Bruxelles prévoit la disparition des quotas gratuits. Cela se fera à mesure que seront taxées aux frontières de l’UE les importations de secteurs polluants sur base du prix du CO2 européen.
Le 8 juin, le blocage s’était noué autour du calendrier. Le PPE (droite, première force du Parlement) voulait maintenir jusqu’en 2034 des quotas gratuits dans l’UE. La Commission quant à elle proposait 2035.
Une “ligne rouge” pour les Verts et S&D (sociaux-démocrates). S&D et Renew (centristes et libéraux) avaient vainement soutenu une réduction graduelle entre 2026 et 2032.
“Réalités économiques”
La nouvelle mouture, fruit d’un accord entre le PPE, S&D et Renew, prévoit finalement une baisse graduelle des quotas gratuits à partir de 2027 jusqu’à leur disparition en 2032, avec en contrepartie une progressivité accrue afin de satisfaire le PPE: les entreprises recevront ainsi encore 50% d’allocations gratuites en 2030.
“Nous devons décarboner en laissant aux entreprises le temps de s’adapter. Cet accord associe préoccupations climatiques et réalités économiques”, a salué le président du PPE, Manfred Weber.
Le compromis reporte le début de l’application du “mécanisme d’ajustement carbone” aux frontières à 2027 (contre 2025 initialement).
Autre concession au PPE: les sites industriels continueront de recevoir des quotas gratuits pour leur production destinée aux exportations vers des pays tiers n’ayant pas une tarification carbone comparable.
“Toutefois, ce dispositif devra être compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce et ne concerner que les installations ayant fait l’objet d’un investissement vert”, insiste Pascal Canfin.
D’autres aspects-clés restent cependant inchangés: le texte vise toujours à réduire de 63% d’ici à 2030, par rapport à 2005.
L’eurodéputée Marie Toussaint (Verts) juge le compromis “guère satisfaisant”. Il estime néanmoins que son parti à réussi à “maintenir l’essentiel pour ne pas faire de ce paquet climat une coquille vide.”
Les ONG environnementales se montraient déçues. “Les actions urgentes sont retardées: distribuer des quotas gratuits aux gros pollueurs au-delà de 2030 est un cadeau majeur sur le dos des citoyens, de la planète et des autres secteurs qui paieront la facture”, s’indigne Klaus Röhrig, de CAN Europe.
Enfin, “Cela entravera la décarbonation industrielle (…) avec un coût énorme pour notre climat et les finances publiques”, abonde Camille Maury, de WWF.