L’Union Européenne revoit sa stratégie concernant les projets d’hydrogène afin de réduire sa dépendance aux composants chinois. Le marché des technologies d’hydrogène est de plus en plus stratégique dans le cadre des ambitions de décarbonation du continent. Cependant, la forte présence de composants chinois, notamment les électrolyseurs, crée des risques pour la sécurité de la chaîne d’approvisionnement. Les nouvelles règles imposées par la Banque Européenne de l’Hydrogène limitent désormais la part de composants provenant de Chine à 25 % de la capacité totale des projets soutenus, un seuil strict destiné à encourager la production européenne.
Ces nouvelles exigences sont en partie motivées par les précédentes enchères de l’UE, où plusieurs projets gagnants utilisaient massivement des technologies bon marché en provenance de Chine. Cette situation a suscité des inquiétudes parmi les industriels européens qui craignent une perte de contrôle technologique similaire à celle déjà observée dans le secteur des panneaux solaires, où la Chine domine désormais le marché global.
Le cadre de la Net-Zero Industry Act
Les restrictions sur les composants s’inscrivent dans le cadre de la Net-Zero Industry Act, un ensemble de mesures visant à renforcer la souveraineté industrielle de l’UE et à sécuriser ses approvisionnements en technologies propres. L’objectif est de soutenir la production locale d’électrolyseurs tout en favorisant les investissements dans de nouvelles capacités de production sur le continent. Ces mesures interviennent dans un contexte où la Chine détient déjà plus de 50 % de la production mondiale d’électrolyseurs, un avantage compétitif qui pourrait menacer l’autonomie de l’Europe dans ses ambitions de transition énergétique.
Les nouvelles règles incluent également des critères non financiers pour les projets, tels que des exigences en matière de cybersécurité et d’émissions, afin de favoriser les entreprises européennes. Ce cadre législatif s’aligne avec d’autres initiatives de protection de l’industrie, comme les récentes enquêtes sur les véhicules électriques chinois et les possibles droits de douane à venir pour protéger le marché local.
Les risques pour la compétitivité des projets
Si l’UE espère renforcer la résilience de sa chaîne d’approvisionnement, ces nouvelles règles pourraient également compliquer le développement de certains projets. Les composants chinois, souvent moins coûteux que leurs homologues européens, permettent actuellement de maintenir la rentabilité de nombreuses installations. Les nouvelles restrictions pourraient entraîner une hausse des coûts, ce qui risquerait de rendre certains projets moins attractifs sur le marché global, et de freiner l’adoption de l’hydrogène comme solution énergétique clé pour la décarbonation.
Jorgo Chatzimarkakis, PDG de Hydrogen Europe, a exprimé des réserves sur la complexité administrative qui pourrait accompagner ces nouvelles mesures. La simplification des procédures est jugée essentielle pour éviter de décourager les investisseurs et les promoteurs de projets. La Commission Européenne, sous la direction d’Ursula von der Leyen, s’engage à réduire ces formalités administratives afin de faciliter le déploiement des technologies dans le cadre du Green Deal.
Un enjeu géopolitique majeur
La révision des règles d’enchères intervient alors que les tensions commerciales entre l’UE et la Chine s’intensifient. En réponse aux restrictions européennes, Pékin pourrait adopter des mesures de rétorsion, compliquant encore davantage les relations bilatérales dans d’autres secteurs stratégiques. Parallèlement, les États-Unis suivent une trajectoire similaire avec leur Inflation Reduction Act, qui favorise également la production locale de technologies propres pour réduire la dépendance étrangère. Cette dynamique crée un climat de compétition mondiale pour attirer les investissements dans les chaînes d’approvisionnement locales.
Pour l’UE, la question centrale est de savoir si ces nouvelles règles parviendront à stimuler la production européenne d’électrolyseurs tout en évitant un ralentissement de ses projets de décarbonation. La prochaine série d’enchères, prévue le 3 décembre 2024, sera un moment clé pour évaluer l’efficacité de cette stratégie et déterminer si l’UE peut maintenir son ambition de leadership dans le secteur des technologies d’hydrogène tout en réduisant la dépendance vis-à-vis de la Chine.