Alors que la guerre en Ukraine continue, l’Europe vise l’indépendance énergétique. Dans cette optique, une transition rapide pour s’éloigner des combustibles fossiles russes est attendue. Les dirigeants européens affichent alors des objectifs de décarbonation déjà ambitieux pour mettre fin à la dépendance au gaz russe d’ici à 2027.
Une question plus géopolitique qu’écologique
À court terme les émissions de carbone européennes pourraient augmenter en raison de la fermeture de réacteurs nucléaires européens. La tendance actuelle de certains États à compter sur le charbon comme énergie de secours ne laisse pas entrevoir cette transition sur le court terme. L’Allemagne consomme 1,5 % des réserves mondiales de charbon. Cela fait du pays le leader européen.
En avril, la production d’électricité à partir de charbon a augmenté de 27 % sur l’année dans les cinq principaux pays européens. De plus, la production de cette énergie issue de sources polluantes a augmenté de 20 % sur l’année entre janvier et avril.
L’inflation et les perturbations des chaînes d’approvisionnement sont également des facteurs déterminants à moyen terme.
La gestion énergétique en Europe
L’éolien terrestre se heurte à des obstacles obstinés en matière d’autorisation et de subventions. WindEurope prévoit des installations éoliennes annuelles dans l’UE de 15 GW jusqu’en 2025, mais compte sur 27 GW/an pour atteindre ses objectifs. L’Allemagne a ajouté 1,9 GW d’énergie éolienne en 2021 alors que son objectif climatique pour 2030 nécessite environ 5 GW/an.
L’analyse du consultant énergétique montre pareillement certaines limites pour atteindre les objectifs annoncés dans REPowerEU. Par exemple, la croissance annuelle de la capacité solaire doit être de 47 GW en moyenne entre 2022 et 2030. En 2021, l’Union européenne a augmenté sa capacité solaire de 25,9 GW, un écart de plus de 20 GW est observable.
De plus, le réseau électrique européen vieillissant pourrait ne pas supporter la transition énergétique. Selon Eurelectric, ils auraient besoin d’un investissement maximum de 425 milliards d’euros d’ici 2030 pour accueillir les nouvelles énergies renouvelables. Cette évaluation a été faite avant l’augmentation des objectifs de REPowerEU.
L’hydrogène renouvelable, loin du miracle attendu en Europe ?
Dans son plan, l’objectif de production d’hydrogène renouvelable de l’UE pour 2030 est doublé. Il est monté à 10 millions de tonnes par an, ce qui nécessite environ 80 GW d’électrolyse et une quantité similaire d’importations. S&P Global présente environ 9 millions de tonnes de projets d’hydrogène propre ou à faible émission d’ici à la fin de la décennie.
L’Europe produit environ 7 millions de tonnes par an d’hydrogène conventionnel, utilisé en grande partie dans le raffinage et la production d’engrais, et principalement dérivé de combustibles fossiles. Ce qui représente une consommation de gaz naturel estimée à 29,7 Gm3/an, selon les analystes de S&P Global.
Loin de l’indépendance énergétique initialement souhaitée, l’UE développe des partenariats pour l’importation d’hydrogène comme avec l’Ukraine et le Moyen-Orient. Les importations pourraient commencer en 2024 et la Commission européenne a déclaré qu’un cadre d’importation pourrait s’inspirer de H2Global.
En avril, le président du Conseil ukrainien de l’hydrogène, Oleksandr Riepkin, déclare qu’un accord de reconstruction et d’exportation d’hydrogène devrait être établi après la guerre.
Dans son rapport S&P Global Commodity Insights ne se montre optimiste. Souvent considéré comme le futur des carburants propres, les observateurs livrent ce constat :
« Les analystes de S&P Global ont déclaré que les objectifs de l’UE en matière d’hydrogène étaient « ambitieux » et qu’il était peu probable qu’ils soient atteints, ce qui entraînerait un besoin d’importations supplémentaires de GNL sur le continent.[…] Les coûts calculés de production d’hydrogène alimenté par le réseau en Europe ont fortement augmenté depuis fin 2021, en raison de la flambée des prix du gaz et de l’électricité. »
Des objectifs européens trop ambitieux et trop précoces ?
Lancé récemment, le programme REPowerEU relève l’objectif autour des énergies renouvelables pour 2030. Ainsi, la demande finale d’énergie renouvelable passe à 45 %, contre 40 % dans le programme Fit for 55. Cette estimation est réalisée sur des hypothèses optimistes, selon S&P Global Commodity Insights.
Les émissions répertoriées dans le cadre du système communautaire d’échange de quotas d’émission ont augmenté de 7,3 % en 2021. La principale raison évoquée par S&P Global Commodity Insights est le prix élevé du gaz naturel favorisant le charbon. Par ailleurs, la reprise des activités économiques après la pandémie est aussi un facteur déterminant.
Sous un autre aspect, la hausse des coûts des matières première s’est répercutée sur les composants éoliens et solaires. Cette évolution fait grimper de 15 % les prix moyens des modules solaires et de 10 % pour les éoliennes. Une hausse qui a entraîné des retards dans les projets et la renégociation des accords d’achat d’électricité.